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Afrique du Sud et territoires avoisinants (2e partie)

Afrique du Sud et territoires avoisinants (2e partie)

L’Afrique du Sud et les territoires avoisinants (2partie)

TRANSITION SANS HEURTS

À la fin de 1941, frère Rutherford, qui pendant vingt-cinq ans avait rempli fidèlement ses fonctions de président de la Société, était déjà très malade. Il avait soixante-douze ans et pendant des années il s’était dépensé dans le service de Jéhovah. Le 8 janvier 1942, il mourut, achevant son service terrestre. En l’espace de quelques jours, le conseil d’administration de la Société s’était réuni au Béthel de Brooklyn et avait élu un nouveau président : N. H. Knorr. Après le décès de Rutherford, l’attitude des proclamateurs fut très différente de celle qu’eurent les frères après la mort de Russell. En 1942, personne ne s’écria : “Qu’allons-​nous faire maintenant ?” Bien entendu, quand les ennemis de la vérité apprirent la mort de Rutherford, ils exultèrent et se dirent : “Maintenant que leur chef et porte-parole est mort, leur œuvre ne va pas tarder à se désagréger.” En quoi ils se trompaient lourdement.

En août 1941, peu avant sa mort, frère Rutherford se trouvait à l’assemblée de St Louis, aux États-Unis. L’un des points saillants de ce rassemblement fut le “Jour des enfants”, celui où parut le livre Enfants. Les principaux points de cette remarquable assemblée furent repris au congrès de Johannesburg, en avril 1942. On dénombra 1 700 personnes dans l’assistance, y compris 340 enfants, qui accueillirent avec joie le nouveau livre. À l’occasion de cette assemblée, 400 personnes symbolisèrent leur offrande à Dieu, soit plus de deux fois le maximum précédent. On installa pour la première fois une cafétéria, qui servit 6 000 repas, ce qui était remarquable à l’époque. Tous les frères se sentirent encouragés et revivifiés et rentrèrent dans leurs foyers le cœur plein d’allégresse.

Les jeunes pionniers, qui venaient d’entreprendre le service à plein temps, furent, eux aussi, très encouragés lors de cette assemblée. En 1942, les rangs des pionniers grossirent. Ils étaient maintenant au nombre de soixante-cinq. L’un d’eux était Piet Wentzel, qui avait pris position pour la vérité dans la petite ville de Bonnievale (Province du Cap). En décembre 1941, il commença son service à Kimberley. En 1945, il fut rejoint par Frans Muller qui, ayant seize ans, avait quitté l’école. Ce frère avait reçu une bonne formation dans la congrégation de Pretoria. On demanda aux deux jeunes frères de faire la ville de Vereeniging, à une cinquantaine de kilomètres au sud de Johannesburg. Ils travaillèrent dur, l’un d’eux faisant en moyenne 210 heures par mois durant cette année-​là.

Malgré les prédictions des ennemis, l’œuvre du Royaume ne se ralentit pas en 1942, après le décès de frère Rutherford. Tout au contraire, elle s’accéléra, si bien qu’à la fin de l’année de service, Georges Phillips put annoncer un nouveau maximum de 1 582 proclamateurs, soit un accroissement de 26% par rapport au maximum de l’année précédente. Quel merveilleux accroissement quand on songe à la centaine de proclamateurs de 1931 !

LES SERVITEURS DES FRÈRES

Sous la direction de frère Knorr, le nouveau président de la Société, l’œuvre progressait. C’est alors que fut instituée l’activité des serviteurs des frères. En Afrique du Sud, cette œuvre commença en février 1943. (L’activité de zone avait pris fin en 1942.) Les serviteurs des frères devaient être célibataires. Ce devaient aussi être des hommes robustes et pleins d’énergie pour faire tout ce qu’on attendait d’eux. Au début, ils ne restaient qu’un jour dans les tout petits groupes et deux ou trois jours dans les grandes congrégations. Il leur fallait donc voyager beaucoup, dans des conditions difficiles. Ils devaient non seulement vérifier les écritures de la congrégation, mais consacrer beaucoup de temps à la prédication, avec les frères, qu’ils devaient former.

Gert Nel fut l’un des nouveaux serviteurs des frères nommés en 1943. Il avait connu la vérité en 1934, alors qu’il était instituteur au Transvaal. Il avait été un proclamateur très zélé et très actif. Comme serviteur de zone et serviteur des frères, frère Nel eut le privilège d’aider de nombreux frères, africains et européens. Beaucoup d’entre eux d’ailleurs se souviennent de son zèle. Il fut appelé au Béthel en 1946 comme traducteur.

Thomas M’kele devint, lui aussi, serviteur des frères. C’était un frère africain. C’est frère Mulenga, un des premiers pionniers africains en Afrique du Sud, qui lui fit connaître la vérité. Un dimanche matin, alors que frère Mulenga annonçait la bonne nouvelle, il rencontra un groupe d’hommes qui dormaient à même le sol. S’étant adressé à eux, il apprit qu’ils avaient passé toute la nuit à prier à l’église. À ce moment-​là, leur pasteur, le “révérend” Thomas M’kele, demanda à frère Mulenga ce qu’il avait dans sa serviette. M’kele accepta la brochure Où sont les morts ? La semaine suivante, il prit plusieurs livres et la semaine d’après il assista à une assemblée. Il ne tarda pas à quitter son Église, puis il prit le baptême et en moins d’un an il faisait le service de pionnier avec frère Mulenga. Plus tard, ainsi qu’on l’a dit plus haut, il est devenu un serviteur des frères. Il est mort fidèle en 1945.

UNE NOUVELLE ÉCOLE

Une des choses nouvelles qui furent instituées par le président de la Société, N. H. Knorr, et qui eut beaucoup d’effet dans le champ, ce fut l’École hebdomadaire du ministère théocratique. Cette école aida beaucoup de frères, qui croyaient ne jamais pouvoir prendre la parole en public, à devenir en peu de temps de bons orateurs et des proclamateurs qualifiés. Dans toutes les parties de l’Afrique du Sud, les frères apprécièrent ce nouveau don de Jéhovah et l’accueillirent dans l’enthousiasme. Cette école ne se tenait pas seulement pour les Européens, mais encore pour les frères africains, malgré les barrières linguistiques et le manque d’instruction.

En 1943, frère Samuel Mase devint surveillant à l’école. En 1938, il avait été membre du parti communiste. Un jour, il acheta le livre Richesses, dans l’espoir d’y trouver une recette pour réussir en affaires ! Samuel était aussi tourmenté par des esprits méchants. Il connaissait des nuits fort agitées. Il consulta des sorciers, mais sans résultats. Mais du jour où il commença à assister à l’étude de La Tour de Garde, sa vie fut entièrement transformée. Ce qui le frappa surtout, ce fut l’amour des frères qui appartenaient à des tribus différentes. Il constata que chez eux régnait une unité qui n’existait pas dans le monde politique. Il devint surveillant à l’école dans une congrégation africaine du Reef. Par la suite, il entreprit le service de pionnier, puis il fut surveillant de circonscription.

L’École du ministère théocratique fut à l’origine de bien des progrès. À Pretoria, le petit groupe formé par Hamilton Kaphwitt était devenu en 1945 une grande congrégation de 181 membres C’est à cette époque que le gouvernement commença à installer les Africains dans les localités indigènes, loin de la ville de Pretoria. Déjà la congrégation africaine était deux fois plus nombreuse que la congrégation européenne. Cela montre tout l’accroissement qui s’était produit dans le champ africain pendant la Seconde Guerre mondiale. Au début des hostilités, les proclamateurs européens étaient deux fois plus nombreux que les proclamateurs africains. Mais à la fin de la guerre, la situation avait changé : en de nombreux endroits, les frères africains étaient plus nombreux que les frères européens.

En 1945, Johannesburg comptait une seule congrégation européenne de 113 membres et quatre congrégations africaines avec un total de 500 membres.

Il y avait aussi de l’accroissement au Cap. Dans cette ville, les frères européens étaient au nombre de 135, tandis que la congrégation de Salt River comptait 138 membres de couleur. Bientôt cette dernière congrégation fut divisée et donna naissance à quatre nouvelles congrégations.

C’est vers cette époque que Nicholson Makhetha, un nègre blanc ou albinos, connut la vérité. Il prit le baptême à l’assemblée de 1944. Frère Makhetha devint pionnier en 1946, et, par la suite, il fut surveillant de circonscription pendant plusieurs années. Comme il maîtrisait bien la langue anglaise, il faisait fonction d’interprète (anglais-​sesotho) lors des grandes assemblées. Il eut aussi le privilège de traduire en sesotho les publications de la Société, dans son pays natal, le Lesotho.

PROGRÈS AU NYASSALAND

En 1940, les congrégations chrétiennes au Nyassaland étaient au nombre de soixante. La prédication se heurtait à l’opposition croissante de la religion. Les prêtres catholiques racontaient aux gens que si le pays s’était trouvé sous domination catholique, il y aurait belle lurette que notre œuvre serait interdite. Le pape, affirmaient-​ils, allait bientôt détruire notre œuvre et “jeter Rutherford et tous les témoins de Jéhovah au beau milieu de la mer”.

L’incident suivant montre que pour les ecclésiastiques tous les moyens étaient bons : Cinq enseignants africains et catholiques s’émurent à la vue d’une personne qui faisait entendre un disque en cinyanja. Ces hommes envoyèrent alors une lettre au commissaire de district pour l’informer que quelqu’un, muni d’un phonographe, allait par les villages, racontant à tout le monde qu’Harmaguédon était arrivé et que tous les Européens allaient être détruits. On voulait, par ce mensonge, indisposer les fonctionnaires blancs. Mais l’enquête révéla qu’il s’agissait d’une pure calomnie et l’affaire s’arrêta là.

La superstition joue souvent un très grand rôle dans la vie des Africains. Mais la vérité les libère de ce joug. Quant aux esclaves de la superstition, ils n’hésitent pas à user de leurs armes spéciales contre les serviteurs de Jéhovah. Par exemple, un jour qu’une congrégation de témoins de Jéhovah prêchait de village en village, un lion survint après leur passage et fit des victimes. Les esprits superstitieux accusèrent alors les témoins d’avoir attiré sur eux l’attention du lion ! Bien entendu, les enseignants catholiques savent exploiter les superstitions.

Quand éclata la Seconde Guerre mondiale, on voulut faire interdire l’œuvre du Royaume au Nyassaland, mais le gouvernement ne se laissa pas influencer. On trouve un reflet de son attitude dans la déclaration du gouverneur Mackenzie-Kennedy, qui a dit : “Je connais les gens de la Tour de Garde depuis vingt-cinq ans. Je sais que dans certains pays ils sont persécutés et non reconnus. Pour ma part, je n’ai nulle intention d’entraver leur liberté de mouvement dans ce pays, tant qu’ils respecteront la loi.” Il y eut aussi des autorités africaines qui, par leur comportement, laissèrent la voie ouverte au message du Royaume.

En 1943, l’œuvre avait fait de tels progrès que la moyenne mensuelle des proclamateurs était de 2 464, avec 144 congrégations. Mais cette année-​là, un nouveau gouverneur fut nommé, et aussi un nouveau commissaire de police. Un grand envoi de livres Richesses en cinyanja fut saisi par le gouvernement. En juin 1943, la note gouvernementale n77 annonça l’interdiction d’importer les publications de la Société. Mais cela n’eut pas un très grand effet sur l’œuvre, car il y avait des stocks considérables au Nyassaland.

Ce qui, par contre, eut de l’effet, ce fut l’activité des “mouvements de la Tour de Garde”, activité qui portait atteinte à la réputation de la Société. En 1937, Elliott Kamwana fut libéré aux îles Seychelles, où il avait été déporté, et revint comme chef d’un de ces faux mouvements. Willie Kavala jouait, lui aussi, sa petite comédie. Il affirmait qu’il travaillait sous la direction du juge Rutherford. Devant cette situation, la Société délivra des cartes d’identité spéciales à tous ceux qu’elle reconnaissait comme proclamateurs et elle communiqua leurs noms au gouvernement. De cette façon, une nette distinction fut établie entre les témoins de Jéhovah, sous la direction de la Watch Tower Bible and Tract Society, et les mouvements païens qui portaient un nom semblable.

En 1944, l’expression “le monde nouveau de Jéhovah” frappa les esprits au Nyassaland. Pendant un discours sur le monde nouveau, un frère offrit cette explication : “Après qu’Adam eut péché, aucun enfant ne lui est né dans le jardin ; ils sont tous nés dans la ‘brousse’, et, chers amis, nous sommes encore dans la ‘brousse’. Nous ne sommes pas encore retournés au jardin. Mais proche est le temps où nous quitterons ce monde de ‘matekenya’ (espèce de puce) pour entrer dans le monde nouveau de Jéhovah.” Dans une certaine région du pays, les intéressés suivaient les témoins de Jéhovah de village en village, s’abreuvant des promesses de la Parole de Dieu.

L’année suivante, les vérités de la Bible produisirent aussi des remous parmi les représentants de la fausse religion. Un certain nombre d’ecclésiastiques africains, après avoir entendu un discours sur le monde nouveau, allèrent trouver tous ensemble un missionnaire européen et lui dirent : “Pourquoi nous avez-​vous caché ces choses ? Aujourd’hui nous voyons des garçons et des filles aller trouver les gens et leur annoncer les choses les plus merveilleuses qu’ils aient jamais entendues ! Et voici que vous nous avez demandé de prêcher des doctrines qui sont fausses ! Et quand nous nous présentons devant le peuple pour prêcher, nous avons l’air ridicule.”

LES DIFFICULTÉS SONT VAINCUES EN RHODÉSIE DU SUD

En 1939, les proclamateurs européens de la Rhodésie du Sud étaient au nombre de 15, tandis que les proclamateurs africains, eux, étaient au nombre de 460. Les frères africains venaient de recevoir leur première brochure en chischona, la principale langue africaine du pays. Cela les aida beaucoup.

Pendant ce temps, à la mine d’or dont il était propriétaire, Jack McLuckie, proclamateur isolé, élevait sa famille dans la vérité. Sa maison était des plus simples. Les murs étaient en clayonnage revêtu de terre séchée ; quant au plancher, il était en senga (bouse de vache qu’on délaye d’abord dans de l’eau, puis qu’on laisse sécher. Quand elle est sèche, elle devient si dure qu’on peut la balayer quotidiennement). Jack élevait donc fidèlement ses enfants dans la vérité. Une de ses méthodes consistait à lire quelques versets dans la Bible, puis à s’assurer que tout le monde avait bien compris. Ian, le benjamin, était très jeune à l’époque, mais il se souvient fort bien des leçons paternelles. L’instruction qu’il reçut lui fut très utile par la suite, quand il devint pionnier, puis missionnaire de Galaad.

C’est en 1939 qu’une autre famille McLuckie fit son apparition en Rhodésie du Sud. C’était Bert McLuckie, sa femme Carmen et leur petit garçon Pierre, sans oublier deux enfants d’un précédent mariage. Bert McLuckie connut la vérité en 1927 et aida beaucoup de personnes de sa parenté à accepter la vérité. D’ailleurs, le “clan” McLuckie est bien connu en Afrique centrale et en Afrique australe.

En 1939, peu après le début de la Seconde Guerre mondiale, les deux familles McLuckie, ainsi que les autres proclamateurs de la Rhodésie du Sud, se trouvèrent aux prises avec les difficultés. Le 15 novembre 1940, le gouvernement interdit l’importation et la diffusion des publications de la Société. On interdit même l’“Emphatic Diaglott”, version anglaise des Écritures grecques chrétiennes. Tous ces ouvrages, disait-​on, étaient susceptibles de nuire à l’effort de guerre. La filiale du Cap envoya aussitôt un appel au roi d’Angleterre, au premier ministre britannique, au ministre des Colonies, au gouverneur de la Rhodésie du Sud et à tous les membres du Parlement. Personne n’accusa réception de sa lettre. Quelques jours plus tard, un membre de la CID vint trouver Georges Phillips, au nom du gouvernement. On voulait connaître les antécédents de l’auteur de la lettre !

Bert McLuckie raconte que quelques frères se découragèrent par crainte à l’époque où furent interdites les publications, mais la plupart demeurèrent fermes, bien résolus à tester la légalité de l’arrêt d’interdiction. Ils continuèrent donc à diffuser les publications, quoi qu’il leur advînt. Il y eut des arrestations, des poursuites et des inculpations. On confisqua des livres, des Bibles et des disques qui, par la suite, furent brûlés sur ordre du tribunal. Quelques affaires vinrent devant la Haute Cour de la Rhodésie du Sud, mais en raison des pressions et de la situation créée par la guerre, le jugement ne fut pas favorable à la Société.

Selon Jack McLuckie, à l’époque les frères européens étaient au nombre de 16, dont la plupart faisaient de temps à autre de la prison pour avoir répandu des écrits interdits. Il en est qui allèrent en prison deux ou trois fois. À la même époque, beaucoup de frères furent incarcérés en raison de leur neutralité. Pendant leur détention, ils donnaient le témoignage et il y eut des gardiens qui assistèrent aux études bibliques quand ces frères eurent été relâchés.

Un jour, Carmen, la femme de Bert McLuckie, fut arrêtée, elle aussi. Elle se vit condamnée à 25 livres d’amende ou trois mois de prison. Or, elle était enceinte. On fit appel, mais sans résultat. Pendant ce temps, Carmen avait mis au monde une petite fille. Après le rejet de l’appel, on vint arrêter Carmen et frère McLuckie vit sa femme et son enfant partir pour la prison de Gwelo. On aurait pu garder l’enfant à la maison, mais il fut décidé qu’il valait mieux que la mère et l’enfant fussent ensemble. Pendant la détention, la petite fille eut pour bonne d’enfants une meurtrière qui pleura abondamment quand, après trois mois, la mère et l’enfant quittèrent la prison.

Frère McLuckie lui-​même alla plusieurs fois en prison. Il dut subir la compagnie de toutes sortes de malfaiteurs. Jamais il n’avait entendu langage aussi grossier. Cependant il y eut deux détenus qui acceptèrent la vérité. Un jour, alors que tous les autres étaient dans la cour, à l’exercice, frère McLuckie baptisa les deux détenus, dans la prison même.

En 1942, les frères européens de la Rhodésie du Sud publièrent la brochure Les témoins de Jéhovah : qui sont-​ils et quelle est leur œuvre ? Ils en envoyèrent un exemplaire au gouverneur et à tous les autres fonctionnaires. Puis ils se mirent à répandre cette brochure. Frère McLuckie se souvient fort bien de tout cela. D’ailleurs sa femme fut de nouveau arrêtée, alors qu’elle participait à cette œuvre. Mais cette fois, elle ne fut pas inculpée.

En 1943, les proclamateurs de la Rhodésie du Sud étaient en moyenne au nombre de 1 090, mais leurs rangs grossissaient rapidement. L’année suivante, il y eut des assemblées pour les frères africains. On dénombra 1 028 assistants à l’assemblée africaine de Bulawayo, et, à Mrewa, 347 personnes assistèrent au discours public. Il y eut 50 baptêmes à ces deux assemblées. Une assemblée européenne se tint aussi à Bulawayo. L’assistance maximum fut de 73 personnes. Les frères furent encouragés à persévérer dans leur œuvre, en attendant le jour où la Société pourrait ouvrir un dépôt et envoyer dans le pays un représentant officiel.

PLEINS DE ZÈLE FACE À LA PERSÉCUTION

En 1940, une nouvelle émeute éclata dans le Copper Belt de la Rhodésie du Nord et, dans l’un des centres, il y eut plusieurs tués parmi les Africains. Cette fois les ennemis ne purent pas faire de nos frères des “boucs émissaires”. Les meneurs étaient tous catholiques, mais le gouvernement s’abstint de mentionner ce fait. Les témoins de Jéhovah du Copper Belt étaient à l’époque bien plus forts et bien plus zélés que jamais.

En décembre 1940, un arrêt gouvernemental interdit l’importation et la diffusion de toutes les publications de la Société. On fit des perquisitions chez les frères et nombre d’entre eux furent jetés en prison parce qu’ils possédaient des écrits. Un jour, deux frères, Gibson Chembe et Lamond Kandama, furent roués de coups à plusieurs reprises, sur leur refus de brûler leurs livres devant tout le monde, chefs inclus. Le chef de la police et le juge étaient parfaitement au courant de ces brutalités. Le rapport envoyé au Cap fut saisi par la censure et le chef de la sécurité envoya chercher Llewelyn Phillips. Celui-ci lui fit connaître les faits et le chef promit qu’une enquête serait ouverte. Une protestation fut envoyée au siège du gouvernement à Lusaka, et au ministère des Colonies à Londres. Le gouvernement désigna une commission d’enquête. Le juge et le chef de la police reçurent un blâme et on n’essaya plus d’obliger les frères à faire un autodafé de leurs livres.

Ensuite parut une note gouvernementale, en mars 1941, prescrivant à tous les Européens et à tous les Africains de remettre les publications de la Société au boma (tribunal) le plus proche, dans un délai de deux mois, sous peine de poursuites. Inutile de dire que tous les vrais témoins de Jéhovah refusèrent, ce qui provoqua d’autres arrestations. On perquisitionna le dépôt de la Société. Le serviteur du dépôt, Llewelyn Phillips, refusa fermement de remettre les publications en sa possession. Il fut condamné à six mois de prison. Il avait déjà fait cette année-​là un mois de prison pour avoir refusé de faire le service militaire.

Les choses ne s’apaisèrent pas l’année suivante. Llewelyn Phillips fut de nouveau arrêté à cause du service militaire, mais il fit appel. Il passa trois mois en prison avant que son affaire fût jugée en appel. Voici ce qu’il raconte : “Le procès en appel, qui fut jugé trois mois plus tard, se déroula dans une grande solennité. Il y avait au banc des magistrats le président du Tribunal du Banc du Roi, et, pour l’accusation, le conseiller juridique de la Couronne. Le juge prit une Bible d’où sortaient plusieurs bouts de papier, destinés à lui servir de repères. Il commença par demander de quel droit les témoins de Jéhovah refusaient de faire la guerre, alors que Moïse était un homme de guerre. On lui fit observer qu’il n’était pas possible que Moïse fût un chrétien puisqu’il avait vécu quinze cents ans avant Christ. Le juge ne posa plus d’autres questions bibliques ; d’ailleurs il ne tarda pas à ranger la Bible. On lui fit encore remarquer que si les apôtres étaient vivants, ils se trouveraient, eux aussi, au banc des accusés. Cela toucha le juge.” Le temps de détention infligé à Llewelyn Phillips fut ramené au temps qu’il avait déjà passé en prison, si bien que le frère put quitter le tribunal en homme libre. Sur les douze mois de l’année de service 1942, il en avait passé huit en prison.

Malgré les difficultés dues à la persécution, aux pénuries alimentaires et au manque de publications, l’œuvre progressait. Pour compenser la pénurie de livres et de brochures, on composa des textes comportant des questions et des réponses (avec passages bibliques appropriés). Les frères s’en servaient dans les études bibliques. À cause de la guerre, il y avait aussi pénurie de pneus et de pièces de rechange pour bicyclettes. Cela voulait dire que la plupart des Africains étaient privés de leur principal moyen de transport. Malgré cela, l’œuvre en Rhodésie du Nord faisait de très grands progrès. En 1944, les proclamateurs étaient en moyenne au nombre de 3 062, soit un accroissement de 116% par rapport à 1941 ! Et en dépit de tous les obstacles, ils consacraient en moyenne trente heures par mois au service du champ. À cette époque, la bonne nouvelle avait également pénétré au Congo.

Jusqu’alors aucun Européen de la Rhodésie du Nord ne s’était joint ouvertement aux témoins de Jéhovah. Pourquoi ? L’Annuaire de 1943 indiqua quelle pouvait en être la raison : “Parmi les Européens qui sont sensibles à notre message beaucoup ressentent tout au fond d’eux-​mêmes de la crainte ; ils ont, en effet, le sentiment que s’ils faisaient connaître leurs convictions ouvertement et activement, ils compromettraient leur situation.” Plusieurs Européens, y compris des fonctionnaires du gouvernement, témoignèrent cependant beaucoup d’égards aux témoins de Jéhovah. On a même vu un commissaire de district indemniser deux témoins de Jéhovah, en leur donnant 5 shillings chacun, parce que les deux frères avaient été maintenus injustement en prison par son prédécesseur. Le boy d’un autre fonctionnaire avait été emprisonné parce qu’il possédait nos publications. Quand le jeune homme eut purgé sa peine, ce fonctionnaire alla au-devant de lui avec sa voiture et le reprit à son service. Ce changement d’attitude chez beaucoup d’Européens était dû, assurément, au beau témoignage que constituait la conduite des frères. À ce sujet l’Annuaire de 1944 disait ceci : “Parmi tous ceux qui font partie de ce Corps [de travailleurs], ce sont les adhérents de la Société qui jouissent de la meilleure réputation ; d’ailleurs tout le monde sait que les fermiers et tous les autres employeurs n’oublient jamais de préciser que ce sont eux qu’ils veulent en tout premier lieu.”

En 1945, frère et sœur Bridger, à qui Japie Theron avait fait connaître la vérité aux environs de 1916 dans l’État libre d’Orange, quittèrent Johannesburg pour aller s’installer à Luanshya, où frère Bridger commença son service de pionnier parmi les Européens. Le frère raconte qu’il fit toute la ville et plaça mille brochures. Il y rencontra une certaine Madame Scheepers et sa fille, Madame Joubert, avec qui il avait déjà étudié la Bible à Johannesburg. Toute cette famille — jusqu’aux petits-enfants à l’heure actuelle — a accepté la vérité. Frère Bridger entendit aussi parler de gens qui “ne croyaient pas à la fête de Noël”. Il réussit à les trouver. C’étaient quatre personnes qui avaient connu notre œuvre en Afrique du Sud. Il commença à étudier avec elles. C’est ainsi que se forma le noyau de la première congrégation européenne de la Rhodésie du Nord. Frère et sœur Bridger déployèrent aussi leur activité parmi les Africains dans les compounds.

DANS LE BAROTSELAND

En 1945, l’Union sud-africaine envoya encore de l’aide sous la forme de frère C. Holliday (mari de sœur M. Holliday, dont il a été fait mention précédemment). Il avait été invité par Georges Phillips à servir en qualité de “serviteur itinérant et à assister frère Llewelyn Phillips”. Alors qu’il se trouvait en Rhodésie du Nord, il visita la Barotseland, territoire de 735 531 km2, situé dans la partie supérieure du grand fleuve Zambèze, à l’ouest des chutes Victoria. Il était accompagné d’un Européen qui s’intéressait à la vérité et d’un “serviteur africain des frères”, qui faisait fonction de guide et d’interprète.

Ce fut un voyage assez pénible. La première partie du trajet se fit à bord d’un train privé (c’était un convoi de bois). Arrivés à Massesse, nos voyageurs descendirent et se réunirent avec quelques témoins. Il fut décidé que ceux-ci formeraient le noyau d’une congrégation. L’étape suivante se fit à bord d’un lorry qu’ils avaient emprunté et que deux Africains poussèrent le long des rails jusqu’à l’endroit où s’arrêtait un camion du gouvernement. Ce camion les transporta jusqu’à Katima Molilo et de là un autre véhicule les emmena jusqu’à Ngwesi. Là les frères vinrent à leur rencontre. Ils étaient venus de Senanga pour les attendre et leur servir de porteurs. Pour se rendre à Senanga, ils durent voyager à bord de trois pirogues. À un moment donné un drame faillit se produire. Un hippopotame souleva l’une des pirogues en l’air, sous les yeux horrifiés de frère Holliday. Mais le pagayeur réussit, avec habileté, à garder son équilibre, tout en frappant l’animal avec son aviron. Finalement l’énorme bête s’enfonça dans les flots, au grand soulagement de tous.

À Senanga beaucoup de monde les attendait, toute une foule. Certains avaient marché huit ou neuf jours pour être présents. Tous voulaient savoir ce qui allait se passer. C’était la première fois qu’un Européen venait leur rendre visite et, parmi eux, certains n’avaient encore jamais vu un Blanc. L’assemblée non officielle qui eut alors lieu fut une source de grand encouragement.

Alors qu’il visitait la congrégation de Mufulira, frère Holliday rencontra Monsieur Ford, le directeur du compound. Celui-ci était très impressionné par la bonne conduite des “gens de la Tour de Garde” et par la belle œuvre qu’ils accomplissaient. Il figurait parmi les fonctionnaires dont parlait l’Annuaire de 1946 : “Jusqu’à présent les autorités ne sont pas disposées à nous reconnaître, mais, parmi les fonctionnaires pris individuellement, il y a des exemples qui montrent que certains respectent le zèle, la conduite et la pureté des témoins de Jéhovah. Les gens qui se joignent à nous dans les centres miniers sont très nombreux (il n’est pas rare de dénombrer 800 personnes dans l’auditoire), et cela fait une très grande impression sur ceux qui sont chargés de diriger les Africains. Ainsi, après un échange de lettres qui dura quatre mois, le comité de direction de Mufulira a cédé, à titre gracieux, un terrain pour la construction d’une Salle du Royaume. La raison en est que quelques fonctionnaires ont parlé courageusement en notre faveur.” Ce fut la première Salle du Royaume en Rhodésie du Nord.

Ainsi, malgré les persécutions, l’œuvre allait de l’avant en Rhodésie du Nord, dans la première partie des années quarante. Cela se vérifiait aussi dans les autres pays sous la direction de l’Afrique du Sud.

LA PRÉDICATION AU BASUTOLAND, MALGRÉ L’INTERDICTION

Au début des années quarante, frère et sœur Frank Taylor allèrent au Basutoland (actuellement le Lesotho). Ils constatèrent qu’en nombre de localités l’intérêt était si grand que les Africains couraient après eux pour leur demander des publications. Mais les autorités veillaient. Elles les menacèrent de confisquer leurs écrits et les obligèrent à s’en aller.

En février 1941, les autorités interdirent l’importation au Basutoland des publications de la Société, sans exception. Chose étrange, l’interdiction fut décrétée avant même qu’il y eût un témoin de Jéhovah dans le pays. C’est à l’époque de l’interdiction que l’œuvre du Royaume prit un bon départ et fit de bons progrès. Des frères avaient déjà parcouru le pays, à bord des voitures à haut-parleur de la Société, faisant entendre les disques et répandant des publications, mais ce n’est pas avant 1942 que la filiale reçut un rapport de deux proclamateurs du Basutoland. L’un d’eux était frère L. Ramosena, qui connut la vérité alors qu’il travaillait à Vereeniging, dans le Transvaal. Frère Ramosena fut si enthousiasmé par le message et ressentit un tel désir de le répandre dans son propre pays qu’il s’y rendit et commença à donner le témoignage avec zèle, en commençant à Teyateyaneng.

Bientôt frère Ramosena fut rejoint par un autre frère, qui avait connu la vérité à Johannesburg, et tous deux allèrent à bicyclette dans les villages des environs, annonçant la bonne nouvelle. Ils organisèrent de petites réunions ; il y eut de l’accroissement. Une année plus tard, en 1943, ils étaient quatre proclamateurs.

La prédication au Lesotho ne ressemble pas tout à fait à ce qui se passe dans la plupart des autres pays. Que le maître de la maison soit dehors ou à l’intérieur, le proclamateur l’abordera en lui disant à haute voix et sur un ton aimable : “Khotso !” (“Paix !”). L’homme lui répondra : “Khotso !”, puis il l’invitera à entrer et à s’asseoir. Tous deux s’enquerront alors de leur santé. Quand toute cette salutation traditionnelle aura pris fin, le proclamateur pourra alors expliquer le but de sa visite.

L’Église catholique et la Mission française sont bien implantées dans ce pays et beaucoup de gens appartiennent à l’une ou à l’autre de ces religions. Cela n’empêche pas de nombreux Bassoutos de rester attachés à leurs traditions païennes, telles que le culte des morts. Ces derniers temps encore, on a signalé des meurtres rituels : on tue des humains pour prélever sur leurs corps certains organes destinés à servir à des fins médicinales. Mais, en dépit de ces obstacles, le petit groupe des proclamateurs s’est accru et en 1948 il y avait neuf proclamateurs de la bonne nouvelle.

Comme de nombreux chefs sont catholiques, ils s’opposent souvent à l’œuvre du Royaume, mais, parmi eux, il y a quelques cœurs sincères. En 1951, un pionnier se rendit dans le kraal d’un chef, à Leribe. Il fut invité à un repas, auquel assistaient deux ecclésiastiques. Le frère donna le témoignage au chef, prouvant tous ses dires à l’aide de la Bible. Les deux prêtres, déconcertés, s’empressèrent de disparaître, mais le chef, lui, fut réjoui et le pionnier commença une étude avec lui. Par la suite, le chef invita les gens de son territoire à étudier, eux aussi. Bientôt les demandes d’étude furent si nombreuses que le pionnier n’y put suffire. L’œuvre faisait de bons progrès et, en 1951, il y avait cinq petites congrégations au Basutoland. L’année suivante il y eut en moyenne 53 proclamateurs, ainsi que 10 pionniers.

LA LUMIÈRE BRILLE AU TANGANYIKA

Plus au nord, au Tanganyika, l’œuvre parmi les frères africains faisait également de bons progrès. À partir de 1936 et au cours des années suivantes, des lettres adressées à la filiale du Cap montraient que des rayons de vérité atteignaient cette partie de l’Afrique. En 1942, 158 frères avaient participé d’une façon ou d’une autre à l’œuvre. Selon l’Annuaire de 1945, les rapports en provenance du Tanganyika signalaient une opposition accrue et des confiscations de publications, mais il y eut une moyenne mensuelle de 75 proclamateurs, qui passaient un peu plus de 8 heures dans le champ. Le seul moyen d’encourager les frères consistait à leur envoyer des lettres. C’est ce que fit la Société. En 1945, il n’y avait que trois congrégations, composées de 144 proclamateurs, qui donnaient le témoignage aux six millions d’habitants du pays. Il s’agissait surtout de témoignage oral, de nouvelles visites et d’études. De temps à autre, des imprimés parvenaient aux frères. Ils faisaient bon usage de ces écrits, pour le bien de tous. Ces frères ont rencontré beaucoup d’opposition de la part de la fausse religion. Ils avaient besoin d’une direction et aussi de publications en souahéli.

En janvier 1948, un serviteur des frères, qui parlait le cibemba, fut envoyé de la Rhodésie du Nord au Tanganyika. Il travailla avec les huit congrégations du district de Mbeya, encourageant et édifiant les frères. La seule autre congrégation, qui se trouvait, elle, à la frontière de la Rhodésie du Nord, fut desservie par un autre serviteur des frères. D’autre part, le Tanganyika fut placé sous la direction de la filiale de la Rhodésie du Nord, filiale qui venait d’être créée. Aujourd’hui le Kenya, l’Ouganda et la Tanzanie se trouvent sous la direction de la filiale du Kenya. L’œuvre du Royaume fait de rapides progrès dans cette région, pour la plus grande gloire du nom de Jéhovah.

UNE NOUVELLE CAMPAGNE COMMENCE

C’est en juin 1945 que commença en Afrique du Sud la campagne des réunions publiques. Les frères l’appuyèrent avec enthousiasme. Grâce à l’École du ministère théocratique, on disposait de nombreux orateurs. Les plans des discours furent traduits dans les principales langues africaines et les frères de ce champ-​là commencèrent à organiser cette nouvelle campagne.

Bien entendu, de nombreux frères se sentirent intimidés à l’idée de devoir parler en public. Parmi ceux-ci figuraient Piet Wentzel et son compagnon, Frans Muller, tous deux pionniers à Vereeniging. Quand l’Informateur (qui, par la suite, fut appelé Notre ministère du Royaume) commença à parler de la campagne, ils se dirent tous deux que cela n’était pas pour eux. Cependant les articles suivants de l’Informateur les encouragèrent. Ils choisirent donc des sujets de discours et se mirent au travail. Pour s’exercer, ils choisirent un coin tranquille au bord d’une rivière. S’étant placés suffisamment loin l’un de l’autre, ils se mirent à parler à leur “auditoire”, les flots paisibles de la rivière. Pendant un mois, ils descendirent chaque jour à la rivière, jusqu’à ce qu’ils eussent acquis suffisamment d’assurance pour parler à un auditoire réel. On commanda des feuilles d’invitation, qui furent distribuées, et, le jour du discours, il y eut 37 personnes dans l’assistance. Ils furent très réjouis de cet excellent résultat.

L’ORGANISATION SE CONSOLIDE

Par rapport aux années précédentes, 1945 fut une année relativement calme sur le plan de l’opposition. Il y eut, cependant, quelques petits incidents, dont l’un survint à Kimberley. Cette ville est un important centre de production de diamants, et cela depuis 1870, quand on a commencé à extraire le diamant dans cette région. Sans raison apparente, le conseil municipal de Kimberley adopta une résolution qui visait à interdire aux témoins de Jéhovah l’accès des réserves municipales (réserves indigènes). Le directeur de ces réserves indigènes reçut l’ordre de mettre un terme aux activités des témoins de Jéhovah dans les réserves et de fermer leurs salles de réunion. Un journal local publia un article sous le titre suivant : “Les Russellistes chassés des réserves.”

Le directeur des réserves, un certain O’Brien, passa aussitôt à l’action. En l’absence des frères, il pénétra par effraction dans la Salle du Royaume, s’empara des publications et du phonographe et fracassa le petit chariot qui servait de support à l’appareil. Puis, avec un air de triomphe, il en distribua les morceaux aux spectateurs, pour qu’ils en fassent du feu. La filiale, elle aussi, passa aussitôt à l’action. Elle donna quarante-huit heures au conseil municipal pour faire rendre les biens saisis et payer les dommages, sinon elle intenterait une action en justice. Le conseil municipal dut payer 10 livres d’indemnisation et O’Brien dut remettre à la Salle du Royaume tout ce qu’il avait pris. D’autre part, la presse locale publia un article qui montrait que les témoins de Jéhovah venaient de remporter une victoire de plus et qu’ils déploieraient leurs activités dans les réserves indigènes comme auparavant.

Finalement, en mai 1945 prit fin en Europe la guerre qui avait duré presque six longues années. Les hostilités se poursuivirent encore quelque temps en Extrême-Orient, jusqu’au jour où les bombes atomiques brisèrent la résistance du Japon. Les Sud-Africains, en général, poussèrent un soupir de soulagement. Mais bien que les témoins eussent gagné la “bataille de l’interdiction”, leur longue lutte avec la “postérité” du Serpent n’était pas encore terminée.

Cependant, en dix-neuf endroits le peuple de Dieu tint l’Assemblée des proclamateurs unis durant la guerre mondiale. Pour la première fois dans l’histoire de l’œuvre du Royaume en Afrique du Sud, les frères purent goûter aux mêmes bonnes choses, et cela en même temps que les frères d’Amérique et d’ailleurs. Le programme et les nouvelles publications, tout fut prêt à temps.

À Durban, il y avait une centaine de proclamateurs. Cette petite poignée de chrétiens se mit à l’œuvre pour annoncer le discours public. Ce fut une campagne puissante : 50 000 feuilles d’invitation furent distribuées et 2 000 lettres d’invitation furent envoyées, sans oublier les 1 000 affiches et les calicots. La ville était stupéfaite. On n’avait jamais rien vu de pareil. Il y eut 900 personnes au discours public, dont 750 n’étaient pas des frères. Dans tout le pays, 5 001 personnes avaient assisté à cette série d’assemblées.

À la filiale du Cap, la famille comptait quatorze membres, qui habitaient tous à l’extérieur et prenaient leurs repas au restaurant. La petite imprimerie travaillait toujours à plein rendement et, en 1945, elle produisit 2 562 817 imprimés. Le nouveau livre “La vérité vous affranchira”, qui parut en 1943, avait été traduit en afrikaans, en zoulou et en sesotho.

Ainsi, l’Organisation en Afrique du Sud émergea de la Seconde Guerre mondiale plus solide et plus grande qu’au début. L’œuvre avait progressé en dépit des efforts de nos adversaires, en dépit des interdictions, en dépit des calomnies des ecclésiastiques et de la presse, en dépit des procès, des perquisitions et des arrestations. Le nombre des congrégations en Afrique du Sud avait doublé, passant de 115 à 244. Dans toute l’Afrique australe, le nombre moyen des proclamateurs était passé de 3 179 (en 1939) à 12 289 (en 1945), soit un accroissement de 286%. Chose plus remarquable encore, ce fut l’accroissement du nombre des proclamateurs en Union sud-africaine. Alors qu’ils étaient 439 en 1939, les proclamateurs étaient devenus 2 991 en 1945, soit une augmentation de 580% !

ON BÂTIT POUR LES ANNÉES À VENIR

Étant donné les grands accroissements obtenus pendant les années de la guerre, il fallait, pour que la productivité se maintienne, bien organiser l’œuvre en Afrique du Sud, en Afrique centrale et en Afrique orientale. De 3 179 en 1939, les témoins étaient passés au nombre de 14 089 en 1946. Il y avait vingt-cinq millions d’habitants dans tous les territoires sous la direction de la filiale du Cap. Quatre-vingt-dix pour cent de ces gens étaient membres des différentes tribus africaines de la partie australe du continent. La plupart des Européens (Blancs), cependant, habitaient en Union sud-africaine.

Les quelques années qui suivirent devaient voir un nouvel accroissement, tout aussi prodigieux. De nouvelles filiales furent créées en ces territoires, ce qui permit de mieux prendre soin des brebis.

Dans beaucoup de régions il régnait encore des malentendus concernant notre œuvre. Quand des frères africains de la Rhodésie du Nord voulurent venir à Johannesburg pour assister au congrès d’octobre 1946, les agents du service de l’immigration leur interdirent l’accès du pays. L’un de ces fonctionnaires posa la question suivante : “La ‘Tour de Garde’ ne s’est-​elle pas rendue coupable de menées subversives ?” On eut beau donner aux fonctionnaires toutes les explications voulues, ils persistèrent dans leur refus. Ils finirent par déclarer qu’il n’y avait pas assez de place à Johannesburg, où des milliers d’Africains habitaient déjà dans des abris de fortune. Ils refusèrent de croire que les témoins de Jéhovah se chargeraient eux-​mêmes de l’hébergement de leurs frères visiteurs.

C’est à l’occasion de l’assemblée de Cleveland (États-Unis) que furent présentés les livres “Que Dieu soit reconnu pour vrai !” et “Équipé pour toute bonne œuvre”. Deux ou trois mois plus tard, ces mêmes ouvrages furent présentés aux frères sud-africains lors de leur assemblée à Johannesburg. Ces publications aidèrent les serviteurs de Jéhovah à devenir de vrais enseignants de la Parole. On continuait encore à prêcher avec le phonographe et les disques, mais il était temps maintenant que les proclamateurs apprennent à prêcher et à enseigner davantage avec leurs lèvres.

Selon un surveillant de circonscription de l’époque, M. Nguluh, il y eut pas mal d’ecclésiastiques africains de diverses confessions qui acceptèrent la vérité durant cette période. L’un de ces pasteurs, Bethuel Rikhotso, fut contacté en 1946 par frère Nguluh qui, faisant sa tournée de surveillant de circonscription, se trouvait alors à Graskop dans le nord-est du Transvaal. L’homme accepta la vérité d’emblée. Quand le surveillant de circonscription revint dans la région, il avait fait le nécessaire pour que le frère pût faire un discours spécial au “kraal” (groupe de huttes) du chef suprême de la tribu des Schangaans. Un puissant témoignage fut donné à cette occasion, et, des années plus tard, une grande congrégation se forma dans cette région. Rikhotso lui-​même devint pionnier en janvier 1947.

CIRCONSCRIPTIONS ET ASSEMBLÉES

La vie d’un surveillant de circonscription africain n’était pas toujours facile en ce temps-​là. Frère Nguluh nous dit qu’à deux reprises il a failli se noyer en voulant traverser des rivières en crue. Encore de nos jours, pour se rendre d’une congrégation à l’autre, les surveillants de circonscription africains doivent faire des kilomètres à travers la brousse, avec leurs valises. Ils sont souvent accompagnés de leur femme et d’un enfant.

En février 1947, il y eut une réorganisation en Afrique du Sud ; le pays fut divisé en quatorze circonscriptions.

Dans certaines régions, les Africains manifestèrent un très grand intérêt. Un surveillant de circonscription africain raconte qu’il a dû faire le même discours public trois fois le même jour. Il avait été envoyé dans une certaine région pour organiser une nouvelle congrégation et il devait faire une conférence publique un certain dimanche d’août 1947. Il y avait 173 personnes dans l’assistance, presque tous de nouveaux intéressés. Voici ce qu’il écrit : “Après la conférence, les assistants se levèrent pour aller en inviter d’autres à venir écouter la vérité. À 15 heures donc, j’ai dû refaire la conférence. À 17 heures la salle se remplit de nouveau et on me pria instamment de répéter le discours, car ceux qui étaient venus à 15 heures avaient dit qu’on annonçait la vérité dans cette salle. De 18 heures à 19 heures, j’ai prononcé mon discours pour la troisième fois cet après-midi-​là.” Cet intérêt remarquable laissait augurer de grands accroissements.

En avril 1947 se tint à Durban la première assemblée de circonscription d’Afrique du Sud. Milton Bartlett, de la cinquième classe de l’École de Galaad et le premier missionnaire galaadite à venir en Afrique du Sud, était le surveillant de district lors de cette assemblée. Les frères africains disposaient d’une salle badigeonnée à la chaux dans un compound municipal près du centre de la ville. Ce fut une assemblée joyeuse. Les frères avaient parcouru de très grandes distances, car toute la province du Natal formait une seule circonscription à l’époque.

Voici en quels termes frère Bartlett décrit cette assemblée africaine : “Il fallait voir le comportement des témoins africains. Ils étaient propres, calmes, bien mis. C’étaient des gens sincères, avides de progresser dans la connaissance de la vérité et très zélés pour le service du champ. Ils se trouvaient à l’intérieur du compound (terrains d’hôtels indigènes), mais cela ne les empêcha pas d’installer leurs marmites à triple pied. Ils avaient tué une bête et préparaient le repas. Chaque témoin avait emporté dans ses bagages une assiette, une timbale et une cuillère. Quand ce fut l’heure de manger leur épaisse bouillie de maïs, ils se mirent à en détacher des morceaux qu’ils roulaient dans leurs mains, trempaient dans la sauce qui tapissait le fond de leurs assiettes et enfournaient dans leur bouche.”

Les frères aimaient beaucoup les assemblées de circonscription. D’après le rapport de cette année-​là, des frères du Zoulouland firent cent vingt-cinq kilomètres pour se rendre à une assemblée de circonscription. Le voyage aller et retour leur demanda cinq jours. Voici ce que déclara le surveillant de filiale : “Le zèle de beaucoup de ces amis est remarquable et cela vous fait chaud au cœur de voir leur empressement à s’instruire dans la vérité et à mettre en pratique les directives reçues.”

Les problèmes d’hébergement ne préoccupent guère ces frères. Ils arrivent avec un paquet qui contient une couverture et des affaires personnelles. Il y a des femmes qui portent un bébé sur le dos et tiennent à la main une boîte en bois qui renferme leurs livres et la Bible. Cette boîte fait souvent office de siège lors des assemblées. S’il leur faut trouver un abri pour la nuit pendant qu’ils font route vers l’assemblée, ils ne sont pas en peine. Des Africains hospitaliers mettent souvent à leur disposition un petit coin de leur demeure. S’il leur faut coucher à la belle étoile, leur couverture les protégera de la fraîcheur nocturne.

Il arrive de temps à autre qu’il n’y ait pas de salle disponible. L’assemblée se tiendra alors en plein air. Parfois on construit des abris provisoires. Les repas servis sont des bouillies de maïs et de la viande. Si les frères ont apporté leur assiette, tant mieux. Sinon, ils puiseront à la même marmite. Si quelqu’un a oublié sa cuillère, il se servira de ses doigts. N’oublions pas que les doigts ont été faits avant les couteaux et les cuillères.

SPIRITUELLEMENT AFFERMIS PAR UNE VISITE

Ce qui devait marquer en 1948 l’œuvre en Afrique du Sud, en Afrique centrale et en Afrique orientale, ce fut la visite tant attendue de N. H. Knorr, président de la Société. Quelle joie pour tous les frères de l’Afrique australe ! À cette occasion on fit l’acquisition, près de Johannesburg, d’un terrain pour y construire une nouvelle filiale et une nouvelle imprimerie.

C’est du 3 au 5 janvier 1948 que devait se tenir l’assemblée nationale en Afrique du Sud. Elle eut lieu à Johannesburg. À cause des lois en vigueur, les Européens durent se réunir en un endroit et les frères de couleur dans un autre. Bien que les frères aient été pris de court, il y en eut 3 600 qui assistèrent aux sessions d’ouverture et 9 246 qui vinrent aux deux discours publics. Il y eut au total 416 baptisés, dont 378 étaient des frères africains. Après l’assemblée, frère Knorr et son secrétaire, Milton Henschel, passèrent trois jours à la filiale du Cap, prodiguant conseils et encouragements à la famille du Béthel.

Dans les pays et territoires sous la direction de la filiale du Cap, on enregistra en 1948 un maximum de 27 000 proclamateurs. À la suite de la visite de frère Knorr cette année-​là, on organisa dans les régions centrales de l’Afrique de nouvelles filiales qui devaient avoir leur vie propre, au lieu d’être de simples dépôts envoyant leurs rapports à la filiale du Cap. Voyons à présent quels furent les progrès dans ces pays sous la direction de la filiale du Cap.

LA PRÉDICATION DU ROYAUME PROGRESSE EN TOUTE LIBERTÉ

En Rhodésie du Sud (qui est aujourd’hui tout simplement la Rhodésie) se poursuivait la bataille pour la suppression des entraves à l’activité du Royaume. La filiale du Cap envoyait régulièrement des lettres aux autorités, leur demandant de lever les interdictions. En 1945, la filiale reçut l’assurance que la demande serait prise en considération à un prochain conseil des ministres. L’année suivante, les interdictions furent finalement levées et les publications de la Société purent de nouveau circuler librement en Rhodésie.

En 1947, Bert McLuckie et les siens se trouvaient dans une situation qui permit à Bert d’entreprendre de nouveau le service de pionnier. À sa grande surprise, on lui demanda d’ouvrir pour le 1er juillet 1947 un dépôt pour la Société, à Bulawayo, qui se trouvait alors en Rhodésie du Sud. Grâce à Jéhovah, elle était gagnée, la longue et dure bataille qui avait été livrée pour que l’œuvre du Royaume fût pleinement établie et représentée dans ce pays ! Cette année-​là il y eut un maximum de plus de 3 000 proclamateurs, avec 82 congrégations.

Le premier dépôt ressemblait un peu à une entreprise familiale, avec Bert McLuckie, travaillant dans la maison de son frère charnel, Jack McLuckie. Au début, Bert faisait tout le travail lui-​même. Puis il fit venir deux frères africains pour traduire La Tour de Garde en chischona et en cinyanja. Pendant quelque temps, on polycopia ces traductions. Il fallait assembler les feuillets, les plier et les agrafer à la main. De l’aveu même de frère McLuckie, le résultat final laissait beaucoup à désirer. Actuellement, en 1975, ces périodiques sortent d’une rotative moderne de la filiale d’Elandsfontein. La traduction en cinyanja est tirée à 25 000 exemplaires et la version en chischona à 13 900 exemplaires par numéro.

Tous ces progrès furent une source de joie et d’encouragement pour les proclamateurs de la Rhodésie du Sud. Mais imaginez leur joie quand ils apprirent, en octobre 1947, que frère Knorr et frère Henschel allaient venir les voir en janvier 1948. On imprima des milliers de feuilles d’invitation, des centaines d’affiches, et on fabriqua quantité de calicots en vue d’annoncer les discours que frère Knorr devait faire aux Africains et aux Européens de Bulawayo et de Salisbury. C’est vers cette époque qu’Eric Cooke, premier missionnaire galaadite de la Rhodésie du Sud, fit son apparition.

Des difficultés surgirent à Salisbury. En effet, l’administration locale annula les accords passés en vue de l’utilisation de la salle de Harari pendant la période du 16 au 18 janvier 1948, c’est-à-dire pendant la période du congrès. Elle annula aussi tout ce qui avait été convenu pour l’hébergement des frères africains. C’est pourquoi le 13 janvier frère Cooke alla voir le directeur de l’administration pour découvrir la nature de ses objections. Eh bien, cet homme se faisait une fausse idée de la Société. Il croyait qu’elle était “contre le gouvernement”. Frère Cooke le rassura en lui lisant un extrait de l’Annuaire. Cela fit une telle impression sur le fonctionnaire qu’il permit l’utilisation de la salle de Harari et fit le nécessaire pour qu’il fût possible d’héberger les milliers de visiteurs attendus. Ainsi l’assemblée put se tenir en toute liberté. L’assistance maximum fut de 6 000 personnes.

Pendant sa courte visite, frère Knorr prit le temps d’aller voir les fonctionnaires du gouvernement pour parler avec eux des entraves à l’importation des publications de la Société, en raison de la pénurie de dollars dans les pays de la zone sterling. Frère Knorr régla le problème en disant que toutes les publications seraient envoyées à titre gracieux, ce qui ne poserait donc pas de problèmes de devises.

C’est durant cette visite que frère Knorr décida que le dépôt deviendrait une filiale à dater du 1er septembre 1948, avec Eric Cooke comme serviteur de filiale. C’était le début d’un nouveau chapitre de l’œuvre du Royaume en Rhodésie du Sud. À l’époque, le maximum de proclamateurs était de 4 232.

LE NYASSALAND S’ÉVEILLE

Au Nyassaland (actuellement le Malawi), l’histoire de l’œuvre est à peu près semblable. En 1946, les témoins de Jéhovah commencèrent à faire sentir leur présence dans le pays. Pour la première fois, les proclamateurs furent plus de trois mille, et les frères étaient vraiment en train de réveiller le Nyassaland.

La campagne des discours publics battait son plein. Elle contribua beaucoup à réveiller les gens. Naturellement, les ecclésiastiques firent tous leurs efforts pour empêcher les témoins de Jéhovah de faire des discours dans leurs villages. Il fallait d’abord demander l’autorisation au chef du village. Si celui-ci se trouvait sous l’influence des chefs religieux de l’endroit, il n’était pas possible de tenir une réunion publique. Dans la région de Zomba, les diacres et les anciens d’une certaine Église menacèrent un certain chef de le dépouiller de son autorité, mais celui-ci ne se laissa pas intimider. Par contre, le chef d’un village voisin roua de coups deux témoins de Jéhovah qui étaient venus lui demander l’autorisation de faire un discours public. L’homme dut comparaître devant le tribunal africain local, mais comme c’était un personnage influent et un membre de l’Église, le juge avoua son impuissance à rendre la justice. Il se trouva que le commissaire de district entendit parler de l’affaire. Il infligea un blâme sévère au tribunal et au chef.

De nombreux chefs se mirent alors à inviter les témoins de Jéhovah à venir faire des discours dans leurs villages. Un de ces chefs avait assisté à un discours public à Lizulu et il avait appris à cette occasion où étaient réellement les morts. Peu après, il assista à un office funèbre dirigé par plusieurs chefs religieux. L’un d’eux raconta à l’auditoire que l’enfant décédé “est maintenant un ange au ciel”. À ces paroles, le vieux chef poussa un grognement, se leva lentement, se tourna vers son voisin, qui était l’induna (chef subalterne), et lui demanda une prise de tabac. Puis, reniflant vigoureusement la prise, il quitta les lieux en grommelant : “À Lizulu on nous a dit où sont réellement les morts. Tout ça n’est qu’un tas de mensonges !”

Si puissant était le message des témoins de Jéhovah que les ecclésiastiques essayèrent d’adopter nos expressions et nos méthodes. On les entendait dire : “Nous aussi, nous annonçons le monde nouveau.” Certains voulurent même faire de nouvelles visites à leurs membres. Au bout de quelques semaines, ils renonçaient.

Un jour, 300 personnes assistaient à une réunion publique en plein air, qui avait été annoncée oralement et par des affiches attachées aux arbres. Or, un ecclésiastique vint à passer juste au moment où l’orateur citait Michée 3:11 : ‘Les prêtres enseignent contre paiement.’ (Osty). L’homme fut vexé et alla porter plainte auprès du chef de l’endroit. Celui-ci interdit aux témoins de Jéhovah de tenir des réunions publiques. Bien entendu, les frères ne pouvaient accepter cet arrêt et firent appel au tribunal. Le juge annula l’arrêt du chef et déclara que quiconque tourmenterait les témoins de Jéhovah serait puni d’une amende de cinq livres. Avant que les remous causés par cette affaire se fussent apaisés, une cinquantaine de personnes avaient pris position et proclamaient le Royaume.

Beaucoup de chefs de villages, qui avaient été nos adversaires, changèrent d’attitude et reconnurent volontiers avoir subi l’influence des chefs religieux. Un jour qu’un surveillant de circonscription était venu trouver un chef de village, qui était catholique, pour lui demander l’autorisation de tenir une réunion publique, l’homme s’écria : “Quoi ! vous voulez tenir une réunion publique ici ? Eh bien, à... vous avez tenu une réunion, et maintenant l’église est tombée en ruine. Vous avez été accueilli à... et à..., et la même chose s’est produite dans les deux cas. Et maintenant vous voulez entrer dans mon village et abattre l’église que nous y avons construite ? Jamais de la vie !” Mais le lendemain matin deux cents frères traversèrent le village en chantant. Les catholiques essayèrent bien d’intervenir en poussant des clameurs et en battant du tam-tam, ils ne purent empêcher une grande foule de se joindre aux frères et de les accompagner jusqu’à un endroit à la périphérie du village. La réunion publique eut lieu ; ce fut un succès.

LUTTE POUR LA LEVÉE DE L’INTERDICTION

En 1946, on fit circuler une pétition au Nyassaland pour que le gouvernement restitue les publications qui avaient été saisies. Cela aussi contribua à réveiller le Nyassaland. Cette colonie britannique, quelque peu isolée, fut impressionnée par cette action énergique de la part des frères. La pétition recueillit 47 000 signatures, ce qui ne manqua pas d’inquiéter les autorités.

La filiale du Cap envoya une longue lettre, datée du 5 septembre 1946, au ministre des Colonies à Londres. Dans cette lettre, il était dit que la conduite des témoins de Jéhovah du Nyassaland avait été irréprochable, que ceux qui avaient pris l’initiative d’interdire nos publications avaient été influencés par les jésuites opérant dans le pays, et que les interdictions qui frappaient les publications de la Société étaient déjà levées dans les autres parties du Commonwealth britannique. La réponse fut encourageante en ce sens que les gouverneurs des quatre territoires britanniques composant le bloc est-africain (la Rhodésie du Nord, le Nyassaland, le Kenya et le Tanganyika) se virent priés par le ministère de faire une recommandation commune concernant la Société Watch Tower et les témoins de Jéhovah. Il était demandé aux gouverneurs de ne pas oublier les deux points suivants : 1°) le principe de la liberté du culte pour tous, et 2°) que des interdictions semblables à celles qui existaient alors en ces pays avaient été levées dans toutes les autres parties de l’Empire. Mais l’affaire fut classée par les autorités, qui déclarèrent qu’elles allaient examiner attentivement les publications de la Société.

UNE VISITE STIMULANTE

Un événement très spécial s’est produit le 13 janvier 1948 au Nyassaland. Venant de Salisbury, en Rhodésie du Sud, quatre frères du bureau central nous ont visités. Il s’agissait des frères Knorr, Henschel, Phillips, surveillant de la filiale du Cap, et de frère I. Fergusson, nouveau diplômé de l’École de Galaad affecté au Nyassaland. Une réunion avait été prévue pour la circonstance à l’hôtel de ville de Blantyre ; elle devait réunir Européens et Indiens. Si l’on tient compte du fait qu’il n’y avait à l’époque que 250 Européens à Blantyre, les 40 personnes venues écouter le discours public représentaient une bonne assistance. Le lendemain, les quatre frères ont assisté à l’assemblée africaine qui se tenait non loin de Limbe. Bill McLuckie interprétait les discours en cinyanja. Le discours public de l’après-midi a réuni 6 000 personnes. Comme il n’y avait pas de système de sonorisation, les orateurs devaient élever très fort la voix pour se faire entendre de tous. Le discours de frère Knorr a été interrompu par une très grosse averse ; le public s’est aussitôt dispersé pour chercher abri sous les arbres et dans les maisons voisines, mais les frères sont restés à leur place et frère Knorr a terminé son discours, un parapluie à la main. Le fait même que le président de la Société, un Européen, ait terminé son discours sous une pluie battante, montrait aux Africains que les témoins de Jéhovah s’intéressent vraiment à eux ; les Européens locaux n’auraient pas agi de la sorte.

Au cours de sa visite, frère Knorr a pu s’entretenir avec un fonctionnaire du gouvernement et le préfet de police et ainsi ôter les doutes qui subsistaient à propos des écrits de la Société. Les représentants du gouvernement ont promis d’examiner sérieusement la question, afin de voir si l’interdiction qui frappait nos publications pouvait être levée. La visite de frère Knorr a donné un nouvel essor à l’œuvre dans le pays. L’année 1948 a certainement compté dans l’histoire des témoins de Jéhovah du Nyassaland. Le maximum de proclamateurs étaient maintenant supérieur à 5 000 et les nouveaux affluaient sans cesse. L’accroissement était si rapide en certains endroits qu’on manquait de territoire pour la prédication.

Le 1er septembre 1948 une filiale a été ouverte au Nyassaland, et Bill McLuckie en a reçu la charge. C’était une nouvelle étape dans l’histoire de l’œuvre de notre pays, et les frères en ont été affermis. En 1949, deux missionnaires anglais, Peter Bridle et Fred Smedley, sont arrivés.

LE VRAI CULTE PROGRESSE EN RHODÉSIE DU NORD

Durant toute cette période, l’œuvre en Rhodésie du Nord (aujourd’hui la Zambie) progressait à pas de géant, l’accroissement se faisant en général dans la région des mines de cuivre. En vue d’aider ces nombreux nouveaux, on a organisé au dépôt un cours de dix jours à l’intention des pionniers et de tous ceux qui désiraient entrer dans leurs rangs. Ils pourraient ainsi servir plus efficacement leurs frères.

Cette progression du vrai culte a vraiment inquiété les faux bergers de la chrétienté. Pour lutter contre cette marée, un pasteur a demandé aux membres de sa congrégation de visiter les gens chez eux, à l’exemple des témoins de Jéhovah, pour les inviter à venir à “l’église”. Certains d’entre eux rencontrèrent des personnes qui, après avoir écouté avec étonnement leur discours hésitant, leur ont fait savoir que leur message était loin de valoir celui des “gens de la Tour de Garde”. Après cet effort infructueux, les paroissiens sont rentrés chez eux, découragés. Leur congrégation ne connaîtrait pas l’accroissement.

En Rhodésie du Nord, des villages entiers ont accepté la vérité. Certains missionnaires de la chrétienté se sont montrés humbles, tel ce missionnaire européen de Mumba qui, impressionné par le zèle des témoins de Jéhovah, a commencé à lire les livres de la Société et a ensuite rendu visite au surveillant-président de la congrégation locale.

Pendant des années, un fonctionnaire du gouvernement a harcelé les témoins ; des proclamateurs ont été emprisonnés, les locaux qu’ils utilisaient pour leurs études bibliques ont été détruits et leurs réunions violemment interrompues. Finalement, ce fonctionnaire a été condamné à une amende pour procédés contraires à la légalité, et il a été remplacé par un homme honnête et juste. Le serviteur du dépôt visitait justement ce district ; il a eu un entretien avec tous les chefs et les conseillers à l’occasion de leur réunion trimestrielle. Quel en a été le résultat ? Les témoins ont eu l’autorisation de créer des centres d’étude dans toute la région. En un temps record, des locaux modestes et d’autres, plus imposants, ont poussé comme des champignons, et même des chefs se sont mis à fréquenter régulièrement les réunions. Quatorze d’entre eux ont fait savoir à leurs supérieurs qu’ils avaient accepté la vérité. Leur nombre n’a d’ailleurs pas cessé de croître.

Dans le Barotseland, les chefs et la famille royale ont également reçu un excellent témoignage. En effet, un représentant européen de la Société venu à l’occasion d’une assemblée de circonscription a pu s’adresser au Conseil suprême barotsé. Cette assemblée avait réuni 2 800 proclamateurs. Placé aux côtés du souverain et en présence des chefs, des serviteurs et des membres de la famille royale, le frère a pu expliquer le but de notre œuvre et la teneur de notre message. Après cela, on a battu le tam-tam avec vigueur, comme à l’accoutumée.

L’un des membres de la famille royale a accepté la vérité. Trop âgé pour marcher, il montait un âne et se rendait chaque jour en un certain endroit d’où il interpellait les passants pour leur donner le témoignage. Un ennemi a transpercé son âne d’un coup d’épée, ce qui a rendu ce frère très triste ; mais un proclamateur lui en a donné un autre, afin qu’il puisse poursuivre son activité.

À cette époque, l’analphabétisme constituait une barrière. Un grand nombre de proclamateurs apprenaient par cœur des versets bibliques et des sermons. Depuis, ils ont heureusement appris à lire et à écrire grâce aux cours organisés par la Société.

Au début de 1947, une requête a été déposée au ministère britannique des Colonies à Londres par le surveillant de la filiale d’Afrique du Sud, qui rentrait au Cap après avoir suivi les cours de l’École de Galaad. Une pétition a ensuite été soumise à l’attention du gouvernement ; 40 909 personnes déploraient l’interdiction frappant la distribution de nos écrits bibliques qui, selon elles, constituaient une œuvre d’enseignement chrétienne très utile. En réponse à cette pétition, le gouvernement de la Rhodésie du Nord a promis d’examiner de nouveau l’affaire, et le 19 juin l’interdiction a été levée pour certains écrits, notamment pour la brochure “Le Royaume de Dieu est proche”. Mais le périodique La Tour de Garde était toujours interdit. Nous ne pouvions donc pas nous relâcher dans nos efforts pour procurer cette nourriture spirituelle indispensable aux frères. En fait, le besoin était plus grand que jamais, car, à la fin de l’année 1947, il y avait 6 114 proclamateurs de la bonne nouvelle et 252 congrégations.

La région des mines de cuivre, où s’étendait autrefois la forêt vierge et où sévissait la malaria, était en 1948 occupée par 25 000 Européens, venus principalement renforcer la communauté minière. Leur niveau de vie était élevé comparativement à celui de leurs pays d’origine. Jusque-​là, il n’avait pratiquement pas été possible de prêcher parmi cette population de langue anglaise.

L’ORGANISATION REÇOIT DE L’AIDE

Par bonheur, l’organisation en Rhodésie du Nord a reçu de l’aide grâce à deux missionnaires récemment sortis de Galaad, Harry Arnott et Ian Fergusson. Frère Arnott est arrivé juste avant la visite de frère Knorr et de frère Henschel, venus pour la première fois dans notre pays en janvier 1948.

Pendant leur séjour, frère Knorr et frère Henschel, accompagnés par Georges Phillips, ont passé quelques heures à l’assemblée de Lusaka, qui a duré trois jours. Cette assemblée s’est tenue sur un terrain appartenant à une Européenne qui avait tenu sa promesse de nous l’offrir malgré l’opposition de nos adversaires ; cette femme a d’ailleurs assisté aux sessions. Le cadre ne manquait pas de pittoresque. Les frères avaient construit une estrade en terre et planté des poteaux de chaque côté de celle-ci pour supporter un toit de verdure. Cette fois-​là, les assistants étaient encore divisés, les sœurs à gauche de l’orateur et les frères à sa droite. Le chant des cantiques a beaucoup impressionné frère Knorr qui en a demandé un enregistrement. La brochure “Le Royaume de Dieu est proche” en silozi a été remise aux 3 103 personnes présentes ce jour-​là.

Le 16 janvier 1948, frère Knorr s’est entretenu avec le fonctionnaire chargé des affaires indigènes et le procureur général au sujet d’une interdiction frappant certains écrits que la Société comptait expédier en Rhodésie du Nord. Ces fonctionnaires lui ont donné l’assurance que dans un délai de trente à soixante jours l’interdiction serait levée et que plus rien ne viendrait entraver notre œuvre. La visite du président de la Société et de son secrétaire avait été fructueuse.

Grâce à l’aide de missionnaires formés à l’École de Galaad, il a été possible d’accorder plus d’attention au territoire européen. Vers le milieu de 1948, Harry Arnott a été envoyé comme missionnaire dans la ville de Luanshya, et Ian Fergusson, qui était resté pendant quelque temps au Nyassaland, a été nommé à Chingola. La prédication de maison en maison a aussitôt commencé de façon intensive et les résultats ne se sont pas fait attendre. Beaucoup de Bibles et de manuels bibliques ont été placés dans ce territoire vierge, ce qui a rapidement produit des études bibliques. En l’espace d’un an, deux petites congrégations européennes ont été formées dans ces villes, et l’activité de prédication s’est étendue aux villes de Mufulira et de Kitwe.

La venue des diplômés de Galaad a fourni une excellente occasion de donner une formation théocratique aux congrégations de ce territoire d’Afrique centrale. Tous les représentants itinérants et les pionniers susceptibles de se qualifier pour cette activité ont été invités au bureau de Lusaka, où une “mini” École de Galaad allait fonctionner. Le programme suivi par ces surveillants de circonscription comprenait un cours sur l’organisation proprement dite et un autre sur les enseignements bibliques, tels qu’ils étaient donnés à l’époque à Galaad. Parmi les sujets examinés il y avait les thèmes bibliques, la comptabilité et autres écritures, et le ministère théocratique. Des révisions écrites et des devoirs à faire le soir étaient prévus. On a même organisé des “remises de diplômes” couleur locale.

À la suite de la première visite du président de la Société dans cette partie de l’Afrique, les frères ont été encouragés à apprendre sérieusement à lire et à écrire leur propre langue, afin d’être mieux équipés pour étudier la Parole de Dieu et prêcher la bonne nouvelle. Le bureau de la filiale a immédiatement pris des dispositions pour que soient donnés des cours dans chaque congrégation. Au début, nous avons reçu des manuels de la part des services de l’Éducation nationale, manuels qui nous ont servi de base d’enseignement. Les cours avaient souvent lieu après une réunion de la congrégation, et la plupart des élèves étaient des sœurs. Le slogan “Que chacun en enseigne un autre” était devenu familier. Les maris étaient invités à se réserver du temps pour instruire leur femme, et ceux qui savaient déjà lire et écrire se voyaient encouragés à aider quelqu’un d’autre dans la congrégation.

CRÉATION D’UNE NOUVELLE FILIALE

Le 1er septembre 1948, une filiale a été ouverte et Llewelyn Phillips a été nommé surveillant de cette filiale. À cette époque, il y avait plus de 11 600 proclamateurs et 232 congrégations en Rhodésie du Nord. L’interdiction frappant La Tour de Garde avait été levée, mais certains livres étaient encore interdits.

Cette nouvelle filiale de Rhodésie du Nord reçut la charge de plusieurs territoires au nord et à l’est, y compris le territoire appelé alors Congo belge, qui, jusqu’au 31 août, avait été supervisé par la filiale d’Afrique du Sud. Comment l’œuvre avait-​elle progressé au Congo belge ?

LA CONFUSION N’ENTRAVE PAS LA PROGRESSION

Le Congo belge (République du Congo Kinshasa, aujourd’hui le Zaïre) est un vaste pays d’une superficie de 2 345 400 km2 (près de cinq fois celle de la France). Sa population est évaluée à plus de 23 millions d’habitants. Il se situe au nord de la Zambie et de l’Angola, et se caractérise par la grande dépression où convergent les affluents du Congo. Au sud-est, à la frontière de la Zambie, se trouvent des mines de cuivre très riches qui jouent un rôle prépondérant dans l’économie du pays. Le climat est généralement chaud et humide et une grande partie du territoire est couverte par la jungle. En 1885, la Belgique a pris le Congo sous sa tutelle ; le français est devenu la langue officielle, et la religion catholique le culte dominant.

Il a fallu attendre les années 1940 pour que l’œuvre de prédication soit organisée au Congo. Par contre, le faux “mouvement de la Tour de Garde” (Watchtower) ou Kitawala connaissait l’accroissement. Le livre Kitawala (en allemand) de Greschat, dit ce qui suit à la page 71 : “Des villages entiers se font appeler Tour de Garde, ce qui signifie que tous les habitants ont été baptisés par immersion, qu’ils ont vaguement accepté certaines notions relatives à la fin du monde et pensent que Dieu les récompensera sur la terre à condition qu’ils aient un mode de vie approprié.”

Au Congo comme ailleurs, le terme “Kitawala” servait souvent à désigner les indigènes appartenant au “mouvement de la Tour de Garde”. Le mot Kitawala est, semble-​t-​il, une forme corrompue du terme “tower” (tour) précédé du préfixe “ki”. Certains utilisaient l’expression “Waticitawala”, une forme corrompue de “Watchtower”. Inutile de dire que les gens mal informés associaient les deux noms “Watch Tower Society” et “Watchtower” (le mouvement) ou Kitawala. Avec quelle joie les ennemis de la vérité se sont servis de cette similitude entre les deux noms pour nous desservir auprès des autorités et créer des ennuis aux véritables serviteurs de Jéhovah !

Les soulèvements, les rébellions, les luttes entre tribus, bref tous les incidents de ce genre entre indigènes étaient adroitement imputés au mouvement de la “Tour de Garde”. Les autorités gouvernementales en étaient venues à exécrer ce nom. On imagine sans mal l’opprobre qui a ainsi rejailli sur le nom de Jéhovah et sur sa véritable organisation dans ce pays.

Comme nous l’avons déjà dit, cette confusion a pour origine l’activité déployée au Nyassaland au début du vingtième siècle par Joseph Booth et par ses disciples. M. Booth et ses disciples, dont Elliott Kamwana, ont fait un mauvais usage des premiers écrits de la Watch Tower Bible and Tract Society, d’où la formation en Afrique centrale du faux “mouvement de la Tour de Garde”. Du Nyassaland, cette doctrine s’est vraisemblablement propagée au sud et à l’est, en Rhodésie et au Congo.

Durant les années qui ont suivi, la Société a écrit plusieurs fois aux autorités du Congo pour exposer les faits, mais pour une raison ou pour une autre, elles ont préféré continuer à assimiler ce mouvement religieux indigène, qui se faisait appeler à tort la “Tour de Garde”, à la Watch Tower Bible and Tract Society et à l’œuvre des témoins de Jéhovah. Les pressions exercées par l’Église catholique n’étaient pas étrangères à cette attitude.

À maintes reprises la Société a tenté, mais en vain, d’obtenir que certains de ses représentants expérimentés aient la permission d’entrer dans le pays. L’organisation de Jéhovah avait besoin d’être dirigée et aidée, mais pendant des années les autorités ont fait la sourde oreille, ne voulant pas faire la différence entre les véritables serviteurs de Jéhovah et les mouvements indigènes de la “Tour de Garde”.

Au début de 1948, Llewelyn Phillips, le serviteur du dépôt en Rhodésie du Nord, a été envoyé au Congo belge pour plaider la cause des témoins persécutés et demander que soit levée l’interdiction qui frappait l’œuvre. Il a eu des entretiens en privé avec le gouverneur général et d’autres membres du gouvernement, et a pu expliquer notre œuvre et montrer à quel point nos croyances et nos enseignements diffèrent de ceux du faux “mouvement de la Tour de Garde” ou Kitawala. Des documents officiels ont été déposés en haut lieu les 15 mars et 7 avril 1948, afin que l’affaire figure dans les archives. Au cours de l’entretien avec le gouverneur, celui-ci demanda d’un air embarrassé : “Si je vous aide, que m’arrivera-​t-​il ?” Excellente question, en vérité, car le Congo était presque entièrement sous la coupe de l’Église catholique romaine !

Quelle joie lorsque l’œuvre des témoins de Jéhovah a finalement été reconnue ! Le bureau de la filiale a commencé à fonctionner sous le nom officiel de “Témoins de Jéhovah” au lieu de “Watch Tower Society”, de manière à éviter toute confusion. Désormais, la différence entre les vrais témoins et ceux qui fréquentaient les faux “mouvements de la Tour de Garde” serait vite établie. À partir de ce moment-​là, le nombre de ceux qui ont embrassé le culte pur de Jéhovah Dieu s’est accru considérablement.

NETTE PROGRESSION À L’ÎLE MAURICE

En 1933, des pionniers sont restés quelque temps à l’île Maurice où ils ont accompli un bon travail. Malheureusement, après leur départ il a fallu attendre dix-huit ans pour que des représentants spéciaux de la Société puissent de nouveau visiter l’île. L’Annuaire de 1952 rapporte que deux Mauriciens sont venus à la connaissance de la vérité en Égypte, alors qu’ils servaient dans l’armée pendant la Seconde Guerre mondiale. La prédication zélée de ces proclamateurs égyptiens avait donc porté du fruit. Quoique militaires, ces deux hommes s’intéressèrent vivement à la Bible et ont écrit au bureau de la filiale du Cap pour obtenir des publications. Ils ne tardèrent pas à susciter l’intérêt d’autres soldats pour les Écritures. Lorsqu’ils rentrèrent à l’île Maurice, ils étaient décidés à ‘faire briller leur lumière’, et ils ont d’ailleurs envoyé des rapports au bureau du Cap durant l’année 1951.

Toujours en 1951, deux diplômés de l’École de Galaad, Robert et Georges Nisbet, sont arrivés à l’île Maurice pour organiser l’œuvre. Depuis la dernière visite de Robert Nisbet dix-huit ans auparavant, de grands changements étaient intervenus. Les réunions n’étaient plus interdites et le système d’éducation s’était beaucoup amélioré. Les risques de malaria avaient pratiquement disparu et les conditions de vie étaient meilleures. L’Église ne tenait plus les rênes de la politique, bien qu’elle semblât encore jouir d’une puissante influence.

Ces diplômés de Galaad ont rencontré un certain nombre de personnes qui se souvenaient encore de la visite des frères en 1933, et qui étaient très heureuses de prendre contact avec l’organisation de Jéhovah. Un homme demanda à un missionnaire : “Comment va le juge Rutherford ?” Cela illustre bien à quel point les habitants de l’île avaient perdu de vue l’organisation, car frère Rutherford était mort depuis neuf ans déjà. Cet homme montra un exemplaire de L’Âge d’Or du 4 juillet 1934 et le livre La Harpe de Dieu qui, bien usagé, avait de toute évidence été lu et relu au cours des dix-huit années écoulées. Il s’abonna de nouveau au périodique et accepta une étude biblique.

Selon frère Robert Nisbet, sœur Sooben et sœur Vacher ainsi que leur famille sont à l’origine de la première congrégation. Ainsi, le rapport mondial de 1951 cite l’île Maurice sous la rubrique Afrique du Sud et indique deux pionniers et un maximum de huit proclamateurs. L’année suivante, ce maximum est passé à treize. Quant aux prêtres, ils étaient très occupés à ramasser les publications laissées dans les foyers, menaçant les habitants d’excommunication.

UN COUP D’ŒIL SUR LE MOZAMBIQUE

Faisons, si vous le voulez bien, une halte au Mozambique, connu sous le nom d’Afrique-Orientale portugaise. Il semble que les Européens aient très peu été visités, mais l’œuvre progressait bien parmi le peuple africain. L’accroissement se faisait régulièrement, en particulier dans le nord, si bien qu’en 1948 le nombre des proclamateurs était passé à 398, et il y avait quatre prédicateurs à plein temps. Entre-temps, la persécution s’était intensifiée et certains frères avaient été emprisonnés et déportés dans des camps de travail. Les publications expédiées à partir du bureau d’Afrique du Sud avaient été saisies à leur arrivée au Mozambique.

LES DISCIPLES EMBRASSENT “LA VOIE” AU SWAZILAND

Le Swaziland est un petit État enclavé entre le Mozambique et le Transvaal. La partie occidentale comprend des hauts plateaux et des montagnes, tandis que les régions orientales sont très peu élevées, couvertes d’arbrisseaux épineux et souffrent de la sécheresse.

Pendant des dizaines d’années, des pionniers qui visitaient le Swaziland avaient reçu un bon accueil de la part du roi Sobhuza II, mais ils n’avaient pu organiser l’œuvre dans le pays. Avec le temps, un disciple du nom de Josué P. Mhlongo a embrassé “La Voie”. (Actes 9:2.) Son désir de connaître les témoins de Jéhovah avait été suscité par l’un de ses instituteurs qui disait sans cesse devant la classe que Rutherford enseigne aux gens à ne plus croire à l’enfer de feu et à ne pas adorer leurs ancêtres. Cela a incité Josué à en apprendre davantage sur l’organisation de Jéhovah. Quelle ne fut pas sa déception lorsqu’il apprit que le gouvernement avait interdit l’œuvre des témoins ainsi que leurs publications ! Il réussit néanmoins à se procurer quelques livres auprès d’une tante, témoin de Jéhovah à Johannesburg. Sa mère et lui ne tardèrent pas à communiquer à leurs semblables la bonne nouvelle du Royaume de Dieu. En 1943, bien qu’il fût encore un écolier, il symbolisa l’offrande de sa personne à Dieu par le baptême. Frère McCoffie Nguluh se souvient très bien de la visite que lui ont faite ces deux proclamateurs isolés. Josué Mhlongo exprima le désir de devenir pionnier une fois ses études terminées et frère Nguluh l’encouragea dans cette voie. Il entreprit effectivement le service et fut même le premier surveillant de la circonscription swazie nouvellement formée.

De 1947 à 1950, l’accroissement fut phénoménal. Le nombre des proclamateurs dans le pays est passé de cinq à soixante.

Mais à cette époque-​là, la situation était plutôt étrange au Swaziland. Plus que jamais, l’interdiction qui frappait les écrits de la Watch Tower Society étaient appliquée. Selon le décret publié, la diffusion de l’un quelconque de ces écrits constituait un délit. Or, le roi Sobhuza lui-​même était fier de posséder un éventail presque complet des publications de la Société. Inutile de dire que cette interdiction gênait la propagation de la bonne nouvelle dans les régions isolées. Quand des frères ou des personnes bien disposées étaient trouvés en possession de telles publications, les agents de police les battaient sauvagement. Lors de son deuxième passage au Swaziland, en juillet 1951, frère Bartlett, qui était à l’époque le seul et unique surveillant de district pour l’Afrique du Sud et les protectorats, a rencontré ses premières difficultés dues au décret d’interdiction. Il était chargé d’importer des écrits interdits. Heureusement, il a eu affaire à un commissaire et magistrat de district très aimable, qui n’approuvait pas l’interdit jeté sur les écrits de la Société. Il demanda simplement à frère Bartlett de lui remettre les périodiques les plus “sujets aux critiques”. Mais lorsque l’affaire a été examinée en septembre par un autre magistrat qui ne nous aimait pas, frère Bartlett a été déclaré coupable et condamné à une amende d’une livre.

C’est également pendant cette visite du surveillant de district qu’il a été clairement expliqué aux frères et aux personnes bien disposées que la monogamie est une exigence biblique. La plupart d’entre eux ont été heureux de se conformer à la volonté de Dieu, mais un surveillant-président a refusé de se soumettre aux justes exigences divines et a entraîné quelques proclamateurs à sa suite, leur faisant ainsi quitter le chemin de la vie éternelle. Par contre, ceux qui aimaient Dieu et recherchaient son approbation sont restés fermement attachés aux principes justes.

L’INTERDICTION N’ENTRAVE PAS LA PROGRESSION DE L’ŒUVRE AU BECHUANALAND

À l’ouest se situe le Bechuanaland (aujourd’hui le Botswana), limité par le Sud-Ouest africain, la République sud-africaine et la Rhodésie. L’État couvre une superficie de 569 581 km2. Les indigènes sont pour la plupart très pauvres. L’élevage constitue leur activité essentielle. L’agriculture produit surtout du sorgho, du millet et du maïs. Les indigènes chassent pour améliorer leur ordinaire. En 1970, la population était évaluée à 630 000 habitants.

Le Bechuanaland a été un protectorat britannique de 1884 à 1967, date à laquelle il a acquis son indépendance et a pris le nom de Botswana. L’État est en grande partie constitué de réserves où les chefs des différentes tribus imposent leurs lois tribales et exercent un grand pouvoir sur leurs sujets. En général, ces chefs s’opposaient à l’œuvre des témoins de Jéhovah.

Il semble que les graines de vérité aient été semées pour la première fois dans ce pays poussiéreux et chaud en 1929. Cette année-​là, un proclamateur y déploya une activité de prédication pendant deux mois. Puis, vers la fin de 1932, deux pionniers venus d’Afrique du Sud ont visité le pays et reçu l’autorisation de parler de religion aux habitants, à l’exception des Africains. Malgré cette restriction, ils ont laissé 1 676 écrits bibliques parmi la population européenne.

En 1941, alors que sévissait la guerre, il a été interdit d’importer les publications de la Société au Bechuanaland, et pourtant aucun témoin de Jéhovah ne résidait dans le pays à cette époque-​là. Selon une loi décrétée par le vieux chef Khama, seuls les membres de la Société missionnaire de Londres, les adventistes du septième jour et les catholiques avaient le droit de pratiquer leur culte dans le pays.

Il y avait un continuel mouvement de population en quête de travail en Afrique du Sud. Ceux qui travaillaient dans les grandes villes entendaient parler de la vérité ; de retour au Bechuanaland ils communiquaient aux autres les bonnes choses apprises. De plus, des frères de Rhodésie et du Nyassaland se faisaient de temps à autre employer dans certaines villes comme Francistown, où ils répandaient des graines de vérité. En 1946, il y avait en moyenne seize proclamateurs du Royaume au Bechuanaland.

Au début des années 1950, la Société a envoyé certains de ces représentants au Bechuanaland pour soumettre notre cas aux autorités ; mais cette démarche n’a eu aucun résultat positif.

En 1952, on comptait 114 proclamateurs dans tout le pays. L’accroissement s’est fait régulièrement pendant les quelques années qui ont suivi, mais les problèmes se sont également accrus. Certains frères et sœurs n’avaient pas fait enregistrer leur mariage auprès des autorités, et la moralité s’était relâchée parmi les nouveaux. Mais grâce aux conseils donnés par le bureau de la filiale et avec l’aide des surveillants itinérants, ces questions ont finalement été réglées. Aujourd’hui, l’organisation est spirituellement et moralement pure.

ACCROISSEMENT REMARQUABLE À SAINTE-HÉLÈNE

La petite île de Sainte-Hélène se situe dans l’Océan Atlantique à plus de mille kilomètres de la côte sud-ouest de l’Afrique. De temps à autre, nous recevions un rapport des quelques proclamateurs de l’île, qui nous ont même adressé une commande de publications. Mais ces témoins avaient grandement besoin d’être aidés et formés. Aussi, en mai 1951, le bureau de la filiale d’Afrique du Sud a envoyé un pionnier, frère J. F. van Staden, qui a passé quelque temps dans l’île.

Les services postaux de Sainte-Hélène laissant à désirer, il n’y avait personne pour accueillir frère van Staden à son arrivée. Mais il a quand même pu rencontrer Georges Scipio, le fils de Thomas Scipio, agent de police en retraite. Voici comment frère van Staden raconte cette rencontre : “Quel soulagement ce fut pour moi ! Il m’a immédiatement conduit chez son père, que je cherchais justement. Il était touchant de voir la joie exprimée par ces frères qui avaient attendu de l’aide pendant si longtemps.” Sans perdre de temps, frère van Staden a organisé une réunion pour le petit groupe de dix à douze personnes. Au début, il avait beaucoup de mal à s’exprimer en anglais, mais au bout de quelques semaines il parlait avec plus de facilité. Jusque-​là les frères avaient pour toute réunion des “services en plein air”, qu’ils organisaient en différents endroits de la ville. Ils avaient monté un petit orchestre composé de deux violons et d’un piano-accordéon. Ils commençaient leurs “services” en jouant des cantiques du Royaume ; quand ils avaient réuni assez de monde, plusieurs frères présentaient des allocutions à l’impromptu (en général des témoignages personnels).

Vous reconnaîtrez que ces frères avaient bien besoin qu’on les aide à s’organiser. Frère van Staden a donc commencé par conduire toutes les réunions. Les frères locaux en ont été très reconnaissants et ont apporté tout leur appui à cette disposition. Une dame âgée de Jamestown a offert une grande pièce dans sa maison pour servir de Salle du Royaume, et une autre famille de Levelwood a proposé son foyer comme second lieu de réunion. Le programme des réunions a fait une excellente impression sur tous les assistants ; certains de ceux qui sont venus pour la première fois à une réunion n’en ont plus manqué par la suite. Ils ont ainsi appris à connaître la vérité et se sont ensuite fait baptiser, sans même avoir eu d’étude biblique à domicile.

Pourtant, il n’était pas facile de se rendre aux réunions. Comme il avait une petite voiture, Georges Scipio emmenait d’abord trois personnes jusqu’à un certain endroit, d’où elles continuaient le chemin à pied. Pendant ce temps, Georges revenait en prendre trois autres qu’il laissait plus loin, et ainsi de suite. Il lui fallait une bonne partie de la matinée pour amener tous les frères à la réunion. Une fois celle-ci terminée, il les reconduisait chez eux en procédant de la même manière. Parfois les proclamateurs devaient marcher sous une pluie battante. Ils rentraient alors chez eux tout trempés et à une heure tardive. Mais ils se sentaient profondément heureux.

Frère van Staden n’a pas tardé à emmener les frères dans le service de maison en maison. Il leur a donné une bonne formation et il a été surpris de voir avec quelle rapidité ils se sont mis à présenter les sermons, prêchant efficacement la bonne nouvelle.

Trois mois après son arrivée, soit en août 1951, frère van Staden a organisé un service de baptêmes. Il a fallu creuser et cimenter un bassin. Mais les frères n’ont pas eu à le remplir d’eau, car la veille du jour prévu pour la cérémonie des baptêmes il a plu à torrents. Frère van Staden a prononcé le discours du baptême. Quand il a demandé aux candidats de se mettre debout, il a eu la surprise de voir vingt-six personnes se lever pour répondre aux questions habituelles. Il dit : “Ma coupe de joie débordait et j’étais sincèrement reconnaissant envers Jéhovah de m’avoir accordé le privilège inestimable de venir ici. Après le discours, j’ai baptisé les vingt-six candidats dans l’eau froide.” Peu de temps après, une petite congrégation a été formée à Jamestown. Quelques mois plus tard, une autre voyait le jour à Levelwood.

Inutile de dire que cette activité fructueuse a suscité une réaction chez nos adversaires. Nous avons dû faire front à une violente opposition de la part de l’évêque anglican, qui a réussi à détourner de la vérité quelques personnes bien disposées. Le pasteur adventiste local a défié frère van Staden dans un débat, ce qu’il a certainement dû regretter, étant donné que même des nouveaux proclamateurs ont pu réfuter sans peine la plupart de ses arguments. Mais nos plus gros ennuis nous sont venus du préfet de police, qui ne cessait de menacer frère van Staden en lui disant qu’il lui ferait quitter l’île. Frère van Staden dit : “Chaque mois il me convoquait régulièrement pour me questionner et me donner l’ordre de renoncer à mon activité.”

Mais cette opposition n’a en aucune façon découragé frère van Staden et les proclamateurs locaux. Les joies du service compensaient largement l’adversité et les difficultés dues au mauvais temps et au terrain accidenté. En voici un exemple. Un matin, tandis que frère van Staden et frère Georges Scipio s’approchaient d’une porte, ils ont entendu un homme âgé lire la Bible à haute voix. Ils ont nettement reconnu le passage d’Ésaïe chapitre 2. L’homme en était au verset 4 quand ils ont frappé à la porte. Il les a aimablement invités à entrer ; alors, prenant pour base Ésaïe 2:4, les deux frères lui ont fait connaître la bonne nouvelle du Royaume. Sans perdre de temps, ils ont commencé une étude biblique avec cet homme qui n’a cessé de progresser et s’est finalement voué à Jéhovah.

Durant les treize mois qu’il a passés dans l’île, frère van Staden a été très occupé. Il a conduit jusqu’à dix-huit études bibliques par semaine. En juin 1952, il a quitté Sainte-Hélène pour retourner en Afrique du Sud où il a été nommé surveillant de circonscription dans la province orientale du Cap. Il avait accompli un bon travail dans l’île de Sainte-Hélène ; après treize mois d’activité deux petites congrégations avaient été formées et le nombre des proclamateurs atteignait un maximum de quarante et un.

ACCROISSEMENT EN AFRIQUE DU SUD

Mais revenons maintenant en Afrique du Sud. Voici un aperçu des conditions locales et des difficultés que les frères ont eues à surmonter, il y a de cela un quart de siècle. Sous la rubrique Union Sud-africaine, une encyclopédie (Funk & Wagnalls Standard Reference Encyclopedia, Volume 24) dit que selon un certain décret (Group Areas Act) de juin 1950, “les quatre principaux groupements raciaux : Européens (Blancs), Africains (Nègres), Mulâtres (gens de couleur) et Asiatiques (y compris les Indiens) doivent être répartis dans des régions bien délimitées à l’intérieur desquelles ils doivent rester”. Certains pensaient que cela compliquerait la tâche des frères pour ce qui est de la prédication. Mais il n’en fut rien ; au contraire, il leur a ainsi été plus facile de visiter ceux qui parlent leur propre langue. La loi n’a pas pour but d’empêcher une personne appartenant à un groupe racial de parler de religion à quelqu’un appartenant à un autre groupe racial ; par contre, pour ce qui est des fréquentations chrétiennes encouragées par la Bible, les frères s’en tiennent à leur propre groupe racial, et en agissant ainsi, ils obéissent aux principes renfermés dans Romains chapitre 13. La bonne nouvelle est prêchée, et des personnes de toute race apprennent la vérité et sont heureuses de fréquenter d’autres chrétiens.

Depuis quelques années, les témoins de Jéhovah louaient des locaux qu’ils appelaient “Salles du Royaume”. Mais en 1948, un pionnier a été nommé à Strand, près du Cap, et s’est vu confier le privilège de mener à bien la construction de la première Salle du Royaume d’Afrique du Sud. Le travail s’est échelonné sur les années 1949 et 1950. Un proclamateur local, sœur van der Bijl, de Gordon’s Bay, a financé en grande partie la réalisation de ce projet. Les frères du Béthel du Cap ont participé au programme d’inauguration. Le surveillant de filiale, frère Phillips, dit qu’il ‘aurait aimé monter ce bâtiment sur des roues et lui faire faire le tour du pays, non pas pour l’exhiber, mais pour inciter les frères à construire davantage de Salles du Royaume’. Depuis lors, un grand nombre de salles ont été construites dans le pays, tant par les congrégations européennes que par les frères de couleur.

Durant toutes ces années, les frères et sœurs africains ont reçu une plus grande aide. Le 1er janvier 1949 fut un grand jour pour les frères zoulous. En effet ce jour-​là a paru pour la première fois l’édition de La Tour de Garde en zoulou. À cette époque-​là, les périodiques étaient imprimés au bureau de la filiale du Cap sur la petite machine à polycopier qu’on actionnait à la main. L’exemplaire polycopié n’avait rien de comparable avec le périodique INqabayokulinda (La Tour de Garde en zoulou) que nous produisons aujourd’hui, mais il pourvoyait en temps voulu à la nourriture spirituelle pour les frères parlant cette langue.

C’est aussi à ce moment-​là que nous avons loué le premier train spécial pour emmener les frères aux assemblées. En 1949, par exemple, le “JW Spécial”, qui contenait 750 places assises, a conduit 1 000 témoins à l’assemblée de Pretoria, depuis Johannesburg. Il s’agissait d’Africains appartenant à une douzaine de tribus différentes, mais aucun incident ne s’est produit. Ce voyage a rendu un excellent témoignage aux employés du chemin de fer. Songez un peu ! Des Africains venant de tribus différentes s’entendaient à merveille. Sans le pouvoir exercé par la vérité, pouvoir qui a renouvelé l’esprit de ces gens, ils se seraient certainement battus entre eux comme cela se fait habituellement. Comme chaque tribu se croit supérieure aux autres, les troubles suscités par les factions sont donc fréquents.

La brochure Conseils aux Témoins de Jéhovah sur l’organisation théocratique, qui a paru en 1949, a beaucoup contribué à l’affermissement de l’organisation. Pour faire progresser l’œuvre, nous avions aussi onze missionnaires diplômés de Galaad et le nombre des prédicateurs à plein temps correspondait au dixième de celui des proclamateurs.

Toujours en 1949, 6 766 personnes ont assisté au Mémorial, et 265 ont participé aux emblèmes. Nous n’allions pas en rester là ! La même année, la petite imprimerie du Cap a produit 6 400 000 écrits bibliques, y compris 135 000 périodiques et 625 000 brochures en huit langues ; cela représentait un nouveau maximum !

Au cours des années 1949 et 1950, des classes pour apprendre à lire et à écrire ont été ouvertes. Des cours y étaient donnés trois ou quatre jours par semaine. On y apprenait les langues suivantes : zoulou, sesotho, xhosa, tswana, sepedi et anglais. Au bout de trente leçons environ, un élève savait lire.

La polygamie, très fréquente chez les indigènes, a été un grand problème pour beaucoup de frères africains. Quand frère Knorr nous a visités en 1948, il en a été beaucoup question. Au début, les nouveaux avaient tendance à garder la femme qu’ils préféraient, généralement la plus jeune, mais, par la suite, la Société a insisté sur le fait que, selon les Écritures, c’est la première femme qu’il faut garder, et renvoyer les autres.

Quarante et un Africains du Sud ont pu assister à l’assemblée internationale de New York en 1950, et neuf d’entre eux ont été invités à rester aux États-Unis pour suivre les cours de la seizième classe de Galaad, l’École biblique de la Watchtower. Quant à ceux qui n’ont pu se rendre à ce congrès international, ils ont néanmoins reçu la même nourriture spirituelle lors de l’assemblée nationale qui s’est tenue dans le Reef au mois d’octobre de la même année, assemblée qui avait pour thème “L’accroissement de la théocratie”. Plus de 6 000 proclamateurs étaient présents ; ils venaient de tous les pays de l’Union, des protectorats et du Sud-Ouest africain. Une preuve tangible de l’accroissement théocratique a été fournie par les 855 candidats au baptême. Le discours public a réuni 10 185 personnes. La parution en anglais des Écritures grecques chrétiennes — Traduction du monde nouveau a mis les frères au comble de la joie.

Mais nous n’allions pas nous arrêter en si bon chemin ! Durant l’année de service 1951, 2 000 personnes ont symbolisé l’offrande de leur personne par le baptême. De nouvelles congrégations ont été formées et un second district a été créé afin que soient desservies les 43 circonscriptions existantes. Cette année-​là, nous avons atteint un maximum de 9 586 proclamateurs.

LE BUREAU DE LA FILIALE EST TRANSFÉRÉ

Le transfert du bureau de la filiale en 1952 a également marqué un tournant dans l’histoire des témoins de Jéhovah d’Afrique du Sud. Au début de l’année, le bureau qui se trouvait au Cap a été transféré à Elandsfontein, dans le Transvaal. Depuis 1917, l’œuvre avait été dirigée du Cap, la ville la plus méridionale du pays. Maintenant il devenait nécessaire, et cela pour plusieurs raisons, de transférer le bureau de la filiale dans le Reef. C’est là en effet que résidait la plus grande partie des habitants d’Afrique du Sud et que se trouvait, par conséquent, la majorité des frères, c’est-à-dire dans un rayon de 160 kilomètres autour de Johannesburg. En outre, comme la filiale imprimait des écrits pour d’autres pays sud-africains, le Reef, situé plus au centre, convenait mieux pour l’expédition de ces publications. La Société réaliserait ainsi de grandes économies.

Quand frère Knorr et frère Henschel étaient venus en 1948, il avait été décidé d’acheter deux terrains dans la nouvelle zone industrielle Activia Park, située à la périphérie de Germiston, non loin de la gare et du bureau de poste d’Elandsfontein. Bien qu’à cette époque-​là la région ne fût pas développée, la décision d’acheter ce terrain s’est avérée très sage par la suite. Cet emplacement était seulement à huit kilomètres du centre de Germiston, le plus grand centre ferroviaire du pays, à seize kilomètres de Johannesburg, la plus grande ville de l’Union Sud-africaine, et à huit kilomètres de l’aéroport international de Jan Smuts. Malheureusement, la société qui nous avait vendu les terrains a rencontré des difficultés techniques, ce qui a retardé la construction du Béthel et ne nous a permis d’y emménager qu’à la fin mars 1952.

Quel changement c’était pour les membres de la famille du Béthel ! Auparavant, ceux qui travaillaient au bureau et à l’imprimerie du Cap ne vivaient pas ensemble. On ne peut d’ailleurs pas dire qu’ils formaient une “famille”, et l’expression Béthel était rarement utilisée pour désigner la filiale du Cap ; on l’appelait plutôt “le bureau”. Frère et sœur Phillips habitaient un petit appartement tandis que les autres membres du bureau étaient logés chez des proclamateurs, disséminés dans la péninsule du Cap. Chaque jour certains frères devaient parcourir en train trente-deux kilomètres (aller-retour) pour venir travailler au bureau, d’autres faisaient le trajet en autobus ou à pied. Tous prenaient le petit déjeuner à leur logement. Ceux qui habitaient à proximité rentraient chez eux pour le repas de midi ; les autres recevaient tous les jours un shilling et six pence pour acheter quelque chose dans un café. Tous prenaient leur repas du soir à leur logement. Ils n’avaient pas l’étude de La Tour de Garde en famille.

Tous les matins, à 7 h 5, la famille se réunissait dans le vestiaire de l’imprimerie pour la discussion du texte du jour et la prière. Le travail commençait à 8 heures. Pour arriver à l’heure, certains frères devaient partir de chez eux vers 6 heures du matin.

Le Béthel d’Elandsfontein a été la première construction de la zone Activia Park. Le bâtiment comprenait un rez-de-chaussée et un étage, et il couvrait une superficie de 1 954 m2. Le bureau, l’imprimerie, le service de l’expédition, la buanderie et la salle réservée à la chaudière occupaient le rez-de-chaussée. À l’étage, 22 chambres confortables étaient réservées à la famille. Il y avait aussi une cuisine, une salle à manger et une bibliothèque.

La nouvelle imprimerie s’est enrichie de matériel supplémentaire. Une grande presse horizontale G. M. A. est arrivée de Suède ; elle imprimait une feuille de papier quatre fois plus grande que la presse dont nous nous servions au Cap. Nous avons également reçu une linotype, un grand massicot et une piqueuse. Maintenant, nous étions équipés pour imprimer La Tour de Garde dans les langues africaines. Vous vous souvenez certainement que La Tour de Garde en zoulou avait été jusque-​là polycopiée. Quand la nouvelle presse et les autres machines se sont mises à fonctionner, La Tour de Garde a été imprimée en huit langues et Réveillez-vous ! en trois langues ; nous imprimions aussi douze éditions de Notre ministère du Royaume en huit langues.

ACTIVITÉ DANS LES TERRITOIRES ISOLÉS

En 1952, nous avons particulièrement cherché à consolider l’organisation et à affermir les frères. Le bureau de la filiale a également mis l’accent sur l’activité dans les territoires isolés. Les frères et sœurs ont consacré des milliers d’heures à visiter environ 400 villages et bourgs qui n’avaient encore jamais reçu le témoignage. Quel a été le résultat de cette activité ? Plus de 10 000 personnes bien disposées ont remis leur adresse qui a été signalée au bureau de la filiale, et chacune d’elles a reçu de la part de la Société une lettre spéciale et quelques exemplaires de nos périodiques.

Une congrégation comprenant une vingtaine de frères africains avait été chargée de visiter un territoire non attribué. Quand les frères sont arrivés sur place, ils ont eu du mal à trouver un logement. Un cultivateur refusait de les loger sans l’autorisation de la police. Le commissariat était loin et il se faisait tard. Les employés de ce cultivateur ont alors emmené ces témoins chez le pasteur de la Première Église du Christ, qui habitait un peu plus loin. Celui-ci refusa d’aider les proclamateurs, se montrant d’ailleurs très désagréable. L’une de ses ouailles condamna cette attitude et conduisit les frères dans une maison inhabitée toute proche. Ils étaient à peine installés que les agents de police sont arrivés. Le policier européen se montra très compréhensif, et il encouragea même les frères lorsque ceux-ci lui eurent montré la carte reproduisant le territoire qui leur avait été assigné. En réalité, les agents avaient été appelés par le pasteur. Quelle ne fut pas la surprise des témoins lorsque le lendemain matin ils constatèrent que le pasteur avait complètement changé d’attitude ! Il les a priés d’excuser sa conduite de la veille et leur a offert de tenir leur réunion publique dans l’église. Il a même invité son “troupeau” à venir à cette réunion qui, de ce fait, a réuni 80 personnes (60 d’entre elles n’étaient pas des témoins). Toutes sont restées pour l’étude de La Tour de Garde qui a suivi. Et parmi ceux qui se sont procuré des publications ce jour-​là, il y avait le pasteur. À chacune des deux visites effectuées ultérieurement par les témoins, le pasteur a offert son église pour la réunion publique, et il a assisté tant au discours qu’à l’étude de La Tour de Garde. Cette activité a été productive, puisque le nombre des proclamateurs actifs dans ce territoire est passé de un à sept.

UNE VISITE UTILE

Pour la première fois dans l’histoire de l’œuvre en Afrique du Sud, le nombre des proclamateurs a passé le cap des 10 000 en 1952. Cette année, riche en événements, a été couronnée par la visite des frères Knorr et Henschel, en novembre. Frère Knorr a été très heureux de visiter le bel immeuble d’un étage qui abritait les bureaux de la filiale. Quelle différence avec le petit local du Cap, où il était impossible de loger les frères ! Il a également apprécié la réunion qu’il a tenue avec tous les membres de la famille.

Quelques jours plus tard, frère Knorr, accompagné de frère Phillips, s’est rendu à Durban, ville moderne située en bordure de l’océan Indien. Les règlements locaux sur la ségrégation l’ont obligé à prononcer son discours en trois endroits différents. Une quinzaine de frères indiens assistaient à la réunion des frères de couleur ; frère Knorr a été heureux de parler à quelques-uns d’entre eux après son discours. La population indienne est très importante à Durban, et le message du Royaume commençait tout juste à les atteindre.

La réunion africaine s’est tenue à Lamontville, dans la périphérie sud de Durban. Le chant des frères zoulous a profondément impressionné frère Knorr. Cette réunion avait lieu le dimanche après-midi et, dans la soirée, une autre réunion était prévue dans la salle du centre de la ville pour les frères européens, qui se sont rassemblés à 435.

De retour à Johannesburg, frère Knorr a sollicité une audience du Haut Commissaire britannique du Basutoland, du Bechuanaland et du Swaziland, pour demander que soit levée l’interdiction qui frappait depuis 1941 l’importation des écrits de la Société dans ces trois protectorats. Étant donné qu’à l’époque de la visite du président Knorr plus de 400 témoins étaient actifs dans ces territoires, la Société avait à maintes reprises demandé que soit levée cette interdiction. Frère Knorr a pu avoir un entretien avec le secrétaire en chef du commissaire ; il a répondu à toutes ses questions et exposé clairement l’excellent programme d’enseignement suivi par les témoins de Jéhovah. Malheureusement, l’interdiction dura encore quelques années après cela.

C’est à ce moment-​là que frère Henschel est arrivé. Une réunion édifiante a été organisée à l’hôtel de ville de Germiston par la congrégation européenne locale. De nombreux frères du Reef sont venus, si bien que l’assistance s’est élevée à 725 personnes.

Le 8 décembre, frère Knorr et frère Phillips ont pris l’avion pour Windhoek, la capitale du Sud-Ouest africain. Les trois missionnaires de la ville ont été heureux de les voir et de tenir pour la circonstance leur première assemblée dans ce pays. Il y a eu une dizaine de personnes à chaque session, et un maximum de 25 assistants à la réunion publique.

De retour à la filiale d’Elandsfontein, frère Knorr et frère Henschel ont porté leur attention sur l’organisation de l’œuvre et sur d’autres questions importantes. Les décisions du président de la Société ont eu une incidence sur l’activité durant les années qui ont suivi. Il s’est également entretenu avec les serviteurs itinérants et leur a donné des conseils et des encouragements.

Profitant de la visite de frère Knorr et de frère Henschel, nous avions organisé une assemblée à Johannesburg, du 11 au 14 décembre. Nous avions finalement eu l’autorisation de réunir trois groupes ethniques dans le même stade, en leur attribuant trois sections séparées. Il a fallu faire de nombreuses démarches pour que tous les frères d’Afrique du Sud et des protectorats puissent assister à ce congrès, entre autres choses obtenir des autorisations pour les jeunes de moins de seize ans. Le discours de bienvenue a dû être présenté en trois langues : anglais, afrikaans et zoulou. Les frères européens ont suivi avec joie ce discours en zoulou, qui est une langue pittoresque, et à la fin ils ont applaudi avec autant de chaleur que les frères zoulous eux-​mêmes.

Frère Knorr a particulièrement encouragé les frères africains à apprendre à lire et à écrire, afin d’acquérir une meilleure connaissance de la vérité et d’être des prédicateurs plus efficaces. Soit dit en passant, il a beaucoup plu pendant ces quatre jours d’assemblée. À un certain moment, la pluie est tombée avec une telle force qu’il a fallu évacuer l’estrade. L’assemblée a néanmoins été très réussie, et 339 personnes de toutes races ont pris le baptême. Le samedi soir les assistants étaient au nombre de 5 441, et au discours public ils étaient 7 267. Tous les frères d’Afrique du Sud sont rentrés chez eux heureux, et ils étaient reconnaissants pour les bons conseils reçus et déterminés à aller de l’avant dans l’œuvre du Royaume.

À la fin de 1952, il y avait en moyenne 50 087 proclamateurs dans tous les pays placés sous la responsabilité du bureau d’Afrique du Sud. Quel remarquable accroissement en vingt et un ans ! Songez qu’en 1931 il n’y avait qu’un petit groupe de 100 proclamateurs !

ASSEMBLÉES DE LA SOCIÉTÉ DU MONDE NOUVEAU

Après l’Assemblée de la société du monde nouveau tenue au Yankee Stadium en 1953, neuf congrès ont été organisés en Afrique du Sud (une assemblée nationale européenne et huit assemblées de district pour les frères africains et de couleur). Tous les sujets, y compris les discours clés présentés à New York, figuraient au programme des assemblées d’Afrique du Sud. Pour la première fois, les témoins ont porté des insignes annonçant l’assemblée ; depuis lors ils le font à chaque assemblée nationale et de district. Ces insignes facilitent les contacts entre témoins et créent une ambiance chaleureuse. Les neuf assemblées ont réuni au total 11 000 personnes au discours public intitulé “Après Harmaguédon, Dieu établira un monde nouveau”, et il y a eu 634 baptêmes.

UN NOUVEAU FILM RÉVÉLATEUR

Quand la Société a sorti le film “La Société du Monde Nouveau en action”, en 1955, les frères ont commencé à se rendre compte de la somme de travail que nécessite la production des publications. Le film emmenait le spectateur visiter le Béthel de Brooklyn, l’imprimerie et l’École de Galaad. Il a profondément impressionné les témoins, les aidant à mieux apprécier l’organisation. Ils ont également réalisé que les membres du Béthel d’Elandsfontein travaillent dur, eux aussi, pour produire des publications en différentes langues. Notons d’ailleurs qu’en août 1955 a paru pour la première fois le périodique La Tour de Garde en xhosa.

Le film a également aidé beaucoup de personnes à se libérer des préjugés qu’elles avaient au sujet des témoins de Jéhovah. Les surveillants de district européens ont très facilement reçu la permission de projeter le film dans des régions dont l’accès leur avait été jusque-​là refusé. Ils emportaient avec eux une génératrice, qui leur permettait de passer le film dans les nombreuses localités isolées dépourvues d’électricité. Pour bon nombre d’Africains, c’était la première fois qu’ils assistaient à une projection cinématographique, aussi écarquillaient-​ils les yeux d’étonnement. Par exemple, un jeune garçon africain a tellement été impressionné par le passage d’un train que le lendemain il a demandé au cultivateur qui le logeait à quelle heure le train devait repasser.

Deux cents frères de couleur s’étaient rassemblés à l’occasion d’une petite assemblée de circonscription. La soirée était chaude et le film devait être projeté dans une grande cour non clôturée située derrière la salle. Comme il faisait encore jour, les frères se sont mis à chanter des cantiques du Royaume. Attirés par ces beaux chants, des gens des alentours sont venus et, en peu de temps, 650 personnes étaient réunies dans la cour. Toutes ont beaucoup apprécié le film.

UN REPRÉSENTANT DE BROOKLYN REVIENT EN AFRIQUE

En octobre 1955, Milton G. Henschel est revenu en Afrique du Sud. Il a pourtant failli ne pas être présent à notre assemblée, car le ministère de l’Intérieur avait annulé son visa. Juste la veille du jour prévu pour son arrivée, les autorités lui ont donné un nouveau visa, mais en lui interdisant de prononcer des discours publics. Plusieurs frères du Béthel ont immédiatement été chargés de préparer des allocutions en vue de remplacer frère Henschel en cas de besoin. Dès son arrivée, celui-ci a eu un entretien avec le ministre de l’Intérieur qui lui a donné “le feu vert”, et tout s’est déroulé comme prévu à l’origine. Cette décision a grandement réjoui les congressistes et soulagé les frères du Béthel qui s’étaient préparés à la hâte à remplacer le représentant de la Société.

Comme en 1952, les trois groupements raciaux ont eu la joie de se réunir dans le stade Wembley, en se tenant toutefois séparés les uns des autres. Les frères étaient heureux d’entendre le discours clé prononcé par frère Henschel, dans lequel il les assurait que leur Roi, Jésus Christ, les conduirait en procession triomphale et qu’ils seraient un parfum de bonne odeur pour Jéhovah mais une puanteur pour leurs ennemis. Au total, 10 754 personnes ont assisté au discours public intitulé “Conquête prochaine du monde par le Royaume de Dieu” ; il y a eu 407 baptêmes. Les nouvelles publications lancées le dimanche ont mis les frères au comble de la joie. Elles venaient tout juste d’arriver à Johannesburg la veille au soir.

LES ASSEMBLÉES DE LA VOLONTÉ DIVINE

En 1958, tous les témoins africains avaient les regards tournés vers l’Assemblée internationale de la volonté divine qui devait avoir lieu à New York du 27 juillet au 3 août. Quelle joie ce fut pour les 123 frères et sœurs d’Afrique du Sud de s’envoler pour New York via Londres !

Treize assemblées de “La volonté divine” devaient ensuite se tenir en Afrique du Sud, assemblées à l’occasion desquelles seraient lancées de nouvelles publications pour le service du champ. Citons entre autres le livre Du paradis perdu au paradis reconquis. Ce manuel a beaucoup aidé les frères à enseigner les vérités bibliques à leurs enfants.

En octobre 1958, les frères d’Afrique du Sud ont appris que leurs compagnons de service du Malawi avaient été victimes d’un terrible incendie qui avait complètement détruit les locaux construits par les témoins eux-​mêmes pour loger les congressistes. Ces derniers étaient sinistrés. En quelques jours, les frères d’Afrique du Sud ont généreusement rassemblé et envoyé à leurs compagnons du Malawi environ une tonne et demie de vêtements.

UNE AUTRE VISITE IMPORTANTE

En 1959, frère Knorr a de nouveau visité l’Afrique du Sud. Nous avions pris des dispositions pour qu’ait lieu une assemblée nationale qui réunirait toutes les races, comme les assemblées de 1952 et de 1955. Les autorités nous ayant refusé l’autorisation nécessaire, nous avons dû organiser deux assemblées en des endroits différents de Johannesburg. Des trains spéciaux ont amené 1 600 frères du Natal et du Zoulouland. De tous les territoires de l’Union et des pays voisins, les frères affluaient vers Johannesburg. La publicité faite avant l’assemblée a suscité un vif intérêt de la part du public, si bien que des centaines de personnes sont venues écouter entre autres choses le discours qui avait pour thème “Une terre édénique grâce au Royaume de Dieu”. La session européenne a réuni une assistance de 4 541 personnes au stade Wembley, tandis que 12 648 Africains s’assemblaient dans la salle communale d’Orlando et dans les grandes tentes montées tout autour. Il y a eu en tout 546 baptêmes.

Quand le Béthel avait été transféré du Cap à Elandsfontein en 1952, il y avait en moyenne 8 580 proclamateurs en Afrique du Sud ; en 1959, leur nombre était passé à 14 451. Le Béthel était devenu trop petit. Avant l’arrivée de frère Knorr, des plans prévoyant l’agrandissement des locaux de la filiale avaient été établis et soumis à l’attention du président à Brooklyn, qui les avait approuvés. Les travaux de construction ont commencé pendant le séjour de frère Knorr en Afrique. Le nouveau bâtiment était plus grand que l’ancien. Il comprenait vingt-deux chambres supplémentaires et une Salle du Royaume pour la famille du Béthel. La partie réservée à l’imprimerie comportait un atelier de réparations, un emplacement réservé aux nouvelles machines et un grand entrepôt. Tout cela était vraiment nécessaire, comme en témoignent les chiffres de production. L’année qui a suivi l’installation de l’imprimerie à Elandsfontein, 740 000 brochures et périodiques étaient sortis des presses. Mais en 1959, pour ce qui est uniquement des périodiques, l’imprimerie en produisait presque deux millions.

Parlons maintenant de la progression de l’œuvre dans les autres pays placés sous la responsabilité du bureau d’Afrique du Sud, et tout particulièrement des trois protectorats britanniques : le Basutoland, le Swaziland et le Bechuanaland.

DES OBSTACLES À SURMONTER AU BASUTOLAND

En général, le culte des ancêtres et la sorcellerie sont, pour les Africains, de sérieux obstacles à surmonter pour accepter la vérité. Bien que de nombreux Bassoutos se disent chrétiens, le clergé se joint à eux pour offrir des sacrifices destinés à apaiser “l’esprit” des chefs décédés et de leurs ancêtres. Tant les ecclésiastiques que les laïcs ont recours aux services des sorciers “médecins”.

En 1953, Josué Thongoana, ancien directeur de l’école de missionnaires de l’Église réformée néerlandaise, a été envoyé au Basutoland (aujourd’hui le Lesotho) comme surveillant de circonscription. À cette époque-​là, le Basutoland était connu pour ses meurtres rituels accomplis sous le couvert de la sorcellerie, les étrangers servant généralement de cible aux meurtriers. Frère Thongoana et sa femme se sont entièrement confiés en Jéhovah qui les a vraiment protégés. D’ailleurs, les frères se montraient très bons et hospitaliers à leur égard.

Dans les monts Maluti, frère Thongoana se rendait à cheval d’un groupe isolé à un autre. Pour aller de Mokhotlong à Bobete il fallait une journée. Les frères qui l’accompagnaient étaient de bons cavaliers, aussi ne souffraient-​ils pas du voyage, mais il n’en était pas de même de frère Thongoana ; tout son corps lui faisait mal, il ne pouvait ni s’asseoir ni se coucher. Au retour, ils ont dû traverser le fleuve Orange qui était en crue. Les compagnons de frère Thongoana l’avaient mis en garde : si le courant était trop fort, le cheval chercherait à se débarrasser de son cavalier afin de pouvoir nager. Frère Thongoana était terrifié. À mesure qu’il faisait avancer sa monture dans l’eau, son appréhension croissait ; mais heureusement, tous les chevaux ont traversé le fleuve sans se cabrer.

Les chutes de neige sont fréquentes dans les monts Maluti ; elles sont suivies de vents violents. Un matin, au réveil, les frères ont découvert un paysage d’hiver ; toute la région était recouverte d’un manteau blanc. C’était une expérience nouvelle pour eux ; leurs pieds s’enfonçaient dans la neige en marchant. Ils étaient transis de froid, il fallait absolument allumer un feu, mais il n’y avait ni bois ni charbon. Alors que la situation leur semblait désespérée, une personne bien disposée leur a donné suffisamment de bouse séchée pour allumer un feu.

Durant les années 1950, le Basutoland a continué de progresser régulièrement. En 1953, il y avait en moyenne 67 proclamateurs et, en 1959, leur nombre était passé à 111, ce qui représentait un accroissement de 81%.

L’INTERDICTION EST LEVÉE AU SWAZILAND

Au Swaziland, la situation était pratiquement la même qu’au Basutoland : dans l’ensemble, les chefs étaient bien disposés à l’égard des témoins. Certes, les frères poursuivaient leur œuvre dans la clandestinité, mais l’attitude conciliante des principaux chefs leur permettait de diffuser les publications, en prenant des précautions, bien entendu. Les proclamateurs inscrivaient leur nom sur les livres laissés aux personnes intéressées par le message, montrant ainsi qu’il s’agissait simplement d’un prêt et non d’une vente.

En 1958, Dennis McDonald, surveillant de district, a rendu visite à la seule et unique sœur de Goedgegun (aujourd’hui Nhlangano). C’était la toute première fois qu’un représentant de la Société passait la voir. Elle avait loué la salle d’audience du tribunal local pour la réunion publique. Frère McDonald éprouvait quelque appréhension à donner un discours dans une salle de tribunal d’un pays où les écrits de la Société étaient frappés d’interdiction.

Le mari de la sœur, membre du gouvernement local, lui assura qu’il aurait “un bon auditoire”. Le dimanche après-midi, “un bon auditoire” était effectivement présent ; il y avait deux ministres de l’Église réformée néerlandaise, un ministre de l’Église anglicane, le magistrat de la localité, un agent de police, le directeur de la CID et quelques personnes bien disposées. Frère McDonald comprit que ces hommes étaient venus dans un dessein bien précis. Le discours montrait l’échec du communisme et, en contraste, l’espérance du Royaume de Dieu. Il a entièrement été enregistré et envoyé à Mbabane, la capitale, pour être analysé. Quelque temps plus tard, l’interdiction qui pesait sur les publications de la Société a été levée ; il semble que ce discours ait influencé certaines décisions.

La projection du film “La Société du Monde Nouveau en action” a également renversé certains préjugés. Le responsable d’un grand quartier européen a demandé à voir le film avant de donner son accord pour la projection en public. Sept personnes étaient présentes à la projection privée. Le film a fait une excellente impression sur le responsable, qui a dit : “Ce sujet est très intéressant. Votre organisation est vraiment importante et bien organisée.” Il était heureux d’apprendre que les témoins de Jéhovah défendent le culte pur et ne se mêlent pas aux affaires politiques. Il a remercié le surveillant de district pour la projection privée et a ajouté : “Vous pouvez passer ce film dans notre salle et je dirai aux agents de police de vous aider.” Ce soir-​là, l’assistance s’est élevée à 902 personnes.

Des années 1953 à 1959, le nombre des proclamateurs de la bonne nouvelle n’a cessé de croître au Swaziland ; il est passé de 126 à 289, soit 129% d’accroissement.

LA PERSÉVÉRANCE EST RÉCOMPENSÉE AU BECHUANALAND

En 1956, Josué Thongoana a été nommé surveillant de circonscription au Bechuanaland. Certains frères locaux avaient déjà été battus par les chefs à cause de leur œuvre de prédication. Ils accusaient les frères d’introduire dans le pays une nouvelle religion, alors que le chef Khama avait déjà apporté la doctrine enseignée par la Société missionnaire de Londres. Un pionnier a été flagellé à deux reprises et on lui a confisqué son troupeau, tout cela en raison de ses activités de prédication. Mais quand le chef local a vu qu’il restait fermement attaché à sa foi, il lui a fait rendre ses bêtes.

Deux semaines après son arrivée au Bechuanaland, frère Thongoana a été arrêté avec deux autres frères. Au kgotla (tribunal) on les accusait de répandre une nouvelle religion. On leur refusait le droit de se défendre en exigeant qu’ils plaident coupables. Après que le chef et son kgotla eurent porté de nombreuses accusations contre eux, frère Thongoana a été prié de quitter dès le lendemain le Bechuanaland, et les frères locaux ont été condamnés à deux mois de prison. Frère Thongoana a effectivement quitté la région, mais non le pays, à l’intérieur duquel il a pénétré plus avant. Quelque temps plus tard, il a appris avec joie que le chef avait changé d’avis et sursis à l’exécution de son jugement.

Lorsqu’il est revenu, frère Thongoana a de nouveau été arrêté. Son jugement allait susciter l’intérêt général. Le ministre local de la Société missionnaire de Londres était présent et le chef lui a demandé d’ouvrir la séance par une prière. Frère Thongoana a de nouveau été accusé de propager une nouvelle religion. Le tribunal lui ayant permis de se défendre, il a cité de nombreux passages des Écritures pour expliquer la raison de sa prédication et la teneur de son message. Quant au ministre de la Société missionnaire de Londres, il n’avait même pas apporté la Bible. Certains conseillers ont persuadé le chef de prononcer l’acquittement ; c’était une victoire théocratique !

Avant que l’interdiction frappant les écrits de la Société ne soit levée en 1959, beaucoup de frères ont été arrêtés ; mais ils sont restés fermement attachés à la vérité. De 100 en 1953, le nombre des proclamateurs est passé à 166 en 1959. Quel bel accroissement !

LES FRÈRES DE L’ÎLE SAINTE-HÉLÈNE SONT SPIRITUELLEMENT BÉNIS

Après le départ de frère van Staden, seuls le courrier et les écrits de la Société reliaient les témoins de Sainte-Hélène à l’organisation visible de Jéhovah. Vous imaginez leur joie quand le surveillant de circonscription et sa femme sont venus passer tout un mois avec eux en 1955. Ils ont consacré douze jours à chacune des deux congrégations de l’île, et le mois d’activité s’est achevé avec une assemblée de circonscription. On a compté 105 personnes à la réunion publique et trois baptêmes.

Les bénédictions spirituelles n’ont cessé d’être répandues sur les proclamateurs de Sainte-Hélène. En 1956, le film “La Société du Monde Nouveau en action” a été projeté huit fois devant une assistance totale de 1 000 personnes. Ce film a donné à ces frères isolés une meilleure connaissance de l’organisation mondiale des témoins de Jéhovah. L’un d’eux a déclaré : “Je confesse sans honte que ce film m’a ému aux larmes, et je n’étais pas le seul. C’est remarquable de voir comment les frères travaillent ensemble dans l’amour ; si seulement nous pouvions faire de même !”

En 1958 le film “Le bonheur de la société du Monde Nouveau” a été projeté huit fois devant une assistance totale de 1 095 personnes. Toutes ont été frappées de voir les foules se rassembler dans toutes les parties du monde.

Depuis que les graines du Royaume avaient été semées à Sainte-Hélène en 1933, aucun proclamateur n’avait encore eu la joie d’assister à une grande assemblée. Pour la première fois en 1958, deux proclamateurs allaient se rendre à l’Assemblée internationale de la volonté divine à New York. Toutefois, en raison des communications difficiles, ils ont dû partir en mai et ne sont revenus qu’en novembre. Mais la joie d’être à l’assemblée de New York valait bien la peine qu’ils s’étaient donnée. En rentrant, ils ont communiqué à leurs frères toutes les bonnes choses qu’ils avaient apprises.

PROGRÈS À L’ÎLE MAURICE

En 1953, la congrégation de Vacoas faisait de bons progrès et une nouvelle congrégation était sur le point d’être établie à Port Louis. Se conformant aux lois, les missionnaires avaient fait savoir au commissaire de police qu’ils allaient tenir des réunions ; celui-ci n’y voyait aucun inconvénient aussi longtemps que ces réunions ne susciteraient pas d’opposition religieuse susceptible de troubler la paix. Toutefois, les autorités ne voulant pas prendre de risques, quatre agents de la Sûreté ont été désignés pour assister à la première réunion. Il y avait aussi dans l’assistance un agent de la Sûreté en retraite et plusieurs membres de la famille d’un autre agent de la Sûreté. Cela ressemblait fort à une réunion d’agents de police ! Tous ont constaté avec satisfaction que les témoins de Jéhovah sont des gens paisibles qui respectent la loi.

De bons progrès ont encore été enregistrés en 1955, où le nombre des proclamateurs a atteint un maximum de 30. Cette année-​là, frère Milton Henschel est venu dans l’île Maurice et une filiale de la Société a été créée ; ce bureau était chargé des intérêts du Royaume dans les trois îles situées au sud de l’océan Indien, à savoir Madagascar, la Réunion et l’île Maurice.

DES EFFORTS FRUCTUEUX À MADAGASCAR

Après la visite en 1933 de deux pionniers, Robert Nisbet et Bert McLuckie, venus d’Afrique du Sud, le champ de Madagascar semble être resté inculte pendant vingt-deux ans. En 1955, Milton Henschel et Robert Nisbet ont visité l’île pour y organiser le travail sous la direction de la filiale de la Société à l’île Maurice. Bientôt, deux pionniers de France débarquaient dans l’île. Ils ont travaillé dur et ont obtenu de bons résultats, conduisant de nombreuses études bibliques. Avant peu, des proclamateurs locaux répandaient la bonne nouvelle du Royaume. En 1958 a été publiée la première brochure en langue malgache. L’année suivante, le bureau de la filiale de France a été chargé de la direction de l’œuvre à Madagascar.

DÉBUTS DE L’ŒUVRE EN ANGOLA

C’est en 1938 qu’ont été semées les premières graines de vérité en Angola. Ce territoire couvre une superficie de 1 248 700 km2 et se situe sur la côte occidentale de l’Afrique ; il est limité au sud par le Sud-Ouest africain, au nord par la République du Congo et à l’est par la Zambie.

En 1938, deux pionniers venus du Cap ont visité la population blanche de l’Angola. En trois mois, ils ont placé 8 158 Bibles, livres et brochures, suscitant un certain intérêt pour la vérité. Mais la Seconde Guerre mondiale ayant éclaté l’année suivante, il a été difficile de garder le contact avec les personnes bien disposées.

En 1950, soit douze années plus tard, un pionnier africain du Mozambique a été déporté dans la petite île portugaise de Sao Tomé, située dans le golfe de Guinée, sans même avoir fait l’objet d’un jugement préalable. Précisons en passant que cette île était comprise dans le territoire de l’Angola. Après six mois de déportation, ce frère avait formé treize proclamateurs du Royaume qu’il aidait à répandre le message dans l’île.

Deux ans plus tard, ce petit groupe de Sao Tomé se composait de 21 proclamateurs. Sao Tomé et Principe, l’île voisine, couvrent ensemble une superficie de 975 km2 et comptent 64 000 habitants. Il s’agit en fait de colonies pénitentiaires pour les Africains portugais qui travaillent comme des esclaves dans les plantations de caoutchouc, de bananes et de café. Aussi les frères devaient-​ils poursuivre leur activité dans des conditions difficiles, sans que personne ne puisse les visiter pour les encourager. Jusque-​là, il n’y avait toujours pas de proclamateurs en Angola.

Pourtant, en 1954, le bureau de l’Afrique du Sud a reçu des lettres d’un petit groupe d’Africains de Baía dos Tigres, un camp pénitentiaire rattaché à un port de pêche situé à l’extrémité méridionale de l’Angola. João Mancoca, l’auteur de ces lettres, disait dans l’une d’elles : “Le groupe des témoins de Jéhovah d’Angola s’élève à 1 000 personnes. Leur conducteur se nomme Simão Gonçalves Toco.” Mais un fait très intéressant se rattache à ce nom.

En 1943, ce Simão Gonçalves Toco était chef des chœurs de la mission baptiste de Léopoldville, au Congo belge (aujourd’hui le Zaïre). C’était un chef très capable et le nombre de ses chanteurs s’élevait à plusieurs centaines. Un jour, on lui remit deux brochures éditées par la Société Watch Tower, et il les lut avec intérêt. Toco écrivit ensuite au siège central de Brooklyn pour obtenir d’autres écrits. Petit à petit, il se mit à inclure certains enseignements du Royaume dans ses cantiques ou ses hymnes (il était compositeur) et en parla avec ses plus proches collaborateurs. Mais des disciples de Simon Kimbangu, qui pratiquaient le spiritisme, se sont infiltrés dans le groupe de Toco. En 1949, Toco et ses amis se sont mis à prêcher dans Léopoldville. Mais bientôt, ils étaient arrêtés et emprisonnés. Une fois incarcéré, Toco a cessé d’utiliser les publications de la Société, délaissant même la Bible, et comme ses compagnons et lui se reposaient principalement sur les messages des médiums, le spiritisme de Kimbangu a fini par éclipser la vérité. La plupart d’entre eux étaient originaires de l’Angola. Aussi, après avoir passé quelques mois en prison au Congo, ceux qui refusaient de renoncer à suivre Toco ont été renvoyés à Luanda, en Angola. Ils étaient environ un millier.

Au nombre des déportés en Angola figurait João Mancoca, un Africain intelligent, dont l’esprit était tourné vers les choses spirituelles. Lors de son jugement, il avait été accusé d’appartenir au “mouvement de la Tour de Garde” rattaché au kimbanguisme, secte africaine interdite. Le juge était prêt à le relâcher à condition qu’il renonçât à sa foi. Tout en rejetant certaines interprétations de Toco, particulièrement sa pratique du spiritisme, João Mancoca comprenait que celui-ci lui avait enseigné certaines vérités qu’il perdrait s’il abandonnait la foi ainsi acquise. Il préféra donc l’emprisonnement au rejet du peu de vérité qu’il détenait. Les autorités portugaises étaient dans le doute quant à l’origine exacte de ce groupement et ne savaient que faire de ses adeptes. Elles les soupçonnaient d’être des éléments subversifs, et pourtant ils paraissaient sincères et inoffensifs. Finalement, on décida de les disperser un peu partout en Angola. Toco et bon nombre de ses adeptes ont été envoyés au nord, dans une plantation de café. Quant à Mancoca et un autre groupe, ils sont restés à Luanda.

Là, Mancoca s’est donné beaucoup de mal pour persuader ses compagnons de se servir de la Bible et de renoncer au spiritisme. Avec Sala Ramos Filemon et Carlos Agostinho Cadi, Mancoca s’est efforcé de faire prévaloir la Bible. Par une heureuse coïncidence, le fils d’un Africain a reçu comme manuels de classe nos livres “Le Royaume s’est approché” et “La vérité vous affranchira” en langue française. Son père étant d’avis que ces ouvrages ne convenaient pas à l’usage pour lesquels on les destinait, il les remit à Mancoca. Vous imaginez sa joie et celle de ses compagnons, car tous appréciaient vraiment la vérité. Par la suite, Toco a été envoyé dans le sud ; mais en chemin, il s’est arrêté quelque temps à Luanda. Il était devenu un spirite confirmé et interdisait à ses adeptes d’employer la Bible. De toute évidence, ses disciples “kimbangu” avaient exercé sur lui une puissante influence, le détournant complètement de la Parole de Dieu. Mancoca et ses compagnons étaient atterrés, et, pendant trois mois, ils n’ont cessé de prier pour que Jéhovah les aide à entrer en relations avec la Société Watch Tower.

Certains disciples de Toco n’aimaient pas les vérités enseignées par Mancoca ; aussi le dénoncèrent-​ils, lui et ses compagnons, auprès des autorités portugaises, les accusant mensongèrement d’être les auteurs de l’une des fausses doctrines enseignées par Toco. Mancoca et ses amis furent donc enfermés dans une cellule toute noire pendant vingt et un jours. L’un des gardiens a pu leur faire parvenir une machine à écrire et quelques bougies. Alors, grâce à cet éclairage de fortune, ils ont fait clandestinement des copies des brochures de la Société qu’ils avaient sous forme manuscrite. Une fois sortis du cachot, ils ont été déportés au camp pénitentiaire de Baía dos Tigres et condamnés, sur de fausses accusations, à quatre ans puis à six ans de bagne.

À Baía dos Tigres, Mancoca et ses amis ont rencontré quelques tocoïstes, qu’ils ont encouragés, mais sans succès, à étudier la Bible. Ils se sont donc tenus à l’écart de ce groupe. C’est alors que Mancoca a décidé de traduire en kikongo, leur langue natale, certains chapitres du livre “La vérité vous affranchira” (qu’il avait en français). Dans le même temps, un tocoïste avait écrit au bureau de la filiale de Salisbury qui lui avait répondu en espagnol ; comme il ne pouvait pas lire cette langue, il a montré la lettre à Mancoca, qui a ainsi obtenu l’adresse de la Société. Avec ses compagnons, il a adressé une lettre en français au bureau de Rhodésie, et celui-ci l’a transmise au bureau d’Afrique du Sud. Ainsi, pendant trois mois, Mancoca et ses amis ont pu correspondre avec la filiale et recevoir des publications.

Quand cette étrange histoire a été connue des frères de Brooklyn, ils ont aussitôt demandé au missionnaire John R. Cooke, qui avait passé plusieurs années au Portugal et parlait couramment le portugais, de se rendre en Angola. Frère Cooke y est arrivé le 21 janvier 1955. Il a d’abord eu un entretien avec un avocat de Luanda, qui lui a conseillé d’agir avec beaucoup de prudence, car les partisans de Toco étaient identifiés aux “Mau-Mau” (terroristes) et soupçonnés d’être soutenus par les communistes.

Tandis qu’il marchait dans les rues du Luanda et de Benguela, frère Cooke éprouvait un sentiment étrange lorsqu’il rencontrait les disciples de Toco, reconnaissables à l’étoile qu’ils portaient comme insigne. Il se demandait si ces hommes étaient des témoins de Jéhovah en puissance ou des communistes déguisés. À Lobito et à Benguela, il a eu des entretiens privés avec certains d’entre eux, mais sans grand résultat ; tout ce qu’il a appris, c’est qu’ils avaient la Bible, connaissaient le nom de Jéhovah et se réunissaient souvent. Ils étaient nombreux à Luanda. Frère Cooke leur parla et eut des discussions avec leur comité. Mais ces hommes étaient avant tout des disciples de Toco et la Société Watch Tower ne les intéressait en aucune façon. Il y eut pourtant une exception en la personne d’un jeune homme nommé Antonio Bizi, qui apprécia beaucoup les visites de frère Cooke et encouragea plusieurs de ses amis à s’abonner aux périodiques de la Société.

Frère Cooke fit donc part de ses premières impressions aux frères du bureau d’Elandsfontein, en Afrique du Sud, qui lui conseillèrent d’entrer en relations avec Mancoca et ses amis à Baía dos Tigres. Seulement voilà, Baía dos Tigres est un petit port de pêche situé sur une côte sablonneuse désertique, à l’extrémité méridionale de l’Angola ; de plus, c’est une colonie pénitentiaire ; ses contacts avec le monde extérieur sont donc très rares. John Cooke se souvient d’avoir retourné le problème dans tous les sens pendant des jours. Puis il se confia à Jéhovah dans la prière. Il écrivit ensuite une lettre au gouverneur général à Luanda, lui exposant sa mission et sollicitant une entrevue. Au bout de trois semaines interminables, il fut convoqué par Senhor Santana Godinho, l’adjoint en chef du gouverneur. Au cours de cet entretien, frère Cooke fut assailli de questions sur l’œuvre et les croyances des témoins de Jéhovah. Finalement, Senhor Santana Godinho autorisa frère Cooke à se rendre à Baía dos Tigres. Il le surprit même par cette remarque : “En fait, nous allons vous remettre gracieusement un billet d’avion aller et retour.” C’était un voyage de 1 900 kilomètres !

Quelques jours plus tard, un petit avion à six places survolait sous un soleil de plomb le camp de Baía dos Tigres, et atterrissait sur la piste bétonnée. John Cooke et les quelques autres passagers sautèrent à terre. John Cooke rencontra encore quelques difficultés, mais finalement il put se réunir pour la première fois avec Mancoca et ses amis. C’était un grand jour pour Mancoca qui, depuis des années, priait pour entrer en relations avec la Société qui lui avait appris la vérité ! Il se mit sur son trente et un et lut un long discours de bienvenue au représentant de la Société. Quelle joie c’était pour frère Cooke de trouver des “brebis” impatientes de connaître les enseignements du Royaume ! Tous les soirs il se réunissait avec ces Africains humbles et sincères pour leur parler de la Parole de Dieu et de l’œuvre du Royaume. Un jour, ils lui montrèrent un gros livre d’exercices. Il était constitué des brochures Le Royaume, l’Espérance du Monde et Les derniers jours, traduites en kikongo, leur langue maternelle. Ce manuel, qui leur servait principalement de base pour l’étude, avait été écrit entièrement à la main, des années auparavant. Frère Cooke constata avec surprise qu’ils possédaient déjà une bonne compréhension de la vérité grâce aux publications qu’ils avaient reçues d’Elandsfontein.

John Cooke logeait dans la maison du phare, avec le gardien. Celui-ci manifesta de l’intérêt pour la vérité ; il s’abonna à nos deux périodiques et commanda une Bible. Un jour il dit à frère Cooke : “Senhor Cooke, vous consacrez tout votre temps aux Africains. Pourquoi n’organiseriez-​vous pas une réunion pour nous, les Blancs ?” C’est ce qui fut fait, et, le dimanche, 80 personnes (70 Noirs et 10 Blancs) étaient réunis dans l’une des conserveries de poisson. Ce fut la première réunion publique en Angola. Le lendemain, frère Cooke reprit l’avion (il n’y avait qu’un vol par semaine), rassuré quant à la spiritualité du petit groupe de Mancoca. Celui-ci avait d’ailleurs rédigé une lettre pour Toco et ses adeptes, dans laquelle il leur expliquait les activités de John Cooke et les encourageait à l’accepter en qualité de représentant de la Société. Frère Cooke espérait ainsi obtenir une meilleure audience de la part des différents groupes.

Frère Mancoca nous parle en ces termes de la visite de frère Cooke : “Je n’avais plus aucun doute. J’étais persuadé que cette organisation avait le soutien de Jéhovah. À mon avis, aucune autre Église n’aurait fait cela : envoyer à ses frais un missionnaire dans un pays lointain pour qu’il rende visite à un illustre inconnu qui a écrit au bureau de la filiale.”

Entre-temps, les membres du comité de Toco à Luanda avaient reçu la missive de Mancoca, qui ne les avait pas du tout impressionnés. “Qui est-​il pour nous dire ce que nous avons à faire ? disaient-​ils. Si Toco nous avait envoyé une telle lettre, la chose aurait été différente, mais Mancoca !” Frère Cooke décida donc de visiter Toco.

Un rapport fut envoyé au Senhor Santana Godinho ; il contenait un bref compte rendu sur la visite de John Cooke à Baía dos Tigres et son opinion sur ceux qu’il avait rencontrés là-bas. Santana Godinho ne tarda pas à convoquer frère Cooke. Il le félicita pour son rapport et lui dit que les autorités ne doutaient pas du caractère séditieux de la secte de Toco ; par contre, lui et quelques autres fonctionnaires n’en étaient pas convaincus. Ils seraient donc heureux que quelqu’un aille se rendre compte sur place. Il fit alors cette autre proposition surprenante : “Qui voulez-​vous encore visiter, Senhor Cooke ? Dites-​nous où vous souhaitez vous rendre et nous vous fournirons gratuitement un billet d’avion aller et retour.” John demanda à voir Toco, qui se trouvait dans la brousse, près de Sá de Badeira, une ville placée sous la coupe des médiums. Sa requête fut acceptée.

Peu de temps après, frère Cooke avait deux longs entretiens avec Toco, en présence d’un fonctionnaire du gouvernement. Toco était un homme grand, assez jeune et intelligent. Il était heureux de rencontrer un représentant de la Société Watch Tower. Frère Cooke et lui discutèrent de questions bibliques et de la formation du groupe. Toco écrivit aussi une lettre à ses disciples en Angola, leur disant que M. Cooke représentait la Société Watch Tower qui lui avait envoyé des publications. Durant son séjour, frère Cooke était l’hôte du gouverneur. Après avoir fait quelques excursions intéressantes, il rentra à Luanda, avec l’espoir que ce groupe de 1 000 personnes se montrerait plus réceptif à la vérité.

À Luanda, les membres du comité de Toco ne voulaient rien entendre ; ils tenaient les rênes et ils étaient bien décidés à les garder. C’était tout au moins l’attitude de David Dongala, le chef local ; en réalité, de nombreux autres hommes manifestaient de l’intérêt. Mais le séjour de frère Cooke à Luanda n’a pas été du temps perdu. Il a pu donner le témoignage à beaucoup de personnes, obtenant jusqu’à vingt-deux abonnements en un seul jour. Il a même pu commencer des études bibliques avec une ou deux familles blanches et des membres du groupe de Toco.

Après un vol sans incident jusqu’à Cela, une nouvelle colonie agricole, la situation avait dramatiquement changé. Santana Godinho avait perdu son poste au gouvernement. Il avait vraiment aidé frère Cooke dans sa tâche difficile, et il était très favorablement disposé à notre égard. Désormais, il n’y aurait plus de billet d’avion gratuit et frère Cooke se vit refuser la prolongation du visa de cinq mois qui lui avait été accordé. Il quitta l’Angola en juin 1955, reconnaissant envers Jéhovah qui l’avait soutenu et lui avait donné le privilège d’établir des contacts importants et de répandre de nombreuses graines de vérité dans un territoire “vierge”.

L’œuvre du Royaume avait commencé, et grâce à la faveur imméritée de Jéhovah et à la fidélité des nouveaux frères, les graines semées produiraient du fruit.

LES FRÈRES SE MONTRENT COURAGEUX

En juin 1956, Mancoca et sept autres frères de Baía dos Tigres ont pris une initiative courageuse. Ils ont adressé une lettre au gouverneur du district de Moçâmedes, où se situe Baía dos Tigres. Cette lettre disait entre autres ceci : “Avec le plus grand respect, nous sollicitons de votre Excellence le privilège d’être reconnus membres de la Société des Témoins de Jéhovah.” Les frères ont demandé une plus grande liberté de culte, mais tout ce qu’ils ont obtenu, c’est une plus grande opposition. Malgré cela, il y a eu dix baptêmes en 1956.

Entre-temps, dans l’île de Sao Tome, plusieurs frères étaient arrivés au terme de leur peine de sept ans de détention. Parmi ceux qui ont été libérés et envoyés au Mozambique, il y avait l’ancien surveillant-président.

LA LUMIÈRE NE FAIBLIT PAS

La lumière de la vérité brillait en Angola et ce ne sont pas les difficultés qui l’affaibliraient. Qui plus est, le champ européen allait bénéficier de cette lumière.

Le 26 octobre 1956, Mervyn Passlow et sa femme Aurore ont débarqué à Luanda pour poursuivre la tâche commencée par John Cooke. Celui-ci avait envoyé aux Passlow les noms des abonnés et des personnes bien disposées de Luanda. L’ennui, c’est que tous les abonnements étaient déposés dans des boîtes postales, aucun courrier n’étant distribué à domicile. Par conséquent, les Passlow n’ont pu entrer immédiatement en relations avec ces personnes. Mais un jour, ils ont reçu une lettre de frère Britten, le surveillant de la filiale de Lisbonne, qui les informait qu’une femme très intéressée par la vérité rentrait à Luanda. Elle s’appelait Berta Teixeira. À peine était-​elle arrivée que les Passlow lui rendaient visite. Jugez de sa surprise. Sans perdre de temps, une étude biblique a été commencée avec cette personne et les membres de sa famille. Grâce à l’un de ses parents qui travaillait au bureau de poste, elle a pu fournir aux Passlow l’adresse des abonnés. Bon nombre d’entre eux sont devenus des étudiants de la Bible très zélés. En l’espace de quelques semaines, ils communiquaient déjà leur espérance à leurs voisins et amis. Tous les soirs et les après-midi, les Passlow visitaient ces gens ; en six mois, plus de cinquante personnes étudiaient la Bible.

Peu de temps après leur arrivée, les Passlow ont reçu des lettres de frères africains et de personnes bien disposées disséminés un peu partout en Angola. Bien qu’il fût toujours détenu à Baía dos Tigres, frère Mancoca écrivit des lettres d’encouragement aux Passlow. Les frères africains locaux qui avaient besoin d’être aidés spirituellement leur rendaient visite. Étant étranger, frère Passlow se montrait prudent en ne fréquentant pas leurs réunions. En revanche, les frères africains recevaient de l’aide de la part d’Antonio Bizi qui était très actif du temps de frère Cooke ; il les visitait régulièrement pour étudier la Bible avec eux et leur donner une formation dans le ministère. Les Africains recevaient également beaucoup de publications qu’ils faisaient pénétrer dans les régions plus isolées.

Quelques mois après leur arrivée, les Passlow ont commencé à tenir régulièrement l’étude de La Tour de Garde dans leur chambre. À la fin du premier mois, celle-ci était devenue trop petite. Alors, sœur Teixeira, qui dirigeait une école de langues, offrit l’une de ses classes comme lieu de réunions. Celles-ci ne commençaient pas avant 21 heures, heure à laquelle prenaient fin les cours de langues. Nos réunions attiraient ainsi beaucoup moins l’attention.

Des lettres affluaient de toutes les parties de l’Angola. Elles émanaient d’Africains qui se disaient tous frères. Mais à cette époque-​là, la guerre faisait rage et il était impossible d’entrer en contact avec toutes ces personnes.

Quelque temps plus tard, une étude biblique a été commencée avec Senhor Vieira Gonçalves et sa femme. Cet homme avait passé six années dans un séminaire, mais la conduite des jeunes séminaristes l’avait à ce point choqué qu’il avait renoncé à la prêtrise. Ses progrès dans l’étude de la Bible furent rapides et il ne tarda pas à fréquenter les réunions et à parler de la vérité à ses amis. Au bout de deux mois, il conduisait déjà une étude avec une autre famille.

Frère Passlow était à Luanda depuis huit mois lorsqu’il décida d’organiser des baptêmes, plusieurs personnes ayant manifesté leur intention de se vouer à Jéhovah. Quelle joie ce fut pour lui d’apprendre qu’un frère du Portugal, Henrique Vieira, en route pour l’Afrique du Sud, devait s’arrêter à Luanda précisément le jour prévu pour la cérémonie des baptêmes ! Frère Vieira a donc prononcé un discours puis il a procédé au baptême des candidats dans la baie de Luanda. Il a également réjoui les frères en leur rapportant des faits de prédication.

Peu de temps après, frère Passlow s’est vu refuser la prolongation de son visa. Il a immédiatement demandé à frère Gonçalves de s’occuper des intérêts spirituels du petit groupe de Luanda. Quoique tout nouveau dans la vérité, celui-ci a pris la relève, et pendant neuf ans il s’est fidèlement acquitté de sa tâche, jusqu’au jour où il a été arrêté, emprisonné et finalement renvoyé au Portugal.

Frère Passlow avait fait ce qu’il fallait au bon moment. En effet, quelques jours plus tard, une voiture de la Sûreté s’arrêtait près des Passlow, qui se rendaient à leurs occupations habituelles. Six agents de police ont bondi hors du véhicule et se sont emparés d’eux, comme s’il s’était agi de criminels de la pire espèce. Les policiers les ont conduits jusqu’à leur logement, où ils ont entrepris une fouille minutieuse et confisqué un grand nombre de leurs affaires, y compris les ustensiles de cuisine d’Aurore, sous prétexte qu’ils renfermaient certainement des messages codés. Comme les agents emportaient leur stock de Bibles, frère Passlow leur dit : “J’espère que vous les lirez !” Et l’agent de répondre : “Est-​ce qu’ils parlent de football ?” Sur quoi tous s’esclaffèrent. Les agents savaient pertinemment bien qu’ils n’étaient que des pions sur l’échiquier de l’évêque de Luanda. Les Passlow ont appris plus tard qu’une personne bien disposée avait parlé à l’évêque des bonnes choses qu’elle apprenait en compagnie des témoins.

Une démarche faite auprès du consul britannique, un catholique fervent, n’a donné aucun résultat. Le commissaire de police a ensuite convoqué les Passlow à son bureau. Ils devaient quitter le pays dans la même semaine. Les remarques du commissaire indiquaient nettement qu’il associait les Passlow au célèbre “mouvement de la Tour de Garde” d’Afrique centrale. C’était peine perdue que de raisonner avec cet homme.

Le 27 juin 1957, les Passlow ont embarqué pour l’Afrique du Sud. En raison de l’attitude de la police, ils avaient demandé aux frères, surtout aux Africains, de ne pas venir les saluer. Mais les liens d’amour étaient trop puissants. Agents ou pas agents, les frères, y compris de nombreux Africains, étaient là pour leur dire “Adeu” (“Au revoir”) ! Juste avant qu’ils ne montent sur la passerelle, un frère africain revenu depuis peu de Baía dos Tigres s’est approché de frère Passlow et lui a glissé une enveloppe dans la main avant de disparaître dans la foule. L’enveloppe contenait un don en argent accompagné de ce message : “Pour acheter du pain.” Tandis que le bateau s’éloignait lentement, les Passlow ressentaient une gratitude infinie envers Jéhovah Dieu qui leur avait donné la joie indescriptible d’aider leurs semblables à le connaître.

Par la suite, les Passlow ont appris que le lendemain de leur départ la radio avait annoncé qu’une grande menace venait d’être écartée du pays en la personne d’un couple, qui avait cherché à implanter le communisme et le mouvement “Mau-Mau”, “mais grâce à Dieu, ce danger est maintenant conjuré !” Des mois plus tard, quand les actes de terrorisme ont vraiment plongé le pays dans le sang, la presse a prétendu à tort que les missionnaires de la Watchtower avaient incité les Africains au terrorisme. On a même publié des photos montrant de prétendus missionnaires en train de remettre des dollars à des Africains pour les monter contre les autorités de race blanche.

Il est vrai que les missionnaires de la chrétienté et les chefs religieux ont encouragé les actes de terrorisme en Angola, mais les témoins de Jéhovah ont toujours observé une stricte neutralité. Grâce à la faveur imméritée de Jéhovah, des missionnaires de la Watchtower avaient pu entrer dans le pays et, en dépit des problèmes et de l’opposition, ils avaient établi une petite organisation composée de 54 frères, déterminés à demeurer fermes et à faire briller la lumière de la vérité en Angola.

Après le départ de frère Passlow et de sa femme, les frères ont fidèlement poursuivi leurs activités dans le calme. Il leur manquait un frère mûr pour les instruire, mais ils organisaient néanmoins les réunions et prêchaient au mieux de leurs possibilités, compte tenu des difficultés.

Dans le courant de l’année 1958, Harry Arnott, surveillant de zone, fit un bref séjour en Angola ; cela fut une source d’encouragement pour les frères africains et européens. En 1959, il est revenu à Luanda, toujours en qualité de surveillant de zone. À peine avait-​il mis pied à terre pour saluer un petit groupe de frères, que des agents de police surgirent et les arrêtèrent tous. On sépara frère Arnott des autres afin de l’interroger, et sa serviette fut minutieusement fouillée. Pendant ce temps, il priait Jéhovah pour que la liste des abonnés à La Tour de Garde de Luanda ne tombe pas entre les mains de la police. Ce précieux document était dans son portefeuille avec son billet d’avion. Le chef d’Interpol vérifia son billet, mais il ne vit pas la liste en question. Après avoir bombardé frère Arnott de questions, il lui dit : “Retenez bien ceci, M. Arnott : en Angola, vous êtes brûlé, brûlé, brûlé, et la Watchtower est finie, finie, finie !”

On le conduisit ensuite dans une pièce où les autres frères étaient réunis ; frère Mancoca était du nombre. L’inspecteur de l’Interpol se tourna vers lui et, cherchant à l’impressionner, il lui dit : “Savez-​vous ce qu’on va faire de vous ?” Regardant son persécuteur droit dans les yeux, frère Mancoca lui répondit : “J’ai déjà supporté beaucoup ; aussi, la seule chose que vous puissiez encore me faire, c’est de me tuer ; mais je ne renoncerai pas à ma foi.” Puis il se tourna vers frère Arnott et lui adressa un sourire encourageant. Frère Arnott rapporte : “Oubliant qu’il était lui-​même en mauvaise posture, il ne pensait qu’à me rassurer au cas où cette situation m’aurait ébranlé. Comme il était édifiant de voir ce frère africain demeurer ferme et courageux après avoir passé des années en prison !”

Frère Arnott fut reconduit à l’aéroport et dut quitter immédiatement le pays. Entre-temps, la police avait découvert que la congrégation se réunissait chez sœur Teixeira. Les agents se rendirent donc sur-le-champ à son école pour y perquisitionner. Ils sont allés partout, ouvrant toutes les portes, sauf celle du rez-de-chaussée derrière laquelle se tenaient une cinquantaine de frères et de personnes bien disposées qui attendaient patiemment le discours de frère Arnott.

Cette fois-​là aucun des témoins venus accueillir frère Arnott, y compris frère Mancoca, n’a été poursuivi en justice. Certes, frère Mancoca a été interrogé pendant sept heures et l’inspecteur a fait rédiger un mandat d’arrêt contre lui, mandat qu’il a finalement déchiré en disant : “Partez, Mancoca ; mais faites bien attention à vous. Demain vous m’apporterez toutes les publications de la Watch Tower qui sont en votre possession. (...) Abandonnez la Watch Tower et occupez-​vous de vous-​même et de vos enfants.”

À la suite de cet incident, il a fallu changer le lieu des réunions ; mais la petite congrégation et les frères africains ont commencé à s’organiser eux-​mêmes. Malheureusement ils étaient encore peu nombreux. En 1960, le maximum des proclamateurs n’était que de 17. C’est d’ailleurs cette année-​là que l’Angola a été placé sous la responsabilité de la filiale du Portugal, à Lisbonne.

En 1961, des actes de terrorisme ont éclaté en Angola et une vague de persécutions intenses a déferlé sur les témoins. Les neuf années qui ont suivi, frère Mancoca les a passées dans différents camps de travail et maisons de détention. Il a enduré toutes sortes de tribulations, mais il a toujours affronté la persécution avec calme, détermination et une entière confiance en Jéhovah. Partout il a donné le témoignage, aidant de nombreux Africains à connaître la vérité.

En 1971, un grand nombre de frères ont de nouveau été arrêtés et jetés en prison à Luanda ; notre dévoué frère Mancoca était une fois de plus parmi eux. Mais les efforts de nos ennemis sont dérisoires comparés aux desseins immuables et à la puissance illimitée de Jéhovah. Rien, non, rien ne peut arrêter la prédication de la bonne nouvelle du Royaume sur la terre habitée tout entière, y compris l’Angola.

PRÊT POUR L’EXPANSION

Au début de 1960, le Béthel d’Elandsfontein était prêt en vue de l’expansion. Jéhovah avait prévu les besoins qu’entraînerait l’accroissement qui se produirait dans les dix années à venir, et il allait les satisfaire. L’imprimerie disposait maintenant de cinq linotypes au lieu de trois, et, en 1961, on en a installé une sixième. Une presse plate Heidelberg et une presse rotative Timson sont venues s’ajouter à la presse horizontale G.M.A. que nous possédions déjà.

En 1960, l’imprimerie d’Elandsfontein a commencé à imprimer en couleur et deux fois par mois un certain nombre de périodiques en langues indigènes (avant cela ils paraissaient une fois par mois seulement et en noir et blanc). Le périodique La Tour de Garde en tswana a également commencé à paraître une fois par mois. En mai 1965, les presses ont imprimé une édition spéciale en cibemba pour le Congo (Kinshasa). Le titre complet de l’édition normale en cibemba est Ulupungu lwa kwa Kalinda. Toutefois, à cause des préjugés des Congolais contre le nom Tour de Garde, cette édition portait simplement le titre Kalinda (qui signifie “guettant” ou “guetter”). En 1966, La Tour de Garde en sepedi est sortie pour la première fois des presses. Ainsi, en 1970, l’imprimerie produisait 24 numéros de La Tour de Garde et de Réveillez-vous ! en 10 langues, et 15 éditions de Notre ministère du Royaume. Ajoutons à cela les brochures en langues indigènes et une “montagne” de formules, de programmes, de tracts, etc.

En 1960 a été levée l’interdiction qui frappait les écrits de la Société dans les trois protectorats, à savoir le Basutoland, le Bechuanaland et le Swaziland. La nourriture spirituelle a donc pu y être envoyée librement. Mais quelle était l’activité des frères dans ces pays ?

BÉNÉDICTIONS ET DIFFICULTÉS AU BASUTOLAND

Les frères du Basutoland (aujourd’hui le Lesotho) appréciaient beaucoup le périodique bi-mensuel Molula-Qhooa (La Tour de Garde en lesotho). Cela se voyait dans le nombre des assistants à l’étude de ce périodique. En 1960, 135 proclamateurs et 15 pionniers veillaient sur les intérêts spirituels des 634 000 habitants du pays ; ils allaient courageusement de l’avant en dépit de nombreuses difficultés.

Mais un vent de nationalisme s’était mis à souffler sur ce petit protectorat britannique, suscitant une soif d’indépendance que le pays a d’ailleurs assouvie en obtenant son autonomie politique complète en 1960. Les services administratifs ont alors été “africanisés”, les Africains prenant la place des Européens. Beaucoup pensaient que “l’autonomie” et “l’indépendance” étaient des mots magiques qui allaient ouvrir la voie à la liberté et à la prospérité. Mais les témoins de Jéhovah continuaient de présenter le Royaume de Dieu comme la seule espérance pour l’humanité.

La plupart des Basoutos habitent des villages dispersés (appelés “kraals”) dans les montagnes ; certains sont si haut perchés qu’on ne les atteint qu’à pied ou à dos de poney. Le surveillant de circonscription mettait parfois cinq ou six jours pour gagner des noyaux d’isolés.

Les pionniers ont accompli un travail de prédication remarquable dans les endroits reculés du Basutoland, tel ce couple de pionniers spéciaux envoyés près de Mokhotlong, dans le massif de Drakensberg, à plus de 3 000 mètres d’altitude. Le mari, Philémon Mafereka, devait gravir plusieurs montagnes simplement pour conduire une étude biblique. Il se mettait en route à 4 heures du matin ; tout en marchant d’un bon pas, il n’arrivait à destination qu’à 8 h 30. Il rentrait généralement chez lui le soir même, et le lendemain il partait dans une autre direction. Les efforts de ce couple ont été abondamment bénis ; en deux ans, dix proclamateurs du Royaume se sont joints à eux pour les aider dans leur tâche.

Au Basutoland, les proclamateurs doivent parfois marcher pendant deux ou trois heures pour se rendre dans leur territoire ; une fois arrivés, ils passent jusqu’à six heures d’affilée dans le service du champ. Il ne serait en effet pas raisonnable de rentrer chez soi au milieu de la journée uniquement pour prendre un repas ; ces frères ne regagnent donc leur domicile qu’en début de soirée pour faire un peu de cuisine et se restaurer. Comme les villages sont très éloignés les uns des autres, il arrive qu’un proclamateur ne visite que six familles en six heures de service, mais ces personnes isolées ont elles aussi besoin de connaître la Parole de Dieu.

Les frères de ces régions reconnaissent l’importance des assemblées ; ils font de très gros efforts pour y assister, aussi sont-​ils des exemples pour nous. Pour se rassembler avec le peuple de Jéhovah, un pionnier spécial a marché pendant quatre jours, escaladant des montagnes et traversant des rivières à la nage. Une sœur a voyagé seule à cheval pendant trois jours et pendant un jour en autocar. Une autre sœur, enceinte de six mois, a parcouru quarante kilomètres à pied sur des chemins de montagne et dans la neige pour se rendre à une assemblée de circonscription. Un frère récemment voué a même fait plus de 130 kilomètres à travers la montagne en compagnie du pionnier spécial qui l’avait enseigné, pour assister à une assemblée et prendre le baptême.

Des nouveaux ont dû régulariser leur situation conjugale afin de pouvoir participer à l’œuvre de prédication et de se qualifier pour le baptême. En une certaine occasion, un surveillant de district européen a emmené en voiture sur des routes de montagne un homme et sa “femme”, qui avaient déjà trois enfants, chez le commissaire du district le plus proche, afin de faire enregistrer leur mariage. Ils ont ainsi pu prendre le baptême la semaine suivante à l’assemblée de circonscription.

LES FRÈRES MAINTIENNENT LEUR NEUTRALITÉ CHRÉTIENNE

En 1966, le Basutoland est devenu un État indépendant connu sous le nom de Lesotho. À cette époque-​là, il y avait 266 proclamateurs du Royaume qui, en raison de leur neutralité absolue, s’étaient attiré le respect de la plupart des membres du gouvernement. Pourtant, lors d’une assemblée de district tenue à Maseru, la capitale, un officier de police, accompagné de nombreux agents (trois voitures pleines), a fait irruption dans la salle, ordonnant que la réunion soit interrompue. C’est seulement le lendemain matin que les frères responsables ont pu voir le chef de la police. Comme il connaissait bien les témoins, il a refusé d’accepter la fausse accusation portée contre l’un des orateurs, qui aurait dit de détruire le gouvernement du Lesotho. L’officier qui avait interrompu la réunion a ensuite reçu l’ordre de poster des agents autour de la salle pour protéger les témoins. Comme vous vous en doutez, ils n’ont rien eu à faire et les témoins en ont profité pour leur donner un témoignage complet.

La stricte neutralité chrétienne des frères du Lesotho s’est avérée une protection pour eux pendant la période de crise gouvernementale et de troubles graves. À un certain moment, tous ceux qui ne soutenaient pas le gouvernement de Headman Jonathan furent purement et simplement éliminés. La nuit, les huttes des membres de l’opposition étaient cernées et incendiées, des familles entières ont ainsi péri dans les flammes. Aucun témoin de Jéhovah n’a été traité de la sorte.

Mais la position neutre des vrais chrétiens leur a quand même valu des tribulations. En 1970, le Lesotho a connu la disette en raison des années de sécheresse. Quand la pluie s’est de nouveau mise à tomber en abondance, il a été décidé que seuls les partisans du gouvernement recevraient des graines de maïs. Comme ils étaient neutres, les témoins n’ont rien reçu. Ayant appris la nouvelle, les frères de la République sud-africaine ont organisé une collecte pour aider leurs compagnons du Lesotho. Cela a été annoncé lors d’une réunion préliminaire aux assemblées nationales de Johannesburg, et il a été suggéré que toutes les contributions qui seraient relevées dans les boîtes aux assemblées (une somme totale de 1 714 rands, monnaie de la République sud-africaine) soient versées au fonds de secours pour les frères du Lesotho. Les témoins se sont montrés si généreux que le bureau de la filiale a dû envoyer aux congrégations une circulaire qui disait : “C’est assez.” En l’espace d’une semaine, un frère européen de l’État libre d’Orange a pu se procurer la quantité de graines de maïs nécessaire et l’apporter à nos compagnons du Lesotho. Tous ceux qui étaient dans le besoin ont également reçu de l’argent pour acheter des vivres en attendant qu’ils puissent se suffire à eux-​mêmes. Tous ces dons ont mieux que jamais fait comprendre aux témoins du Lesotho à quel point leurs frères européens et africains du sud s’intéressent à eux, et cela a renforcé les liens qui les unissaient.

Une sœur qui a reçu de l’aide a dit plus tard : “Nous n’avions absolument plus rien dans la maison, pas même dix cents (50 centimes) pour acheter un peu de maïs. C’est alors que nous avons reçu de l’argent de la part de nos frères blancs d’Afrique du Sud. Je ne pouvais prononcer une parole tant j’étais émue. Je ne faisais que pleurer. Les autres témoins et moi-​même avons ainsi pu parer au plus pressé, et grâce à l’aide de Jéhovah nous pouvons assister à cette assemblée où nous est servi un festin spirituel.”

DES JALONS IMPORTANTS SONT POSÉS

Tandis que l’organisation de Jéhovah pourvoyait aux besoins matériels des frères du Lesotho, Jéhovah préparait un excellent repas spirituel pour les hommes affamés de vérité. Nous voulons parler du livre La vérité qui conduit à la vie éternelle en sesotho, qui est paru vers le milieu de l’année 1970. Grâce à ce précieux manuel et au programme d’étude en six mois, l’accroissement se ferait sans aucun doute. Un jalon venait d’être posé en rapport avec l’activité chrétienne.

En 1972, un autre jalon a été planté, à savoir la construction de la première Salle du Royaume au Lesotho. Une telle salle était devenue indispensable à Maseru, la capitale, car l’assistance à l’étude de La Tour de Garde s’élevait en moyenne à 170 personnes et souvent à plus de 200. Pour la construction de la Salle du Royaume, nous avons été autorisés à extraire des pierres des montagnes avoisinantes ; des frères spécialisés ont ensuite taillé ces pierres qui ont servi à monter les murs.

Tout le monde a participé à la construction. Les sœurs préparaient non seulement les repas, mais elles transportaient aussi l’eau. En costume traditionnel, elles portaient sur la tête des jarres sur une distance de plus de 3 kilomètres. Les enfants faisaient rouler les tonneaux remplis d’eau jusqu’au chantier, et certains frères âgés ont parfois parcouru une trentaine de kilomètres à pied afin de participer au travail de construction. Pour damer la terre avant de couler la dalle en béton, les sœurs dansaient en chantant des cantiques du Royaume. Aujourd’hui, les frères sont heureux de se réunir dans une salle qui peut contenir environ 250 places assises. C’est une construction solide qui n’a coûté que 4 000 francs français !

Comme dans les autres pays africains en voie de développement, le nationalisme est parfois une cause d’ennuis pour les écoliers et les frères en général. Récemment par exemple, des actes de violence ont éclaté juste au moment où se terminait notre assemblée de district. Un nouveau frère, qui avait appartenu au parti politique responsable des soulèvements, a eu la surprise d’être accueilli devant chez lui par des soldats et par le juge de la localité, qui lui demanda de justifier son emploi du temps. Il expliqua au juge qu’il avait assisté à l’assemblée tenue par les témoins de Jéhovah. Mais cette réponse ne le satisfaisait pas ; il exigeait une preuve. Le frère a alors présenté le programme de l’assemblée. Après l’avoir lu entièrement, le juge a déclaré le frère innocent et l’a encouragé à poursuivre son activité de prédication. Les villageois n’en revenaient pas ; ils disaient : “Le Dieu que tu pries est le Dieu vivant !” Ce frère était bien content d’avoir assisté à l’assemblée.

Le dernier maximum atteint dans le nombre des proclamateurs au Lesotho est de 688 ; l’œuvre continue de progresser sous la bénédiction de Jéhovah. La proportion étant de un proclamateur pour 1 477 habitants, il est évident qu’un grand travail reste à faire. Nous prions Jéhovah de hâter les choses à sa manière et en son temps.

L’INTERDICTION EST LEVÉE AU BECHUANALAND

Au Bechuanaland, la nouvelle selon laquelle l’interdiction frappant notre œuvre avait été levée en 1960 a mis du temps à se répandre dans toutes les parties de ce vaste pays. Certains chefs ont continué de créer des difficultés aux frères. L’un des surveillants de district européens d’Afrique du Sud, Dennis McDonald, a eu une entrevue avec le frère du grand chef Seretsi Khama, afin d’expliquer le but de notre œuvre. À la fin de cet entretien, l’homme a remis à frère McDonald quatre copies d’une lettre précisant que notre œuvre ne doit pas être entravée. Ces documents écrits ont beaucoup contribué au changement d’attitude des chefs et facilité la tâche des frères.

Au début des années 1960, la majorité des congrégations et des noyaux d’isolés se trouvaient le long de la ligne de chemin de fer. À l’exception de Shakawe et de Maun, situées au nord-ouest, très peu de villes de l’intérieur avaient été visitées. Un pionnier spécial, frère B. Mchiswe, déploya son activité à Maun. Il resta fidèlement attaché à son territoire bien que pendant une année il n’eût rien d’autre à manger que de la bouillie d’avoine sans sucre ni miel. Ce frère fit un bon usage de La Tour de Garde en tswana et ouvrit une route de diffusion. Un prédicateur de la Mission de Londres, qui appréciait nos périodiques, fit cette exhortation en chaire : “Si l’homme de la Tour de Garde vous présente ce périodique (il le montrait), prenez-​le et lisez-​le !” À la suite de cela, certaines personnes sont allées chez le pionnier pour se procurer La Tour de Garde et le frère a commencé d’étudier avec elles.

Dans le noyau d’isolés de Shakawe, au nord-ouest de Maun et dans le désert de Kalahari, aucune personne bien disposée n’avait pris le baptême faute de pouvoir assister à une assemblée ; de plus, la reine de la localité et les femmes, chefs de tribus, interdisaient au surveillant de circonscription de visiter les membres du groupe. Tous se sont donc cotisés pour que l’un d’eux assiste à l’assemblée de Mahalapye, à plus de 110 kilomètres de Shakawe, où il a été baptisé.

LE SERVICE DE LA CIRCONSCRIPTION

Avez-​vous une idée de ce que représente pour un surveillant de circonscription la visite des noyaux d’isolés ? Cela signifie parcourir d’une seule traite, dans la chaleur du jour et le froid de la nuit, des distances d’au moins 950 kilomètres, et cela à l’arrière d’un camion à quatre roues motrices capable de se frayer un chemin dans le sable. Adam Mahlangu, qui fut surveillant de circonscription dans cette région en 1964, a parfois dû passer dix jours dans un mois à l’arrière d’un tel véhicule, pour visiter des frères isolés.

Le mode de vie est dur et primitif dans ces régions ; frère Mahlangu en parle en ces termes : “Quand je prononce un discours à Shakawe, on me prend généralement pour une sorte de chef parce que je porte des vêtements.” Les gens sont pratiquement nus. Frère Mahlangu avait beaucoup de mal à organiser convenablement une réunion publique ; rassembler un auditoire pour le discours et le faire tenir tranquille n’était pas une mince affaire ! Les assistants n’étaient pas habitués à s’asseoir pour écouter un orateur. Aussi profitaient-​ils d’être rassemblés pour discuter avec leurs voisins de certains points soulevés dans le discours. Grâce aux visites du surveillant de circonscription, deux personnes bien disposées ont pris le baptême et au total six participent au service.

Au cours des années 1965-​1966, il y a eu une grande sécheresse dans le pays. L’eau était si rare qu’il fut impossible de faire les baptêmes lors d’une assemblée. En une autre occasion, les frères de Francistown ont dû surmonter le même problème. Selon ce que rapporte Piet Wentzel, surveillant de district à l’époque, le premier point d’eau étant à sec, il a emmené en voiture les deux candidats au baptême à 30 kilomètres de là, mais la rivière s’était également asséchée. Quelque huit kilomètres plus loin, ils ont trouvé un amas d’eau boueuse dans lequel les troupeaux pataugeaient ; mais cela n’a pas découragé les deux jeunes hommes. Il y avait de l’eau, ils pouvaient donc être baptisés et symboliser ainsi leur désir de faire la volonté de Jéhovah.

L’ŒUVRE DE TÉMOIGNAGE PROGRESSE AU BOTSWANA

Après avoir acquis son indépendance, le Bechuanaland a pris le nom de Botswana. Ce changement sur le plan politique n’a pas eu beaucoup d’incidence sur les conditions de vie de la population ; en revanche, il a eu un effet sur l’œuvre de prédication. Le nouveau gouvernement s’est montré très strict à l’égard des Africains qui n’étaient pas citoyens du Botswana, et un certain nombre de pionniers d’Afrique du Sud ont été expulsés.

Comment se fait la prédication au Botswana ? Tout d’abord, la coutume veut que le visiteur et son hôte s’adressent quelques paroles de politesse et s’enquièrent de leur santé. On apporte ensuite des bancs et les membres de la famille ainsi que les amis en visite sont invités à prendre place et à suivre la discussion ; l’auditoire s’élève parfois à une vingtaine de personnes. Dans la plupart des foyers il y a un exemplaire de la Bible ; les habitants acceptent volontiers de s’en servir au cours de l’entretien.

Au Botswana, les parents d’un garçon ont coutume de donner une somme de 4 livres, une couverture et un vêtement pour la fille qu’ils demandent en mariage pour leur fils. Cet accord est conclu lorsque la future épouse est âgée de dix ans, et elle n’est pas consultée. À partir de ce moment-​là et jusqu’au mariage, les parents du garçon prennent à leur charge l’entretien de la fille. Ainsi, à l’âge de quinze ans, une jeune fille est venue à la connaissance de la vérité. Elle a aussitôt dit à ses parents qu’elle ne souhaitait pas former un attelage mal assorti avec un incroyant. Ses parents tentèrent de la forcer à accepter cette union en raison de l’argent déjà versé par les futurs beaux-parents. Après une discussion sur la base des Écritures, elle a finalement réussi à les convaincre que ce mariage était incompatible avec sa foi. Les parents lui ont alors permis de choisir sa voie.

Comme il est difficile de trouver un local qui convienne pour une assemblée et que les frères doivent consacrer beaucoup de temps à la construction de bâtiments temporaires, la Société les a encouragés à bâtir leur propre Salle du Royaume à Mahalapye. C’est ce qu’ils ont fait. Les frères ont fabriqué et cuit eux-​mêmes les briques nécessaires à la construction ; celle-ci a duré quelques années, mais en 1967 la Salle du Royaume a été utilisée pour une assemblée.

Vous êtes-​vous jamais demandé si des Boschimans du Botswana ou l’un quelconque des chasseurs à l’arc dont le langage à clappements commence seulement à être représenté par des signes écrits appartiendraient un jour à la société du monde nouveau ? Eh bien, la vérité a touché un indigène alors qu’il vivait en concubinage avec une femme de cette race. Tous deux ont accepté l’étude de la Bible, et ils n’ont pas tardé à comprendre qu’ils devaient se marier légalement. Cet homme allait-​il épouser une femme d’entre les Boschimans ? Certainement, et sa femme et lui se sont fait baptiser à l’occasion d’une assemblée de circonscription. En une année, ils ont appris à lire, à écrire et à donner convenablement le témoignage aux habitants de leur localité, faisant de certains d’entre eux des disciples.

En 1972, des frères européens expérimentés, venant d’Afrique du Sud, se sont installés au Botswana avec leur famille, afin d’aider les témoins locaux. Bien sûr, ils ont dû faire des sacrifices et certains ont même renoncé au service de pionnier pour entreprendre un travail qui leur permettrait de résider dans le pays. Mais avec quelques frères venus de Grande-Bretagne, ils ont beaucoup contribué à l’édification des témoins du Botswana. Quelques-uns se sont même déplacés dans les régions les plus reculées du pays. Les frères apprécient énormément leur aide et l’œuvre va de l’avant.

L’ASSOCIATION EST DISSOUTE, PUIS RÉTABLIE

Soudain, une nouvelle a éclaté comme une bombe. Le 20 juillet 1973 notre organisation a été déclarée illégale, le gouvernement ayant refusé d’enregistrer notre association en vertu d’une loi récente. L’appartenance à une organisation “illégale” entraînait automatiquement une peine pouvant aller jusqu’à sept années de réclusion.

Mais les frères étaient déterminés à poursuivre leur activité en dépit des circonstances difficiles. Quand les membres du bureau de la filiale avaient pressenti cette interdiction, ils s’étaient réunis avec les différents responsables de l’œuvre en vue de leur donner des conseils et des encouragements. Juste avant que l’interdiction n’entre en vigueur, deux assemblées de circonscription avaient eu lieu grâce à la faveur imméritée de Jéhovah, si bien que les frères avaient reçu les directives et les encouragements nécessaires pour faire face à cette éventualité.

Une fois l’interdiction prononcée, les frères ont immédiatement fait appel, sur la base de la constitution établie au Botswana. Quelle ne fut pas leur joie lorsque le 20 février 1974 le gouvernement est revenu sur sa décision et a enregistré légalement notre association ! Ainsi, les frères ont retrouvé non seulement les privilèges dont ils jouissaient avant l’interdiction, mais encore ils se voyaient accorder les droits conférés aux organisations reconnues, y compris le droit de faire venir de l’étranger des prédicateurs à plein temps.

En mars 1975, le Botswana a enregistré un nouveau maximum de 284 proclamateurs, ce qui représentait une proportion de un proclamateur pour 2 220 habitants. Certes, un grand travail reste à faire, mais par la faveur imméritée de Jéhovah nous sommes convaincus qu’il se fera.

L’ACTIVITÉ CHRÉTIENNE PROGRESSE AU SWAZILAND

En 1960, l’œuvre du Royaume prospérait au Swaziland où il y avait 380 proclamateurs. Déjà, la proportion proclamateurs-​habitants était la plus élevée de tous les pays placés sous la direction du bureau d’Elandsfontein. L’interdiction frappant les publications de la Société avait été levée, et les frères étaient prêts à aider les personnes bien disposées qui ne manqueraient pas de se manifester.

Jusqu’aux années 1960, peu d’Européens étaient venus à la vérité. À cette époque-​là quelques proclamateurs européens s’étaient installés à Bremersdorp (aujourd’hui Manzini). Ian Cameron, un Écossais, était de ceux-là ; il avait servi au Béthel d’Elandsfontein jusqu’à son mariage avec une sœur sud-africaine. Comme on lui avait octroyé un permis de séjour permanent dans l’Union Sud-africaine, il avait décidé de s’installer au Swaziland afin d’y répandre le message du Royaume parmi la population européenne. Le petit groupe de proclamateurs de Manzini résolut donc de couvrir tout le territoire du Swaziland, soit 17 350 km2. Cela les obligeait souvent à parcourir plus de 160 kilomètres pour faire une nouvelle visite ou une étude biblique.

Le message fut accueilli favorablement. La Société nomma donc deux pionniers spéciaux au Swaziland, Vic Dunkin et sa femme, Aileen. Les pistes caillouteuses, les sentiers boueux, la forêt d’Usuthu, les routes sinueuses menant à Goedgegun et les chemins escarpés conduisant à Havelock, eurent raison de leur voiture. Mais frère et sœur Dunkin persévérèrent et ne tardèrent pas à récolter le fruit de leur travail. Une congrégation d’expression anglaise a été formée. La plupart de ses membres ont connu la vérité ou tout au moins fait l’offrande de leur personne à Jéhovah au Swaziland. Quoique d’expression anglaise, la congrégation est en réalité cosmopolite et ses proclamateurs viennent de toutes les parties de l’Empire britannique.

Les rues de Mbabane se caractérisent par un grouillement cosmopolite ; les Swazis en costume traditionnel côtoient des hippies et des membres de l’APC (American Peace Corps) à l’accoutrement plutôt bizarre. Dans un magasin, par exemple, il n’est pas rare de voir un commerçant portugais servir un Africain vêtu avec élégance. Lorsque les proclamateurs du Royaume vont de maison en maison, ils se munissent donc de publications en de nombreuses langues.

Un jour, un surveillant de circonscription et sa femme ont visité une cité habitée par des employés de chemin de fer portugais. Le frère et sa femme ne parlaient pas leur langue, mais dès la première maison ils se sont néanmoins efforcés de communiquer le message du Royaume aux occupants, en leur offrant des périodiques en langue portugaise. À la seconde maison, une jeune fille a servi d’interprète, expliquant à sa mère la raison de la présence des visiteurs. Après avoir écouté attentivement, la mère a accepté un livre. Au moment où le surveillant et sa femme allaient prendre congé, la jeune fille leur dit : “Je vais vous accompagner ; je vous servirai d’interprète.” Elle a donc traduit le message pour les habitants des cinq maisons suivantes. À la fin de chaque présentation elle se tournait vers les proclamateurs et disait : “Ils veulent un livre.” Grâce à l’aide de cette jeune fille, le couple a laissé six livres dans la cité.

LA QUESTION DE LA NEUTRALITÉ EST SOULEVÉE

Le Swaziland se laissa également emporter par la vague de décolonisation qui déferlait sur le monde. Devenus plus nationalistes, les habitants travaillaient en vue d’acquérir leur indépendance. Vint le moment de voter. Dans l’un des bureaux de vote, le chef déclara : “Il y a parmi nous des Schadrachs, des Méschachs et des Abednégos, qui refusent de voter. S’ils maintiennent leur refus, qu’ils se présentent un à un !” Les proclamateurs isolés de la localité ont pris courageusement position pour Jéhovah, ce qui a incité les personnes bien disposées à faire de même. Toutefois, comme le vote n’est pas obligatoire, aucune mesure n’a pu être prise contre ces chrétiens neutres.

Juste avant les cérémonies de l’indépendance en septembre 1967, le peuple de Jéhovah a fait une démonstration de l’unité qui règne entre les différents groupes ethniques. La congrégation européenne du Swaziland, qui est d’expression anglaise, fait partie de la circonscription est du Transvaal. Il a donc été décidé que tous les frères de la circonscription, Blancs et Noirs, participeraient à l’assemblée du Swaziland. La salle était trop petite, mais cela a donné aux frères l’occasion de se témoigner l’amour chrétien. À un certain moment, les Européens étaient beaucoup plus nombreux dans la salle que les Africains. On les a donc priés de faire de la place aux frères africains. Quel a été le résultat ? Le surveillant de circonscription africain a ensuite déploré que les frères européens se tenaient dehors. La conférence publique en anglais et en zoulou avait réuni un auditoire de 652 personnes.

Une fois le pays devenu indépendant, de nombreux témoins de Jéhovah ont dû démontrer leur neutralité. Ce fut par exemple le cas d’un pionnier qui avait été prié par l’un des chefs de district d’assister à une réunion politique. N’y étant pas allé, le chef l’a convoqué pour lui demander de justifier son absence. Le frère lui a donc expliqué sa position chrétienne de neutralité. Le chef l’a alors menacé d’expulsion, puis il a soumis son cas au roi Sobhuza II, à qui il devait rendre visite. Le roi lui donna l’ordre de ne pas inquiéter les témoins, car ils n’appartiennent à aucun parti politique ; ils sont neutres et vivent en paix.

L’esprit nationaliste a ressuscité de nombreuses coutumes tribales, comme la loi umcwasho selon laquelle les filles devaient porter l’umcwasho pendant une période de deux ans, qui a pris fin en août 1971. L’umcwasho est une sorte de collier qui revêt une signification symbolique. Le collier d’une jeune fille fiancée était rouge et noir, tandis que celui des autres était bleu et jaune. Pendant cette période, toutes les jeunes filles, à l’exception de celles qui étaient déjà fiancées, devaient s’abstenir de rapports sexuels. Quant à celles qui succombaient dans les bras de leur fiancé, elles devaient payer au chef local une amende de 1 rand. Cette loi avait pour but d’honorer la princesse Sidanda. C’était une forme de culte de la créature et une incitation à la fornication contre paiement ; les jeunes filles témoins de Jéhovah refusèrent donc de porter l’umcwasho. Ce n’était en fait qu’une loi tribale qui ne pouvait être imposée en invoquant la loi du pays ; néanmoins, certaines de nos jeunes sœurs ont eu de grandes difficultés parce qu’elles avaient décidé de rester fidèles à la Parole de Dieu. Par exemple, une jeune sœur dont les parents n’étaient pas dans la vérité a fait dix jours de prison pour n’avoir pas porté l’umcwasho. Mais finalement la directrice de son école a obtenu sa libération.

Les enfants des témoins de Jéhovah ont reçu une bonne éducation de la part de leurs parents, qui les ont aidés à comprendre l’importance du culte pur et immaculé du point de vue de Jéhovah (Jacq. 1:27). Beaucoup de jeunes ont participé aux hymnes et aux prières jusqu’au jour où ils ont compris que ces choses faisaient partie du faux culte. À ce moment-​là, un nombre sans cesse croissant d’entre eux s’est abstenu de prendre part aux activités religieuses. Certains ont alors subi des sévices corporels et beaucoup ont été expulsés des écoles. La plupart des frères se sont donc mis à enseigner eux-​mêmes leurs enfants et quelques-uns les ont envoyés dans d’autres écoles.

DES BÉNÉDICTIONS AU SEIN DES DIFFICULTÉS

Le livre Vérité en zoulou a vraiment été une bénédiction pour les frères du Swaziland. Beaucoup disent qu’il les a aidés à mieux comprendre la vérité. Il ne fait aucun doute que ce manuel aide les gens sincères à connaître la vérité de la Bible et le chemin qui conduit à la vie éternelle.

En 1972, les frères ont tenu leur dernière assemblée de district. Cette année-​là, la constitution a été abolie et une autorisation de la police est devenue nécessaire pour tenir de grands rassemblements. Jusqu’à présent, les autorités ont toujours opposé un refus catégorique aux frères, bien que depuis octobre 1974 les témoins de Jéhovah soient reconnus officiellement au Swaziland comme une organisation religieuse. Le problème se pose également pour les assemblées de circonscription. Les frères sont donc obligés de diviser les circonscriptions et d’organiser de petites assemblées dans les salles de réunion utilisées par les congrégations.

L’activité avec les dépliants a suscité l’enthousiasme des proclamateurs, dont le nombre a atteint un nouveau maximum de 750 en février 1974, lors de la distribution du premier dépliant. Nos frères et sœurs sont très zélés ; la moyenne d’heures par proclamateur a été de 14 durant l’année de service 1974. En fait, on a donné le témoignage à fond pratiquement partout au Swaziland.

Comme dans d’autres pays, la proclamation du Royaume a irrité le clergé de la chrétienté au point qu’il s’est efforcé de faire interdire notre œuvre. Le 2 avril 1975 des membres du clergé ont porté des accusations contre les témoins de Jéhovah devant le roi Sobhuza II, affirmant qu’ils ne pleurent pas leurs morts et se montrent irrespectueux à leur égard. Le jour où cette accusation a été portée, quelques frères seulement étaient présents ; aussi le roi a-​t-​il ordonné une autre réunion pour le 3 mai 1975, afin que cette affaire soit examinée en présence d’un plus grand nombre de personnes. La réunion a effectivement eu lieu à Lozitha, en plein air. Le roi s’était fait représenter par le ministre de l’Agriculture, qui a tenu le rôle de président. Quiconque désirait avoir la parole devait lever la main ; si le président le désignait, il montait sur l’estrade pour parler au micro.

Au début, un frère a essayé de présenter la vérité sur les sentiments éprouvés par les témoins à la mort de l’un des leurs, mais il a sans cesse été interrompu. Néanmoins, au cours de la journée, quelques frères ont pu s’adresser à l’auditoire. Les témoins, hommes et femmes, étaient de loin plus nombreux que les autres assistants. Ils ont été faussement accusés de frapper leurs morts et de jeter leurs cercueils dans la tombe en disant qu’ils ont été vaincus par le Diable. Il n’était pas facile d’obtenir le droit de réfuter de telles accusations, car le président se montrait partial dans le choix des participants. Cette réunion a commencé à 10 heures du matin et s’est achevée à 18 heures. Nos adversaires ont fini par se rendre compte qu’ils ne pourraient pas faire condamner les témoins sur la base de telles accusations ; ils ont donc soulevé d’autres questions, telles que le refus de saluer le drapeau, de chanter l’hymne national et d’accomplir le service militaire. Toutefois, comme le soleil était près de disparaître sous l’horizon, le président a déclaré que ces questions feraient l’objet d’une autre réunion.

Certains membres du Parlement et du clergé sont déterminés à entraver l’œuvre des témoins de Jéhovah au Swaziland, mais les frères s’en remettent à Jéhovah qui veillera à ce que sa volonté soit accomplie.

AMÉLIORATIONS DANS LE DOMAINE DE L’ORGANISATION EN AFRIQUE DU SUD

C’est au cours du second semestre de 1961 que l’École du ministère du Royaume a commencé de fonctionner pour les surveillants de congrégation. Les quatre instructeurs ont voyagé de ville en ville, donnant les cours dans les Salles du Royaume. Ces déplacements ont été rendus nécessaires non seulement à cause des grandes distances à parcourir, mais aussi en raison des règlements gouvernementaux qui interdisent aux Africains d’une région de se rendre dans une autre région. Tous les frères qui ont suivi ces cours ont exprimé leur reconnaissance pour cette disposition pleine d’amour prise par Jéhovah au moyen de son organisation.

En mai 1961, l’Union Sud-africaine est devenue une république. Plus que jamais l’esprit nationaliste s’est fait sentir. Au début, les pratiquants du culte pur n’en ont pas subi les effets, mais, par la suite, ceux qui avaient voué un attachement exclusif au Royaume de Jéhovah ont sévèrement été éprouvés.

À l’occasion de l’Assemblée nationale des adorateurs unis (octobre/novembre 1961) qui a réuni les trois groupes raciaux, les témoins de Jéhovah ont montré leur unité d’esprit et leur neutralité chrétienne. L’assemblée européenne commençait le jour des élections générales. Pour la circonstance, un tract sur l’assemblée, intitulé Quel gouvernement apportera l’unité ?, avait été imprimé au Béthel d’Elandsfontein et distribué à des dizaines de milliers d’exemplaires. Quel en a été le résultat ? Une assistance record au discours public ! Les trois assemblées ont réuni 22 551 personnes. Quel contraste entre les témoins des trois groupes raciaux rassemblés dans l’union et la paix, et les membres des différents partis politiques qui manifestaient bruyamment au dehors !

Par la suite, des améliorations ont été apportées dans l’organisation du travail au Béthel d’Elandsfontein. Par exemple, on a fait appel à des frères africains pour qu’ils servent en qualité de traducteurs et de sténographes. Les sténographes africains traduisaient les lettres en zoulou, en xhosa et en sesotho, tout en les tapant à la machine. Les frères des congrégations recevaient ainsi des conseils précis pour résoudre leurs problèmes. D’autres frères africains ont ensuite été appelés au Béthel pour traduire des publications dans les différents dialectes du pays. Désormais, les rôles étaient inversés. Des sœurs européennes faisaient le ménage et des frères européens travaillaient à la buanderie et à d’autres tâches de ce genre (en Afrique du Sud ces travaux sont généralement réservés aux indigènes), tandis que les frères africains étaient assis derrière un bureau.

ACTIVITÉ DES MISSIONNAIRES DANS LE SUD-OUEST AFRICAIN

Mais pendant ce temps, que se passait-​il dans le Sud-Ouest africain ? En 1950, trois missionnaires sont arrivés dans le pays. Ils ont commencé à déployer leur activité à Windhoek, puis ils ont répandu le message dans d’autres régions. En 1951, deux d’entre eux sont allés dans le nord, où ils ont eu la joie de trouver deux “brebis perdues” à Tsumeb, dans la zone des mines de cuivre. Ces deux “brebis”, qui avaient autrefois eu des contacts avec l’organisation de Jéhovah, n’ont pas tardé à participer activement à la prédication. À Grootfontein, soixante-cinq kilomètres plus au sud, les missionnaires ont rencontré frère et sœur Bogusch, qui avaient connu la vérité en Allemagne. Ils ont repris contact avec l’organisation et sont redevenus actifs dans le service du champ. À Otjiwarongo, deux autres proclamateurs ont été trouvés ; ils venaient de l’Union Sud-africaine. Un père et son fils, abonnés depuis des années à La Tour de Garde, ont également renoué avec l’organisation grâce aux missionnaires. Ils n’ont pas tardé à progresser au point de se faire baptiser.

Quelle joie ce fut pour les missionnaires lorsqu’à la fin de 1952 le nombre des proclamateurs s’élevait à 29 ! Certes, beaucoup ont déménagé, mais ces deux années de prédication ont porté du fruit, comme l’un des missionnaires le dit en ces termes : “Les graines de vérité ont été semées ici en grande quantité. Quand nous nous rendons en République [sud-africaine] à l’occasion d’assemblées nationales, nous rencontrons des témoins qui ont commencé à étudier à Windhoek.”

En 1953, les trois missionnaires actifs dans le Sud-Ouest africain ont eu la joie d’en accueillir cinq autres. Ceux-ci se sont installés à Windhoek, donnant aux trois anciens la possibilité d’aller dans le nord et dans le sud. En quelques semaines, les nouveaux missionnaires conduisaient déjà chacun entre huit et dix études, et depuis lors, l’œuvre n’a cessé de progresser.

Mais le problème suivant demeure : Comment communiquer efficacement la bonne nouvelle à la population africaine ? Georges Koett, l’un des premiers missionnaires, avait obtenu des résultats positifs dans la Réserve africaine, située dans la périphérie de Windhoek. Toutefois, cédant aux pressions exercées par le clergé, les autorités avaient fini par lui en interdire l’accès. Les démarches accomplies pour que des frères pionniers d’Afrique du Sud soient admis dans la Réserve n’ont pas abouti. En 1959, le surveillant de district a demandé à l’administrateur des affaires indigènes l’autorisation de visiter la Réserve africaine, mais celui-ci lui a opposé un refus catégorique. C’est alors que dans la même semaine l’administrateur est parti en vacances ; le surveillant en a donc profité pour renouveler sa requête auprès du secrétaire municipal, qui y a répondu favorablement. Le film “Le bonheur de la société du Monde Nouveau” a été projeté dans la Réserve africaine et a réuni une assistance de 216 personnes.

Depuis 1953, Dick Waldron avait à maintes reprises essayé d’obtenir l’autorisation de pénétrer dans la Réserve africaine, mais en vain. Et voilà qu’un beau jour, Dick et Coralie, sa femme, ont appris qu’ils allaient avoir un enfant. Allaient-​ils quitter leur territoire ? Non, ils décidèrent de rester à Windhoek. Plus tard, ils reçurent des nouvelles alarmantes au sujet de la mère de Coralie, qui était en Australie. Ils résolurent donc de quitter le Sud-Ouest africain et de rentrer en Australie. La semaine même de leur départ, on leur a accordé l’autorisation de déployer leur activité parmi les Africains et les gens de couleur. Que faire ? Rendre le permis qu’ils attendaient depuis sept ans ? Frère Waldron annula son billet, et sa femme et sa fille rentrèrent seules en Australie, où elles restèrent quatre mois ; puis elles regagnèrent l’Afrique. Entre-temps, Dick Waldron s’était dépensé sans compter pour répandre le message parmi les Africains et les gens de couleur, obtenant des résultats encourageants. Lors de la première assemblée de circonscription, 100 personnes étaient présentes au discours public.

LA POPULATION AFRICAINE REÇOIT LE MESSAGE

Pour toucher tous les Africains, il était essentiel d’avoir des publications traduites et imprimées dans leurs langues. Jusqu’alors, il n’y avait aucun témoin qualifié pour assumer cette tâche. Les premiers missionnaires avaient demandé à des traducteurs qui n’étaient pas témoins de Jéhovah de traduire des brochures en nama, en kwanyama et en herero. Ces écrits n’avaient eu aucun succès, la traduction étant pauvre et inexacte. Les frères allaient encore une fois avoir recours aux traducteurs du dehors, mais ils comptaient bien les surveiller de près.

Selon Dick Waldron, la traduction fidèle a demandé beaucoup d’efforts : “Nous avons eu recours à des instituteurs qui étudiaient la Bible et connaissaient quelque peu la vérité. Je travaillais avec eux, m’assurant qu’ils comprenaient bien le texte et rendaient exactement chaque phrase. Le vocabulaire de la langue nama est limité. En voici un exemple ; je voulais que le traducteur rende fidèlement cette phrase : ‘Au commencement Adam était parfait.’ Le traducteur se gratta la tête, disant : ‘Le mot “parfait” n’existe pas dans la langue nama.’ Puis : ‘J’ai trouvé ; au commencement Adam était comme une pêche mûre.’” Nous sommes néanmoins venus à bout des problèmes et le tract La vie dans le nouvel ordre créé par Dieu a finalement été traduit en herero, en nama, en ndonga et en kwanyama.

En 1956, frère Erwin Schneid, sa femme Gertrude et leur fille Karin quittaient l’Allemagne pour s’installer à Swakopmund, une ville du littoral. Ce déménagement inquiétait leurs parents et eux-​mêmes se demandaient ce qu’allait être leur vie en Afrique. Quel genre de personnes allaient-​ils rencontrer ? Quelle langue étrange leur faudrait-​il apprendre ? Au-devant de quels dangers allaient-​ils dans ce “sombre” continent ? Ils débarquèrent à Walvis Bay où ils rencontrèrent des Blancs parlant l’allemand. En fait, la ville de Swakopmund où ils devaient s’installer ressemblait fort à une petite ville allemande pour ce qui est du style des habitations, de la mode vestimentaire et de la langue dominante. Par la suite, d’autres membres de leur famille les ont rejoints, et tous ont aidé des personnes bien disposées à accepter la vérité, si bien qu’une congrégation a pu être établie.

Les frères de couleur de la province du Cap sont ensuite venus s’installer dans le Sud-Ouest africain, afin de travailler dans l’industrie du poisson. Ils ont beaucoup contribué à répandre la bonne nouvelle parmi les Africains, particulièrement à Walvis Bay. Bon nombre de ces Africains viennent travailler sous contrat pendant un an ou deux, puis il rentrent chez eux. Avant de partir, ils se procurent des publications de la Société qu’ils emportent chez eux ; la plupart habitent l’Ovamboland, dans le nord. Philémon Kalongela, un Ovambo, a accepté la vérité à Walvis Bay, puis il est rentré en Ovamboland pour y prêcher. Il y a servi pendant quelque temps comme pionnier spécial.

LE PREMIER TÉMOIN HOTTENTOT

Ella Crighton fut la première femme de couleur du Sud-Ouest africain à accepter la vérité. Comme elle parlait couramment la langue nama (hottentot), elle a donc aidé les premiers Hottentots à venir à la vérité.

Peu de gens peuvent se vanter d’avoir eu une vie aussi mouvementée que celle qu’a connue notre cher vieux frère hottentot “oupa” (grand-père) Jod. Tout jeune, il a été capturé par les Allemands au cours des guerres hottentotes ; il a donc passé la plus grande partie de sa vie à Windhoek. Signalons en passant que ces conflits ont pris fin en 1890. Quoique peu instruit, “oupa” sait non seulement lire, écrire et parler nama, sa langue natale, mais aussi l’allemand et l’afrikaans. Quand Ella Crighton a commencé à étudier la Bible avec lui, “oupa” Jod avait largement dépassé les 70 ans. C’était une colonne et un soutien au sein de son Église ; lorsqu’il se retira de Babylone la Grande, il se produisit une certaine agitation parmi les fidèles. Des ministres venus de différentes régions se réunirent chez lui pour tenter de le convaincre de revenir à son ancienne religion, mais il demeura ferme. Aidé par Ella Crighton, il repoussa toutes leurs propositions. Des membres de sa famille ont pleuré, supplié, mais en vain ; “oupa” Jod avait trouvé la vérité.

RÉCENTS DÉVELOPPEMENTS

Jéhovah hâte les choses dans ce pays pittoresque par la variété des races et des groupements nationaux qui le composent. À la fin de 1973, Dieu a veillé à ce que le message atteigne les Basters dans la région de Rehoboth. Jusque-​là, aucun témoin de Jéhovah n’avait eu la permission de pénétrer dans cette région afin d’y prêcher le message du Royaume. Dans le nord, où il y a une “réserve” qui compte environ un demi-million d’Africains, l’œuvre commence à s’implanter. Quatre groupes de proclamateurs sont maintenant actifs dans l’Ovamboland, et un pionnier spécial, qui habite de l’autre côté de la frontière, les visite régulièrement en qualité de surveillant de circonscription temporaire. Tout en saisissant chaque occasion de communiquer la bonne nouvelle aux habitants de cette “réserve”, les témoins de Jéhovah souhaitent sincèrement que la possibilité leur soit donnée d’envoyer des prédicateurs à plein temps dans cette vaste région.

L’œuvre a remarquablement progressé depuis 1944, où seulement une voix faisait entendre le message de la vérité dans le Sud-Ouest africain. En mars 1975, il y avait 322 proclamateurs du Royaume. Si la volonté de Jéhovah est que la porte donnant accès à l’activité soit grande ouverte dans les territoires du nord, nous pouvons nous attendre à une grande moisson dans ce champ.

LES FIDÈLES REÇOIVENT DES PRIVILÈGES

En Afrique du Sud comme ailleurs, il y a des proclamateurs âgés, tels “oupa” Jod, qui donnent un excellent exemple. Certains sont même pionniers. Ils ont reçu de nombreux privilèges de service. Annie Moseleba, une sœur africaine âgée et fidèle, était, au moment de sa mort survenue en 1966, la doyenne des pionniers spéciaux. Elle est décédée à l’âge de 91 ans, après avoir passé dix-huit années dans le service à plein temps. En raison de son grand âge, les gens de sa localité la respectaient et elle réussissait là où d’autres proclamateurs avaient échoué. Au cours de sa carrière de pionnier, elle a aidé un grand nombre de personnes à venir à la vérité. Rien qu’en une année, elle a amené huit personnes à prendre fermement position pour Jéhovah et conduit treize études bibliques à domicile.

Frère Georges Phillips est un autre exemple pour les frères d’Afrique du Sud. À partir de 1927, il a servi en qualité de surveillant de filiale et les frères ont appris à l’aimer et à le respecter pour son attachement à Jéhovah et son bon exemple. Il a vraiment combattu pour la vérité et s’est toujours montré fidèle dans l’œuvre de Jéhovah. Il a dirigé l’œuvre à ses débuts et, durant les années critiques de 1940, il a vu croître l’organisation en Afrique du Sud, où le nombre des proclamateurs est passé d’une poignée à 20 000 en 1966. Bien qu’il dût quitter le Béthel à la fin de juillet 1966, le cœur de frère Phillips est resté attaché au service à plein temps ; d’ailleurs, quelque temps plus tard, il servait de nouveau comme pionnier dans le Strand, près du Cap.

Un frère très capable était prêt à assumer la charge de surveillant de filiale laissée vacante par frère Phillips, à savoir Harry Arnott, ancien surveillant de la filiale de Zambie. L’année précédente, sa femme et lui avaient été expulsés de Zambie. Les frères d’Afrique du Sud le connaissaient bien, car il les avait visités pendant des années en qualité de surveillant de zone. Frère Arnott avait toute la confiance des frères, et, pendant deux années, il a assumé sa tâche dans la filiale ; la naissance d’un enfant l’a ensuite obligé à renoncer à ce privilège de service.

Depuis juin 1968, frère Frans Muller sert en qualité de surveillant de filiale. En 1960 il était devenu l’adjoint du surveillant de filiale et s’occupait en même temps des affaires des congrégations. Avant d’être appelé avec sa femme au Béthel en 1959, frère Muller avait visité tout le pays en tant que surveillant de circonscription et de district.

Ces changements successifs de surveillant de filiale n’ont absolument pas affecté l’œuvre. Tout a continué comme par le passé. Cela a tout simplement prouvé aux frères que l’œuvre divine ne repose pas sur un individu et que Jéhovah peut utiliser quiconque désire se laisser employer par lui.

LE LIVRE “VÉRITÉ” AIDE LES “BREBIS”

À l’occasion des assemblées de district de 1968, le livre La vérité qui conduit à la vie éternelle a été publié et le programme d’étude de ce manuel en six mois a été inauguré.

Le placement des publications a alors monté en flèche en République sud-africaine. Le nombre des nouvelles visites et des études bibliques a également augmenté. Quand le livre Vérité a été disponible, le service de l’expédition de la filiale a battu tous les records d’envoi. Durant les années 1960-​1967, 90 000 livres en moyenne avaient été expédiés chaque année. Mais en 1968, ce chiffre est passé à 125 000. En 1969 le livre Vérité est paru en afrikaans, et, à la fin de la même année, il sortait des presses en zoulou, en xhosa et en sepedi. Au cours de l’année de service 1970, 447 000 livres ont été expédiés !

Le livre Vérité étant désormais disponible dans de nombreuses langues indigènes, les frères ont fait un effort spécial pour toucher le plus grand nombre possible de fermiers disséminés dans tout le pays. La plupart des fermes sont à des kilomètres les unes des autres, et on ne peut les atteindre qu’en voiture. Le bureau de la filiale a établi des territoires sur lesquels figurent ces fermes, et les congrégations ont été invitées à se faire attribuer l’un de ces territoires. Les frères ont répondu à l’appel, certaines congrégations se sont déplacées à près de 300 kilomètres. Les frères ont ainsi parcouru des milliers de kilomètres pour faire connaître la bonne nouvelle du Royaume à ces cultivateurs. Un groupe de proclamateurs a couvert 520 kilomètres carrés en voiture pour visiter 100 fermes dans lesquelles ils ont laissé 90 livres Vérité. Les frères ont ainsi pu aider de nombreuses personnes assoiffées de vérité, soit par correspondance, soit en les visitant assez régulièrement.

LE CHAMP PORTUGAIS EN AFRIQUE DU SUD

Dans le rapport sur l’Angola, nous avons dit que Henrique Vieira s’était arrêté à Luanda avant de se rendre en Afrique du Sud. Il s’est installé à Johannesburg, où il a servi dans l’une des congrégations de la ville. Frère Vieira n’était pas le seul immigrant d’origine portugaise. La prospérité de l’Afrique du Sud et les offres d’emplois avaient attiré des milliers de Portugais, de Grecs et d’autres Européens. On estime à 80 000 personnes la population portugaise dans le Reef.

En 1965, frère Vieira et sa femme ont commencé à trouver des personnes bien disposées parmi les immigrants portugais. Très peu connaissaient l’anglais, aussi était-​il nécessaire que des témoins d’expression portugaise viennent leur faire connaître le message du Royaume dans leur propre langue. En janvier 1966, un noyau de onze proclamateurs portugais était constitué à Johannesburg. La tâche des proclamateurs se trouvait compliquée du fait que les Portugais n’habitent pas le même quartier ; ainsi, dans une matinée de service, il leur arrive souvent de ne rencontrer qu’une ou deux familles à qui ils donnent le témoignage. Parfois même, ils n’en rencontrent pas une seule. Malgré cela, le petit groupe a connu un accroissement rapide, car à la fin de 1967 une congrégation a été formée ; elle comptait 50 proclamateurs.

Mais la moisson s’est poursuivie dans le champ portugais, non seulement à Johannesburg, mais dans d’autres villes d’Afrique du Sud, où il y a aussi des immigrants portugais. Avant peu, il y a eu des groupes de frères portugais à Durban, à Port Elizabeth, au Cap et à Bloemfontein.

De temps à autre, ces frères vont rendre visite à leurs parents et amis qui habitent dans les villes et villages catholiques du Portugal, leur intention étant de leur faire connaître la vérité. Une agréable surprise les attend parfois. Ce fut le cas pour un frère et sa femme qui étaient revenus dans leur pays pour les vacances. Ils se demandaient comment entamer la conversation sur la Parole de Dieu. À leur grande joie, un de leurs parents s’est mis à leur donner le témoignage. Vous imaginez sans peine l’allégresse qui a marqué cette réunion de famille.

LE CHAMP GREC EN AFRIQUE DU SUD

Au début de 1969, une petite congrégation grecque a été formée à Johannesburg, dans le but de veiller aux intérêts spirituels des quelques 30 000 ressortissants grecs habitant le Reef. À cette époque, il n’y avait que vingt-quatre proclamateurs actifs. Seize mois plus tard, leur nombre s’élevait à soixante-deux, y compris cinq pionniers ordinaires et trois ou quatre pionniers temporaires chaque mois. La moisson avait donc commencé dans ce champ.

La population grecque est disséminée dans le Witwatersrand, qui s’étend sur une centaine de kilomètres. Au moyen de l’annuaire du téléphone et avec l’aide des congrégations d’expressions anglaise et afrikaans, la congrégation grecque s’est constituée un répertoire d’adresses des ressortissants grecs qui lui sert de “territoire”. Peu de temps après l’établissement de la congrégation grecque à Johannesburg, des petits groupes se sont formés çà et là et même jusqu’à Durban. Ces gens qui ont subi le joug pesant de l’Église orthodoxe grecque reconnaissent rapidement le son de la vérité et ne tardent pas à prendre une décision. Ils se mettent à assister aux réunions et à donner le témoignage à leurs parents et amis pratiquement dès qu’ils commencent à étudier la Bible.

ASSEMBLÉES DE CARACTÈRE INTERNATIONAL

Avec l’arrivée de tous ces étrangers, les assemblées sud-africaines prenaient un caractère international. Aux assemblées de district et aux assemblées nationales, il y avait des emplacements spéciaux pour ces frères, qui pouvaient suivre un programme dans leur propre langue.

Les assemblées internationales “Paix sur la terre”, qui se tinrent en 1969, surpassèrent tout ce qui s’était inscrit jusqu’alors dans l’histoire théocratique en Afrique du Sud. Il y eut d’abord l’attente. Puis vint le jour où plus de 500 frères d’Afrique du Sud assistèrent à l’assemblée de Londres. D’autres se rendirent à des assemblées qui se déroulaient en d’autres endroits de l’Europe, y compris l’assemblée gigantesque de Nuremberg.

Pour certains, c’était là leur première assemblée internationale. Mais pour la plupart des délégués, c’est l’assemblée “Paix sur la terre” de Londres qui fit sur eux la plus forte impression. Parmi ceux-ci figuraient les premiers frères africains d’ici qui eussent jamais assisté à une assemblée internationale. Dix d’entre eux étaient des ouvriers à plein temps qui avaient été envoyés par la Société, leurs frais de voyage étant couverts grâce à une caisse prévue à cet effet. Inutile de vous dépeindre leur allégresse. Pour beaucoup, c’était la première fois qu’ils voyaient un avion de près, sans parler du voyage par les airs. Mais ce n’est pas cela qui les impressionna le plus. Bien entendu, la nourriture spirituelle dispensée à l’occasion de l’assemblée fut substantielle et utile. Mais ces frères africains furent profondément émus par l’amour et l’hospitalité que leur témoignèrent leurs frères blancs à bord de l’avion. Ils furent encore frappés par le fait qu’ils pouvaient séjourner dans les foyers des frères blancs d’Angleterre, ce qui ne leur est pas possible en Afrique du Sud à cause de la loi. Quand on lui demanda ce qui l’avait le plus impressionné, en dehors du programme de l’assemblée, Nicolson Makhetha de Lesotho déclara : “C’est d’être avec les frères européens, dans leurs foyers, et de voir comment ils mettent en pratique dans leur vie de famille les conseils que leur donne l’organisation.”

Cela montra aux frères africains que les témoins de Jéhovah sont les mêmes dans le monde entier. Quand ils furent de retour, ils eurent bien des choses à raconter. Comme ils étaient reconnaissants pour toute la générosité que leur avaient témoignée leurs compagnons chrétiens !

Les délégués des assemblées internationales “Paix sur la terre” y prirent tant de plaisir qu’ils étaient impatients d’entendre de nouveau le même programme à l’occasion des assemblées nationales “Paix sur la terre” qui devaient avoir lieu en Afrique du Sud, du 31 décembre 1969 au 4 janvier 1970. Quelles immenses assistances ! Au total, pour les trois discours publics, on dénombra 45 821 auditeurs. Il y eut 1 294 baptisés.

D’EXCELLENTS PROGRÈS À STE-HÉLÈNE

À l’assemblée internationale de Londres, en juillet 1969, certains frères sud-africains rencontrèrent Georges Scipio et sa fille, tous deux de Ste-Hélène. Frère Scipio leur raconta que donner le témoignage aux mêmes gens, année après année dans une île aussi minuscule que Ste-Hélène, est une épreuve pour la foi. Cependant, de merveilleux progrès ont été réalisés au cours des années.

On a tellement prêché dans ce territoire et l’on a tellement répandu de publications qu’il n’est pas rare, quand on prie une personne d’aller chercher sa Bible, de la voir revenir avec la Traduction du monde nouveau (angl.). Quand on a reçu le livre Vérité, il y a eu, en 1969, une moyenne de 1,2 étude biblique par proclamateur. On a aidé beaucoup de personnes, qui connaissaient la vérité depuis quelque temps, à prendre position. Ce livre aida aussi ceux qui étaient devenus inactifs.

Au fur et à mesure que grossissent leurs rangs, les proclamateurs annoncent la bonne nouvelle d’une voix de plus en plus puissante. En 1975, il y a eu un maximum de 102 proclamateurs, ce qui fait que chacun d’eux dispose d’un territoire comprenant en moyenne 46 personnes. Et pourtant, on rencontre encore de l’intérêt.

L’ÎLE DE L’ASCENSION ENTEND LA BONNE NOUVELLE

C’est en 1965 qu’est parvenu le premier rapport de cette île située à 1 330 kilomètres au nord-ouest de Ste-Hélène. C’était le rapport de sœur B. Taylor, dont le mari travaillait pour une certaine compagnie qui l’avait envoyé dans cette île. À l’époque, la population de cette île de 88 km2 comptait environ 300 individus. La sœur était la seule proclamatrice de l’endroit. Mais elle annonça courageusement la bonne nouvelle, faisant en moyenne chaque mois 23 heures et conduisant trois études bibliques.

En 1968, la population de l’île comptait 2 000 personnes. Cette année-​là sœur Taylor se rendit en Angleterre. Aussi Georges Scipio vint de Ste-Hélène à l’île de l’Ascension pour s’occuper des intéressés. Voici ce qu’il dit : “Les gens de cette île sont comme des brebis sans berger.” Voyant qu’il y avait tant d’intérêt, frère Scipio décida de s’installer avec toute sa famille à l’île de l’Ascension. Cela aida beaucoup l’œuvre.

Citons le cas de l’homme chez qui il fallait faire l’étude à 10 heures du soir, parce que certaines semaines, il travaillait jusqu’à 21 heures. Comme il faisait très chaud, l’étude avait lieu dans la véranda, en plein air, sous les yeux des voisins. Cela suscita des moqueries. Mais l’homme faisait des progrès et se rendait compte qu’il apprenait la vérité. Il déclara : “Maintenant je comprends pourquoi pas plus de gens ne deviennent témoins de Jéhovah. C’est parce qu’ils ont peur du qu’en-dira-t-on.” Sa famille et lui-​même commencèrent à venir aux réunions. Après avoir entendu, à l’étude de livre du mardi, combien le temps pressait et combien l’œuvre à accomplir était grande, l’homme se mit à donner, le lendemain, le témoignage à tous ses collègues de travail et il eut la joie de trouver quelqu’un qui lui demanda une Bible et un livre pour que, lui aussi, pût étudier.

Frère Scipio et les siens durent rentrer à Ste-Hélène après un séjour de neuf mois. Cependant ils restèrent en relations épistolaires avec plusieurs personnes qui étudiaient la Bible. L’un de ces intéressés était un jeune ouvrier qui était venu un jour à la maison du pionnier, pendant la pause du matin. Avant de reprendre son travail, il aurait aimé boire un verre d’eau. On lui donna à boire. Le lendemain, il revint encore réclamer un verre d’eau, puis il demanda précipitamment à la femme du frère si elle n’avait pas de Bibles à vendre. Elle lui remit une Bible et l’invita à l’étude de livre. Il se procura un livre et assista à l’étude. Le pionnier avait un fils de treize ans. C’est lui qui commença l’étude avec ce jeune homme, qui fit de bons progrès.

Après le départ de frère Scipio, ce jeune homme prit nettement position pour la vérité. Quand son employeur lui demandait d’aller peindre des bâtiments militaires et des églises, il refusait. Son chef d’équipe non plus ne réussit pas à lui faire changer d’avis.

Depuis trois ans nous ne recevons plus de rapports de l’île de l’Ascension. La seule proclamatrice de l’île se rendait régulièrement en Angleterre, et les rapports étaient quelque peu irréguliers. Bien que nous ne sachions pas ce qui lui est arrivé, Jéhovah sait, lui, quelles sont les brebis de cette île qui doivent être introduites “dans l’enclos”. — Michée 2:12.

LA LOI DIVINE ET LA QUESTION DU SANG

De temps à autre, la question du sang occupe le devant de la scène en Afrique du Sud. En voici un exemple : Une sœur africaine, enceinte de six mois, commença soudain à avoir des hémorragies. À l’hôpital les médecins prescrivirent une transfusion sanguine. Frère et sœur Marsh tentèrent d’expliquer leur position selon les Écritures, mais les médecins et les infirmières se moquèrent d’eux. On auscultait la sœur toutes les demi-heures. Plus tard, une des infirmières lui dit qu’elle n’entendait plus les battements de cœur du fœtus. À son avis, l’enfant était mort. Le médecin était disposé à extraire le fœtus “mort”, mais à la condition de pouvoir faire une transfusion sanguine. Or, la sœur, elle, sentait les mouvements du fœtus. Mais pour le médecin et les infirmières, l’enfant était mort.

Frère et sœur Marsh quittèrent cet hôpital et se rendirent dans un autre établissement. En cours de route, le frère encouragea sa femme à demeurer fidèle, quoi qu’il advînt. En arrivant à l’autre hôpital, ils expliquèrent leur position en ce qui concerne le sang. L’infirmière de garde leur fit donc signer une déclaration. Une auscultation révéla que l’enfant était encore vivant. On prescrivit un traitement et bientôt notre sœur commença à aller mieux, mais elle devait se rendre tous les quinze jours à l’hôpital pour un examen médical complet. Le médecin ne vit pas d’objection à pratiquer une césarienne sans transfusion sanguine. Quand vint son heure, la sœur se rendit à l’hôpital. Or, pendant que le chirurgien et les infirmières se préparaient, elle donna naissance à des jumeaux. Combien frère et sœur Marsh sont heureux d’être restés fidèles à la loi de Jéhovah !

LE CHAMP INDIEN SE RÉVÈLE PRODUCTIF

En Afrique du Sud vit une nombreuse population indienne. Ces dernières années, beaucoup de ces gens sont venus à la vérité. Il existe actuellement un certain nombre de congrégations indiennes au Transvaal et au Natal. Autrefois, certaines de ces personnes étaient des adeptes de l’hindouisme, d’autres étaient musulmanes, d’autres encore étaient des chrétiennes de nom. Maintenant ces gens se joignent aux autres serviteurs de Dieu en Afrique du Sud pour adorer Jéhovah avec l’esprit et avec la vérité. — Jean 4:23.

ON S’AGRANDIT UNE FOIS DE PLUS

Depuis des années, les frères d’Afrique du Sud et des territoires avoisinants attendaient une nouvelle visite de frère Knorr, président de la Société Watch Tower. Son dernier séjour en Afrique du Sud remontait à 1959, année où il avait été décidé d’agrandir la filiale. Il était de nouveau temps d’agrandir le Béthel dont les 68 membres occupaient, en 1970, toute la place disponible. En juin 1970, quand Notre ministère du Royaume annonça que les assemblées de district avaient été annulées et qu’on allait tenir une assemblée nationale, tout le monde s’attendait à la venue d’un visiteur de Brooklyn. Mais ce n’est pas avant novembre que Notre ministère du Royaume annonça : “Frère Knorr arrive !” Rien n’aurait pu empêcher les frères de venir aux assemblées “Les hommes de bonne volonté”, qui devaient se tenir du 7 au 10 janvier 1971.

Comme on le sait, en Afrique du Sud règne la ségrégation raciale et les différents groupements ethniques vivent à part. Il a donc fallu organiser trois assemblées. Les Européens se réunirent au Milner Park Show Grounds, les gens de couleur, eux, se rassemblèrent à l’Union Stadium, et les frères africains se retrouvèrent au Mofolo Park, dans l’immense complexe de Soweto où habitent des centaines de milliers d’Africains.

Le Mofolo Park est un parc bordé d’arbres, sans rien de plus. Il a donc fallu que les frères africains, aidés de leurs frères européens, s’attellent à un travail gigantesque : construire des sièges pour 30 000 personnes et installer les différents services. Ils installèrent même des toilettes avec des chasses d’eau. Les autorités municipales, après visite des lieux, s’écrièrent : “Nous sommes stupéfaits ! Vous avez bâti deux villes !” Ils faisaient allusion à la partie du parc qui était réservée aux Zoulous et à celle qui était destinée aux Sesothos.

À l’occasion de ces assemblées, on tenta quelque chose de nouveau et qui eut un grand succès. Pour la première fois, on vit sur scène des acteurs qui mimaient l’action d’un drame, tandis que, dans différentes parties du stade, le dialogue s’entendait en deux langues. Cela représentait des heures et des heures de préparation. Mais les drames firent une grande impression sur les frères, qui en tirèrent les leçons.

Quant à frère Knorr, il se rendait en toute hâte d’une assemblée à l’autre, afin d’être à l’heure. Son discours improvisé “Voici le chemin” fut particulièrement apprécié, et pendant longtemps encore les frères parlèrent des merveilleux conseils qui leur avaient été donnés. Le discours public fut le point culminant de l’assemblée. À l’assemblée des gens de couleur, on dénombra 2 770 personnes ; il y en eut 12 252 qui vinrent à l’assemblée européenne et 33 757 à l’assemblée africaine ; soit un total de 48 779 personnes. C’était là une énorme assistance quand on considère qu’il n’y avait à l’époque que 22 000 témoins en Afrique du Sud.

Dans ses remarques finales, frère Knorr révéla à l’assistance qu’on allait agrandir, à Elandsfontein, l’imprimerie, les bureaux et le Béthel. Il expliqua également aux frères comment ils pourraient apporter leur concours.

La famille du Béthel se réjouissait beaucoup de ce que frère Knorr fût venu lui rendre visite. Le président remarqua que la famille se composait surtout de jeunes gens dont presque tous avaient été élevés par des parents qui s’étaient voués à Dieu. Tous étaient heureux d’être au Béthel.

Parmi la famille du Béthel d’Elandsfontein figurent aussi quelques anciens. Il y a, par exemple, Andrew Jack, qui a 80 ans et qui fait encore sa journée de travail. Gert Nel, notre ancien “serviteur des frères”, traduit toujours La Tour de Garde en afrikaans, malgré ses 71 ans. La famille d’Elandsfontein est heureuse ; tous collaborent et habitent ensemble dans une étroite union. Cette famille compte encore en son sein quatorze frères et sœurs africains. Tous ses membres vivent en bonne intelligence, bien que d’extractions différentes. L’anglais est la langue officielle, mais le Béthel sert des gens de différentes langues : zoulou, sesotho, xhosa, tswana, sepedi, allemand, grec, afrikaans et portugais. Tous les membres du Béthel sont heureux de servir leurs frères non seulement en Afrique du Sud, mais aussi au Congo (Kinshasa, actuellement appelé le Zaïre), au Mozambique, en Rhodésie et en Zambie.

Quand frère Knorr déclara aux frères qu’on allait agrandir les bâtiments d’Elandsfontein et qu’ils pouvaient apporter leur concours, sa proposition reçut un accueil enthousiaste. Les contributions commencèrent à affluer à la filiale. Les offres de prêts furent si nombreuses qu’il fallut en refuser. Mais à l’époque il y avait une pénurie de ciment et l’on se demandait s’il serait possible de se procurer les quantités voulues. C’est alors qu’un frère indien téléphona à la filiale pour l’informer qu’il tenait à sa disposition 500 sacs de ciment (de 50 kg chacun). Il en faisait don. D’autres offrirent de faire les transports avec leurs camions. Un frère transporta toutes les briques, qui se trouvaient à 65 kilomètres du chantier. Une sœur pionnier africaine demanda à une entreprise de livrer sur ce chantier 15 m3 de sable, qu’elle paya de sa poche. Ainsi, les frères offrirent de bon cœur leurs choses matérielles, en vue de l’expansion de l’œuvre du Royaume. — Prov. 3:9, 10.

Des maçons, des charpentiers, des électriciens et d’autres ouvriers s’arrangèrent pour être disponibles pendant toute la période des travaux. D’autres vinrent pour plusieurs mois. Des centaines de frères des congrégations voisines vinrent donner un coup de main le week-end. Les concours furent extrêmement nombreux. Quand les travaux touchèrent à leur fin et qu’il fallut procéder au nettoyage, on dénombra jusqu’à deux cents volontaires. Les frères aimaient travailler ensemble, dans l’union et la paix.

Très peu de travaux ont dû être confiés à des entreprises de l’extérieur, car les frères étaient pratiquement à la hauteur de toutes les tâches. L’architecte, l’ingénieur, les électriciens, les plombiers, les charpentiers, etc., étaient tous des frères heureux de prendre part à la construction. Ce fut aussi une occasion pour ces frères de différentes races de collaborer dans le service du Royaume. À cause des lois sur la ségrégation, ils se réunissent généralement à part, chacun dans son milieu et selon sa langue, mais à l’occasion de ces travaux les frères africains, les frères de couleur, les frères indiens et les frères blancs travaillèrent ensemble dans une étroite union, ce qui ne se voit pas dans ce monde.

Voici un exemple de la générosité des frères. Cela s’est passé le jour où l’on a coulé la dalle de béton du rez-de-chaussée. Beaucoup de frères étaient là, prêts à donner un coup de main. Il y en avait tant, d’ailleurs, qu’il fallut atteler un certain nombre d’entre eux à d’autres tâches. Le travail commença à 6 heures du matin, alors qu’il faisait encore noir. À 4 h 30 de l’après-midi on avait coulé 184 m3 de béton et la dalle était terminée. On imagine la joie des frères. Il régnait parmi tous ces travailleurs un tel esprit que beaucoup voulurent encore faire des dons en espèces. À la fin de la journée, on constata, après avoir tout calculé, que la dalle revenait à 3 300 rands. Quand on totalisa les contributions pécuniaires de tous nos travailleurs, on découvrit que la somme recueillie dépassait le prix de revient de la dalle.

De tous côtés affluaient les dons. Voici la lettre qu’écrivirent deux jeunes sœurs de Ste-Hélène : “Chers frères : Veuillez accepter ce don pour les travaux de construction. Sandra et moi avons fait un sac avec du fil de nylon et nous l’avons vendu 1 livre. J’ai neuf ans et Sandra en a six. Recevez l’expression de notre amour chrétien.”

Les travaux de construction commencèrent le 6 mai 1971, après que les plans eurent été agréés. En octobre, le surveillant de filiale demanda aux frères de faire leur possible pour terminer le travail pour la fin de décembre. “Pourquoi tant de hâte ?”, se demandaient certains frères. Mais ils continuèrent à travailler dur et à la fin de décembre tout était presque terminé. Il restait encore les peintures à faire et d’autres travaux de ce genre. Le dimanche 30 janvier 1972, tout était vraiment terminé et parmi les plus anciens membres de la famille beaucoup s’étaient installés dans les dix-sept nouvelles chambres de la nouvelle aile du Béthel. L’imprimerie s’était agrandie de 836 m2.

Le lundi matin 31 janvier 1972, le surveillant de filiale annonça que dans quelques heures frère Knorr, président de la Société, et frère Larson, surveillant de l’imprimerie de Brooklyn, allaient arriver à l’aéroport Jan Smuts. Quelle surprise ! Frère Knorr et frère Larson se réjouirent à la vue de toute la construction. Il y eut 577 frères et sœurs qui assistèrent à l’inauguration, le mercredi soir 2 février.

Tout cela a pu se faire parce que le peuple de Jéhovah s’est offert volontairement (Ps. 110:3). Grâce au concours des frères, les travaux sont revenus à un prix deux fois moins élevé que s’ils avaient été effectués par des entreprises du monde.

LA QUESTION DE LA NEUTRALITÉ SE POSE DE NOUVEAU

En 1972, la question de la neutralité se posa de nouveau en Afrique du Sud. Jusque-​là les témoins de Jéhovah avaient été exemptés du service militaire. Mais en raison des remous politiques qui agitaient l’Afrique, le service militaire devint obligatoire pour tous les jeunes Blancs. Comme nos jeunes frères refusaient de l’accomplir, ils se voyaient condamnés à quatre-vingt-dix jours de détention à la caserne. Ils étaient en sous-vêtements, n’ayant pas voulu revêtir l’uniforme. Avant l’expiration des quatre-vingt-dix jours, on leur demandait de nouveau de prendre l’uniforme ; en cas de refus, c’était une nouvelle condamnation à quatre-vingt-dix jours. Il semblait que ces frères allaient rester en prison indéfiniment.

Avec le temps, cette question commença à faire de plus en plus de bruit et beaucoup de gens prenaient la défense des témoins de Jéhovah, même au Parlement. Finalement la loi fut changée. Maintenant tout frère qui refuse le service militaire se voit condamné à un an de détention à la caserne, après quoi il est exempté du service à l’armée. Auparavant, les chrétiens qui gardaient leur neutralité étaient enfermés seuls dans leurs cellules ; maintenant on leur demande de faire du jardinage ou d’effectuer des travaux non militaires sur les terrains de rugby et d’autres terrains de jeux.

DES SECOURS POUR LES FRÈRES DANS LE BESOIN

Le 13 octobre 1972, la presse sud-africaine annonça que les témoins de Jéhovah étaient persécutés au Malawi et qu’ils fuyaient en Zambie. La filiale sud-africaine entra en relations avec la filiale de Zambie pour lui demander comment les frères d’Afrique du Sud pouvaient venir en aide aux persécutés.

Après enquête, la filiale de Zambie envoya le télégramme suivant : “Les réfugiés du Malawi ont un besoin urgent d’abris imperméables. Voyez si vous pouvez trouver des tentes, des bâches, des couvertures, etc. Téléphonez-​nous les démarches à faire pour la licence d’importation. Il y a environ 7 000 réfugiés.” Le 18 octobre, on lança un appel à toutes les congrégations d’Afrique du Sud. La réponse ne se fit pas attendre. De toutes les parties du pays, on envoya des vêtements et des dons en espèces à la filiale d’Elandsfontein.

On acheta un millier d’anciennes bâches militaires, dont beaucoup avaient des petits trous qu’il fallait réparer. Les 21 et 22 octobre (un week-end) se déroula une scène inoubliable. On vit arriver au Béthel des voitures, des camionnettes et des camions chargés de vêtements, qui furent triés et répartis en vêtements d’hommes, en vêtements de femmes et en vêtements d’enfants. On ne garda que les habits en bon état. Dehors il y avait environ 150 frères et sœurs qui réparaient les bâches. Une dizaine de machines à coudre fonctionnaient sans arrêt. Il y eut tant de volontaires qu’il fallut en renvoyer un certain nombre. Tout le monde voulait faire quelque chose pour les frères au camp de Sinda Misale, en Zambie.

Le dimanche matin arrivèrent deux énormes camions. Le lundi matin 23 octobre les deux véhicules partirent pour le camp de Sinda Misale, ayant à leur bord 948 bâches, 157 cartons de vêtements et 1 111 couvertures, sans oublier les cordes, les marteaux, les scies, les pelles, etc., soit 34 tonnes de marchandises. Les témoins d’Afrique du Sud, qui priaient pour leurs frères en détresse, furent extrêmement heureux d’avoir pu également leur venir en aide matériellement.

À la fin de la semaine, les deux camions étaient en Zambie. L’un d’eux fut déchargé à Lusaka et s’en retourna en Afrique du Sud. L’autre ainsi que cinq autres camions moins gros, appartenant à des frères de Zambie et chargés de vivres et de divers dons, firent route vers le camp. Il fallut faire trois voyages pour transporter au camp tout ce que les frères avaient donné.

Quand les camions arrivèrent au camp, la nouvelle se répandit parmi les frères du Malawi que les témoins d’Afrique du Sud et de Zambie leur avaient envoyé des bâches, des couvertures et des vivres. Beaucoup pleurèrent d’émotion. Ici aussi se vérifièrent ces paroles de Jésus en Jean 13:35: “À ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour entre vous.”

Bientôt les frères furent renvoyés au Malawi. Ils se trouvèrent de nouveau en butte aux persécutions et durent s’enfuir au Mozambique. On essaya d’envoyer vers ces témoins parqués dans des camps au Mozambique des camions chargés de vêtements et de vivres, mais on ne laissa pas passer les véhicules. Les frères d’Afrique du Sud se mirent alors à leur envoyer par la poste des colis de 10 kg (l’affranchissement d’un colis coûtait 4,44 rands). Environ seize tonnes de vêtements furent ainsi expédiées. On leur envoya aussi des dons en espèces pour que les frères dans ces camps de réfugiés puissent s’acheter des vivres. Outre les dons individuels, on dépensa environ 100 000 rands (142 000 dollars) pour venir en aide à nos frères en détresse. Les frères d’Afrique du Sud sont heureux d’avoir ainsi pu venir au secours de leurs compagnons réfugiés au Mozambique, et ils continuent à se préoccuper de leur sort.

JOYEUX RASSEMBLEMENT INTERNATIONAL

Pour les témoins de Jéhovah d’Afrique du Sud, l’année 1973 fut celle des assemblées internationales. D’abord, il y eut environ un millier de frères et sœurs qui allèrent assister aux assemblées internationales d’Europe, d’Angleterre et des États-Unis. Leur enthousiasme fut communicatif et c’est avec impatience que les frères sud-africains attendaient leur propre assemblée internationale qui devait se tenir à Johannesburg. Pour la première fois, l’Afrique du Sud était sur la liste des pays à assemblées internationales. On s’attendait à recevoir la visite de nombreux frères d’Europe et d’autres parties du monde.

Les frères voulaient tenir trois assemblées différentes, une pour les frères blancs, une pour les frères de couleur et les frères indiens, et une pour les frères africains. Ils pensaient réunir ces trois assemblées le dimanche après-midi, pour une seule session, car ils savaient qu’on ne leur accorderait pas la permission d’avoir une seule assemblée, fusionnée, pour toute la période. Mais il y eut des difficultés.

Les autorités ne voulurent pas qu’il y eût une assemblée africaine à Johannesburg. On décida donc de tenir des assemblées africaines dans cinq agglomérations différentes. Cela se révéla être une bénédiction pour le peuple de Jéhovah. En effet, beaucoup de frères africains qui n’avaient pas les moyens de se rendre à Johannesburg pouvaient par contre se rendre à l’assemblée la plus proche.

Mais il y eut encore d’autres difficultés. En raison de la question du service militaire, le ministère de l’Intérieur n’était pas favorable aux témoins de Jéhovah. C’est pourquoi beaucoup de frères de l’étranger se virent refuser le visa d’entrée. Ils avaient déclaré qu’ils venaient assister à l’assemblée des témoins de Jéhovah. Parmi ces frères figuraient le surveillant de filiale américain, Milton Henschel, et Grant Suiter, secrétaire-trésorier de la Société. Ce fut une grosse déception pour les frères sud-africains.

Les assemblées furent néanmoins une victoire divine. De nombreux frères d’Europe vinrent en touristes et furent heureux de se trouver dans la compagnie des frères sud-africains. L’assemblée africaine pour la région de Johannesburg se tint à Benoni, ville située à une trentaine de kilomètres à l’est de Johannesburg. Le dimanche 6 janvier 1974 le programme commença à neuf heures et se termina à midi. Toutes les dispositions avaient été prises, et, entre midi et trois heures les frères des deux assemblées de Johannesburg et de celle de Benoni se rendirent au Rand Stadium de Johannesburg pour les sessions fusionnées finales. Tout se passa sans encombre. Tous quittèrent les trois emplacements des assemblées pour se diriger vers un même lieu, le Rand Stadium. Les congressistes arrivaient au Rand Stadium en voiture, en autocar et en train. C’était un flot continuel. Finalement le Rand Stadium fut comble. On dénombra une assistance totale de 33 408 personnes. Beaucoup étaient debout.

Ce fut vraiment un beau spectacle pour les témoins de Jéhovah. Ils voyaient les frères africains, les frères de couleur et les frères blancs tous unis dans le culte de Jéhovah. Il n’y avait pas de ségrégation. Ceux qui savaient l’anglais pouvaient aller s’asseoir où bon leur semblait et les frères en profitèrent pour aller se mettre à côté des frères d’autres races. Ceux qui parlaient le zoulou pouvaient se rendre dans la partie du stade réservée aux Zoulous ; ceux qui parlaient le sesotho pouvaient aller dans la partie réservée aux Sesothos. Il y avait aussi des parties du stade qui étaient pour les Afrikaans et les Portugais. C’était vraiment un “mélange de gens” et tout le monde était très content. D’ailleurs, on eut de la peine à empêcher les assistants d’applaudir trop souvent. Jamais les frères n’avaient été si heureux. Pour beaucoup, ce fut un après-midi “inoubliable”.

Comment tout cela fut-​il possible ? Sous la direction divine et sans même s’en rendre compte, les frères avaient loué l’unique stade de Johannesburg où il soit possible de tenir des assemblées internationales et interraciales ! Il ne fut pas nécessaire de demander une autorisation pour cette seule session. L’assistance totale au discours public de toutes les assemblées “La victoire divine” fut de 56 286 personnes. Il y eut 1 867 baptêmes.

CAMPAGNE SANS PRÉCÉDENT DANS LES TERRITOIRES ISOLÉS

L’année 1974 se révéla être la meilleure année de prédication qu’on eût connue jusqu’alors. Les témoins tentèrent de contacter tous les gens qui habitaient sur les vastes fermes d’Afrique du Sud et aussi ceux des “pays” africains. En certains endroits le témoignage n’avait jamais été donné. C’est pourquoi, pendant la campagne en territoires isolés, on fit un effort spécial pour toucher toutes ces personnes. Les congrégations urbaines acceptèrent de se rendre dans des territoires situés à des centaines de kilomètres des villes. On acheta des cartes spéciales qui indiquaient toutes les fermes européennes, ainsi que tous les villages africains se trouvant sur ces fermes. Quand les Africains ne comprenaient pas la langue des Blancs, les proclamateurs européens se servaient d’un magnétophone pour leur faire entendre des sermons enregistrés dans les langues indigènes. Il y eut une telle demande de publications que presque tous les frères se trouvèrent à court de livres. Les congrégations africaines faisaient les “pays” dont l’accès était interdit aux Européens. Au cours de cette campagne de trois mois, on répandit 140 000 livres, 92 000 brochures et des centaines de milliers de périodiques. Des groupes de pionniers spéciaux parcoururent plus de 13 000 kilomètres durant cette campagne, afin d’atteindre toutes les fermes des territoires qui leur avaient été attribués.

À la fin de l’année de service 1974, on eut la joie d’annoncer un nouveau maximum de 4 055 baptisés et un accroissement de 14% de la moyenne des proclamateurs (chiffre de pointe : 28 397). La diffusion des Nouvelles du Royaume donna encore plus d’élan à l’œuvre.

MANIFESTATIONS DE LA BÉNÉDICTION DIVINE

L’œuvre de prédication continue de progresser. Au début de juin 1975, on comptait déjà 2 462 baptisés. On projeta une autre campagne en territoires isolés, encore plus grande que celle de 1974, afin de contacter tous les habitants du territoire sous la direction de la filiale.

Entre-temps, la production des périodiques a augmenté dans de telles proportions que l’imprimerie, les bureaux et le Béthel d’Elandsfontein sont devenus trop petits. Lorsque le présent rapport a été rédigé, on était en train de faire de nouveaux plans d’agrandissement. Selon ces projets, le réfectoire, la cuisine et la buanderie vont doubler de superficie et l’imprimerie, elle, va s’augmenter de 1 860 m2. On va encore construire des bureaux qui occuperont 370 m2 et faire une nouvelle Salle du Royaume.

Les frères se réjouissent de toutes ces manifestations de la bénédiction divine. Mais ils savent qu’ils doivent s’attendre à de l’opposition. Pour le moment, ils sont occupés par une affaire qui est venue devant la Cour suprême de Johannesburg. Il s’agit de défendre le droit des jeunes frères africains d’aller en classe sans avoir à chanter des cantiques ou à prendre part aux prières des faux systèmes religieux. De nombreux enfants de témoins européens se font expulser, eux aussi, de l’école, mais pour une raison différente. C’est parce qu’ils refusent de participer à des marches de caractère militaire, de saluer le drapeau et de chanter l’hymne national. Nous ignorons comment vont tourner les choses, mais tous les frères sont résolus à continuer de prêcher la bonne nouvelle du Royaume et s’en remettent entièrement à Jéhovah.

Quand les frères se souviennent du minuscule bureau de frère Johnston qui, en 1910, faisait office de filiale et qu’ils font des comparaisons avec le Béthel actuel, sans oublier les nouvelles filiales en Rhodésie, en Zambie, au Zaïre, au Kenya, en République malgache et dans l’île Maurice, tous mesurent le chemin qui a été parcouru. Quand ils pensent à la petite presse que Brooklyn envoya en 1924 et qui fut installée par frère Phillips, puis qu’ils contemplent l’imprimerie actuelle pleine de machines et produisant d’énormes quantités de périodiques et d’autres imprimés, tous sont frappés par l’extension prise par l’œuvre. Quand ils se rappellent la petite famille du Béthel qui, en 1951, se composait de 21 membres et qu’ils considèrent l’actuelle famille de 110 frères et sœurs, tous sont impressionnés par l’accroissement. Et quand ils songent qu’en 1931, dans tous les territoires sous la direction de la filiale, on comptait tout juste une centaine de proclamateurs et qu’à l’heure actuelle, dans les mêmes territoires, on dénombre 140 000 prédicateurs, combien ils sont reconnaissants envers Dieu ! À notre époque, ses actes sont aussi prodigieux que par le passé. Aussi s’écrient-​ils avec le psalmiste : “Cela s’est fait de par Jéhovah lui-​même ; c’est chose prodigieuse à nos yeux.” — Ps. 118:23.

[Illustration, page 189]

Béthel d’Elandsfontein, en 1952.

[Illustration, pages 240, 241]

Bureau et imprimerie de la Société Watchtower à Elandsfontein.