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Le Nigeria

Le Nigeria

Le Nigeria

CETTE nation est née au début du XXsiècle, lorsque la Grande-Bretagne réunit dans des frontières communes une étonnante diversité de groupes ethniques parlant plus de 250 langues. Pendant de nombreux siècles, ces gens avaient eu leurs propres royaumes, cités et systèmes sociaux. Cependant, le 1er octobre 1960 le Nigeria est devenu un état souverain indépendant du point de vue politique et, de l’avis des Nigérians eux-​mêmes, c’est ce jour-​là que la nation est réellement venue à l’existence. Des origines si diversifiées ont profondément marqué le pays.

La superficie du Nigeria équivaut à peu près à quatre fois la Grande-Bretagne ou plus de deux fois la Californie. Ce vaste pays est traversé par le Niger, le troisième fleuve d’Afrique, d’une longueur de 4 200 kilomètres, et par la Bénoué. Ce réseau fluvial découpe grosso modo le pays en trois régions. Au nord vivent les Haoussas, les Foulanis et de nombreuses petites tribus. Au sud, à l’ouest du Niger, on trouve les Yoroubas et à l’est les Ibos, ainsi qu’environ 200 autres groupes tribaux. Ces cultures, traditions, langues et religions différentes sont autant de facteurs de division. Mais la langue anglaise a été un important lien unificateur qui a fait des habitants de ce pays une seule nation, la plus peuplée d’Afrique.

UNE VÉRITABLE GAGEURE

Prêcher la bonne nouvelle du Royaume de Dieu dans ce territoire est une véritable gageure. Le Nigeria se trouve juste au nord de l’Équateur. Le long de la côte, le climat est chaud et humide, et on trouve aussi de vastes marécages. Avec de telles conditions, le pays a été ravagé par diverses maladies, telles que le paludisme, la fièvre jaune, la lèpre et les parasites intestinaux. En fait, le Nigeria appartient à cette région d’Afrique occidentale qu’on appelait autrefois “la tombe de l’homme blanc”. Au nord, la situation est quelque peu différente; le pays s’étend jusqu’au Sahara et devient semi-désertique à certains endroits.

La religion prédominante est l’islam. Elle aurait été introduite vers l’an 900 de notre ère, et elle s’est fermement établie dans le nord du pays. Environ la moitié de la population est musulmane, un tiers est “chrétien” et le reste des habitants demeurent attachés à leurs religions ancestrales. Des communautés entières, surtout au sud, ont été “christianisées”, mais cette conversion s’est effectuée à peu près de la même façon qu’en Europe, par la contrainte ou par la séduction. Toutefois, les Nigérians ne sont pas devenus disciples sur le plan personnel. Il n’est donc pas surprenant que les pratiques des cultes ancestraux exercent encore une forte influence dans leur vie.

Les ministres chrétiens doivent aussi faire face à un problème d’une grande ampleur: l’analphabétisme. D’autre part, ils prêchent dans des villages où les gens offrent régulièrement des sacrifices à leurs dieux fétiches, avec de nombreux rites démoniaques. Ils se heurtent à l’opposition de sociétés secrètes, telles que l’Odozi Obodo ou des organisations “juju” comme l’Ekpo. Ils rencontrent souvent des sorciers.

Mais ce n’est là qu’un aspect des choses. Le chrétien qui vient d’un autre continent ne peut s’empêcher d’être impressionné par l’empressement des gens, même de certains musulmans, à parler de religion. De nombreux Nigérians sont de véritables “amoureux” de la Bible. Les journaux consacrent généralement une place importante à des sujets religieux. On voit souvent des noms et des slogans religieux qui font sourire les visiteurs. Une boutique appelée “Société commerciale bénie” ou “Magasin d’alimentation ‘Dieu a la première place’”. Les véhicules portent parfois la devise “Dieu est mon aide”, et il n’est pas rare de lire sur un vieux camion accidenté: “L’homme propose, Dieu dispose.”

DE MODESTES DÉBUTS

L’activité de prédication au Nigeria a été très étroitement liée aux progrès théocratiques des autres pays d’Afrique occidentale. À une certaine époque, la filiale de la Société Watch Tower d’Afrique occidentale, située à Lagos, s’est occupée de l’œuvre au Ghana, en Sierra Leone, au Bénin, au Togo, au Niger, au Cameroun et en Guinée équatoriale. Des pionniers nigérians, des pionniers spéciaux et des missionnaires ont servi dans ces pays ainsi qu’en Gambie, en République centrafricaine et au Liberia. Comment tout cela a-​t-​il commencé?

De toute évidence, c’est vers la fin de l’année 1921 que la bonne nouvelle est arrivée au Nigeria, lors d’une brève visite de Claude Brown dans le pays, visite au cours de laquelle il a prêché essentiellement dans le nord. Frère Brown était Antillais et il avait vécu à Winnipeg, au Canada. Il est revenu au Nigeria en 1923 et a donné plusieurs discours à Lagos.

À cette époque-​là, Vincent Samuels, un Noir américain qui s’était installé comme tailleur à Tinubu Square, à Lagos, conduisait déjà des groupes d’étude de la Bible. Il a pris l’initiative de prêcher de maison en maison et il utilisait le livre La Harpe de Dieu, publication de la Société Watch Tower, dans des groupes d’étude d’une quinzaine de personnes au domicile d’une certaine Mme Odunlami.

James Namikpoh, relieur et imprimeur à l’imprimerie nationale de Lagos, a entendu parler de ces classes et il a commencé à se joindre au petit groupe en 1923. Il a fait de rapides progrès et est devenu le premier Nigérian actif dans la prédication. Mme Odunlami a rapidement suivi. Plus tard cette année-​là, Joshua Owenpa a vu le livre La Harpe de Dieu sur la table d’un collègue de travail au bureau des chemins de fer, à Lagos. Il le lui a emprunté, l’a lu toute la nuit et s’est très vite mis à fréquenter le petit groupe. Il est donc devenu le troisième Nigérian actif dans le service de Jéhovah.

C’est la même année qu’un Jamaïcain du nom de William Brown est apparu sur la scène d’Afrique occidentale. Il venait de La Trinité, île à partir de laquelle il avait prêché dans toutes les Caraïbes. Comme il avait donné le témoignage dans presque toutes ces îles, J. Rutherford, président de la Société Watch Tower, l’a invité à ‘partir pour la Sierra Leone, en Afrique de l’Ouest, avec sa femme et son enfant’.

De là, il a visité le Nigeria en novembre 1923 et a donné son premier discours au Glover Memorial Hall. Au cours de cette brève visite, il a distribué aussi des centaines de publications dans les quartiers d’affaires et dans les bureaux du gouvernement. W. Brown était de retour à Lagos en 1926 et il a donné cette fois des discours devant des foules toujours au Glover Memorial Hall. Lors de cette visite, il a encouragé également frères Namikpoh et Owenpa à élargir leur champ d’activité. Frère Owenpa a raconté par la suite:

“Frère Brown m’invita à entreprendre le service de colporteur [aujourd’hui appelé service de pionnier]; j’ai donc démissionné des chemins de fer (...) le 1er juillet 1927. J’ai aussitôt commencé le service de colporteur. Frère Brown m’a donné des instructions basées sur les Écritures et m’a encouragé en attirant mon attention sur Philippiens 1:28, où il est dit: ‘Sans vous laisser effrayer en rien par vos adversaires; c’est là précisément pour eux une preuve de destruction, mais, pour vous, une preuve de salut.’”

C’est ainsi que Vincent Samuels, originaire d’Amérique du Nord, et deux Antillais nommés Brown ont joué un rôle essentiel dans les débuts de l’œuvre au Nigeria. L’activité avait pris un bon départ et elle allait continuer de croître.

BROWN “LE NOIR” ET BROWN “LA BIBLE”

Claude Brown en vint à être appelé Brown “le Noir”. Quant à William Brown, il fut surnommé Brown “la Bible”. Il nous explique pourquoi: “Quand je donnais un discours, j’utilisais toujours des plaques de lanternes magiques pour projeter chaque texte des Écritures sur un écran et l’expliquer.” C’est en Sierra Leone qu’il fut appelé Brown “la Bible”, car il disait toujours: “Ce n’est pas Brown qui le dit, c’est la Bible.”

William Brown a écrit ceci à propos des chefs religieux: “À cette époque, les gens avaient peu de considération pour ce qu’ils appelaient ‘la religion de l’homme blanc’. Il était donc approprié qu’au Glover Memorial Hall je parle de l’échec de la chrétienté. Par conséquent, j’ai fait paraître une publicité pour le discours dans les trois journaux principaux. Un éditeur catholique a soumis ma publicité à M. Moses Da Rocha, qui a fait publier, à côté de ma publicité, une lettre qu’il avait écrite. Il a fait pression auprès du gouvernement nigérian pour que mes réunions soient interdites ou que l’on y envoie au moins des policiers pour y maintenir l’ordre. Il a fait appel à plusieurs chefs religieux de Lagos pour que leurs meilleurs représentants assistent à la réunion et mettent en pièces mes ‘thèses hérétiques’. Effectivement, des policiers et de nombreux représentants des Églises sont venus.

“Au cours de mon exposé qui discréditait la chrétienté, j’ai été interrompu par maints applaudissements. Quand j’ai donné la parole aux assistants, le fils d’un membre du clergé anglican m’a posé deux questions auxquelles j’ai répondu. Quand il a voulu en poser une troisième, je lui ai dit: ‘Veuillez vous asseoir, s’il vous plaît, pour que les autres puissent s’exprimer.’ (...) J’ai conclu la réunion en proposant le livre Délivrance. (...) Tous les cartons ont été vidés (...) et certains assistants sont même venus chez moi ce soir-​là pour me demander d’autres livres (...), 3 900 en tout! Les gens sont ensuite tous partis chacun de leur côté et ont placé des livres à leurs voisins.”

LAGOS DEVIENT LE SIÈGE DE L’ŒUVRE

Comme le champ nigérian semblait être plus fertile que tout autre pays d’Afrique occidentale, William Brown est venu s’installer à Lagos vers la fin de l’année 1930. C’est également dans cette ville que la Société a établi la filiale pour l’Afrique de l’Ouest. La filiale s’occupait donc du Nigeria, de la Côte-de-l’Or (maintenant le Ghana) et de la Sierra Leone.

En 1931, Ibadan et Lagos figuraient parmi les 166 villes du monde où l’assemblée internationale de Columbus (États-Unis) fut retransmise par liaison téléphonique. Les Témoins nigérians ont joint leurs voix joyeuses à celles de leurs frères pour adopter le “nouveau nom” de Témoins de Jéhovah. La brochure de l’assemblée, Le messager, contenait ce rapport de frère Brown:

“Un témoignage vigoureux est donné [en Afrique de l’Ouest]. Ici, le petit groupe parcourt plus de 3 200 kilomètres le long de la côte en utilisant différents moyens de transport, dont les bateaux à vapeur. Les frères voyagent aussi en train ou en voiture jusqu’à plus de 1 130 kilomètres à l’intérieur des terres. Bien que plus de la moitié de la population soit illettrée dans ce vaste territoire, il est surprenant de voir à quel point ceux qui savent lire s’empressent d’acheter les livres afin d’apprendre à connaître Dieu et la Bible.”

TOURNÉES DE DISCOURS ET TRADUCTIONS DES PUBLICATIONS

Comme ces livres étaient en anglais et que seuls ceux qui parlaient cette langue pouvaient en bénéficier, l’étape suivante à franchir était leur traduction dans les dialectes locaux. La version en yorouba de La Harpe de Dieu (Duru Olorun), traduite par sœur Odunlami assistée de J. Ogunfowoke, avait déjà été publiée en 1930. S. Adediji, un pasteur anglican qui avait commencé à lire les livres de frère Rutherford en 1929, s’était également mis à traduire le livre Délivrance. Puis, en 1931, il a quitté l’Église anglicane et s’est consacré à la traduction du livre Réconciliation et de la brochure Le Royaume, Espérance du Monde. Après cela, il a entrepris le service de pionnier. De nouvelles publications ont encore été traduites dans divers dialectes du pays.

Dès que La Harpe de Dieu a été disponible en yorouba, J. Ogunfowoke en a emporté un certain nombre à Ibadan et à Ilesha. Il a donné des discours en plein air à Ilesha dans deux ou trois endroits, et il a placé de grandes quantités de livres. Il a aussi organisé un groupe d’étude.

De telles tournées de prédication se sont révélées très efficaces pour faire connaître aux gens la vérité. W. Brown a beaucoup voyagé pour donner des discours publics et introduire l’œuvre du Royaume dans des territoires vierges. Il écrivit: “Je ne me sentais jamais à l’aise quand je devais rester au bureau, même pour peu de temps. Je m’organisais pour pouvoir sortir (...) et apporter aux gens la bonne nouvelle oralement et par des messages écrits.

“Quand j’arrivais dans un village (...), j’allais voir le chef et je l’invitais à assister au discours qui allait être prononcé devant chez lui. Il était fréquent que le chef envoie un homme faire le tour du village pour annoncer le discours en sonnant de la cloche. Les serviteurs du chef déployaient un grand tapis et plaçaient une chaise sur laquelle il s’asseyait. Un homme tenait un parapluie au-dessus de sa tête et, parfois, un autre agitait même un grand éventail en plumes d’autruche pour le rafraîchir. Il y avait des milliers d’assistants.”

LA VÉRITÉ CONTINUE DE S’ÉTENDRE

Alfred Nduaguibe a accepté la vérité à la suite d’un discours de frère Brown en 1931. Il a été un pionnier dans l’œuvre de prédication dans presque tout le pays ibo.

Dans le pays yorouba vivait Joseph Ogunniyi, un haut fonctionnaire qui était également ministre remplaçant de l’Église anglicane locale. Joshua Owenpa lui avait rendu visite en passant à Ile Ife en février 1931. Bientôt, huit personnes se réunissaient dans son salon et dans la maison du chef, l’Obajio d’Ife. En octobre 1932, Joseph Ogunniyi est devenu auxiliaire (l’équivalent de pionnier auxiliaire aujourd’hui), car il voulait faire connaître les vérités qu’il avait apprises. Avec trois autres frères il a visité les principales villes, une différente chaque jour. “Nous sommes vite devenus nombreux”, a-​t-​il écrit. La vérité atteignait donc l’ouest, le pays yorouba et des groupes d’étude se réunissaient à Lagos, à Ibadan, à Oyo, à Ile Ife, à Ilesha et à Abeokuta.

Dans la région du centre-ouest, il y avait Egor Egha, un homme très énergique qui a commencé à s’intéresser à la vérité en juillet 1932, après s’être joint à un groupe qui écoutait un discours. Deux jours plus tard, il est allé dans sa ville natale, Oyede, pour expliquer à tous les habitants ce que l’orateur avait dit. Quittant son emploi de coursier au tribunal d’Ughelli, il est devenu un prédicateur zélé à Oyede, puis dans la partie qui va d’Isoko jusqu’à Forcados, et dans toute la région d’Ughelli.

‘ILS NE SE LAISSENT EFFRAYER EN RIEN PAR LEURS ADVERSAIRES’

À mesure que frères Brown, Ogunfowoke, Adediji et Owenpa se déplaçaient dans le pays, ils se heurtaient de plus en plus à une très forte opposition. Quand frère Brown s’est rendu à Ilesha en 1931, l’adjoint de l’administrateur de la région l’a mis à la porte de l’auberge et lui a confisqué tous ses livres. Frère Brown a porté plainte auprès du gouverneur de Lagos, et quand celui-ci a examiné l’affaire il a reconnu que ses fonctionnaires avaient eu tort; il s’est excusé et a rendu les livres à frère Brown. Cependant, l’opposition religieuse dont le jeune groupe d’Étudiants de la Bible était l’objet se faisait plus forte.

Décrivant la situation, frère Ladesuyi déclare: “Les catholiques, les anglicans et d’autres groupes qui étaient auparavant ennemis s’unissaient maintenant contre nous. Ils ont même conspiré avec les chefs païens afin de mettre un terme aux réunions d’étude de la Bible que nous tenions dans un atelier de menuiserie. Nos livres ont été saisis et nous avons été arrêtés plus d’une fois. Quand frère Adediji a été arrêté en 1932, il a été jugé par un tribunal indigène qui lui a fait subir de grandes humiliations et des moqueries.”

À peu près à la même époque, Ogunfowoke a été arrêté à Oyo, car le clergé avait incité l’administrateur de la région à le poursuivre en justice. Puis Joshua Owenpa a été arrêté à Ibadan et il a reçu l’ordre de quitter la ville dans les 24 heures. De plus, à l’instigation du clergé, les Témoins de Jéhovah n’étaient plus autorisés à louer les salles publiques de Lagos. On comprend pourquoi frère Brown avait l’habitude de citer Philippiens 1:28 pour encourager les nouveaux pionniers à ne pas se laisser intimider par leurs adversaires. Ces pionniers, qui ont fait preuve de courage et de détermination, étaient des éléments moteurs parmi les plus de 80 Témoins qui prêchaient alors dans toute l’Afrique occidentale.

Cependant, tous ne sont malheureusement pas restés fidèles à Jéhovah et à son organisation visible. L’un de ces serviteurs à plein temps s’est mis à demander de l’argent aux frères et à utiliser les fonds de la Société de façon malhonnête. Il s’est même sévèrement opposé à la vérité et s’est servi de la presse pour calomnier les Témoins fidèles. Un autre frère a commencé à rechercher un prestige spécial lorsqu’il donnait des discours. Il n’était pas d’accord avec le commandement relatif à la monogamie, et il dénigrait les instructions de la Société qui demandaient aux frères de remettre un rapport de leur activité. Il s’est aussi opposé à ceux qui, en temps opportun, ont commencé à enseigner que tout le monde ne devait pas participer aux emblèmes lors du Repas du Seigneur. Finalement, il a quitté l’organisation et a formé son propre groupe religieux.

LES TRAVAILLEURS BIEN DISPOSÉS SONT BÉNIS PAR JÉHOVAH

Pendant ce temps, les pionniers fidèles prêchaient la vérité dans de nouveaux territoires. En 1933, Peter Otudoh, qui avait été baptisé en août 1932 et travaillait au bureau de la filiale, s’est proposé comme volontaire pour se rendre à Badagri, près de la frontière du Dahomey (aujourd’hui la république du Bénin). Peter et quatre autres frères ont prêché à Ikoyi et à Ipokia, puis à Ijofin et de l’autre côté de la frontière jusqu’à Porto-Novo.

En janvier 1934, la Société a envoyé Alfred Nduaguibe à l’est du Nigeria pour visiter le pays ibo comme pionnier. Il s’est rendu à Port Harcourt en bateau à vapeur, a visité de nombreuses petites villes et villages le long de la côte, d’Abonnema à Calabar, et s’est enfoncé dans les terres jusqu’à Enugu, Abakaliki et même Kaduna, au nord. Il est ensuite rentré à Lagos pour faire un rapport à frère Brown sur ce nouveau territoire. Ce dimanche-​là, après l’étude de La Tour de Garde, frère Brown a demandé aux assistants: “Quels sont ceux qui veulent aller dans l’est du Nigeria pour y trouver les brebis de Jéhovah?” Alfred Nduaguibe, Peter Otudoh et trois autres se sont portés volontaires. Leur activité de prédication n’a pas tardé à faire l’objet d’une grande opposition de la part des chefs religieux. Mais les frères savaient que la bénédiction de Jéhovah reposait sur eux. Comme l’a expliqué frère Otudoh, ils “considéraient les persécuteurs comme des mouches sur le dos d’un éléphant”.

DES DISCOURS PUBLICS ET DES ASSEMBLÉES ENTHOUSIASMANTS

Les discours publics étaient peut-être le trait marquant de l’activité de prédication à cette époque-​là. Et quels sujets les frères choisissaient-​ils? Par exemple, un discours était annoncé à Ibadan par ces mots: “Plus de salaire pour le clergé, voir Ézéchiel 34:10; plus de longues robes pour tromper, voir Zacharie 13:4.” Il n’est pas étonnant que les frères s’attiraient les foudres du clergé!

Les assemblées jouaient aussi un rôle de plus en plus important et le nombre d’assistants ne cessait d’augmenter. Les frères attendaient avec impatience ces véritables festins spirituels. Quels efforts ne faisaient-​ils pas pour y assister! Jacob Ajakaiye raconte qu’avec deux autres frères il a ‘parcouru une distance de 240 kilomètres à pied de Kabba à Ilesha; ils ont pris ensuite un camion pour aller d’Ilesha à Ijebu-Ode, et ils ont dû faire la même chose en sens inverse pour rentrer chez eux’. Frère Egbenoma se rappelle avoir marché 58 kilomètres pour aller à une assemblée à Sapele. Quant à frère Emeghara, il a parcouru 113 kilomètres depuis Aba pour se rendre à une autre assemblée, à Calabar.

Des voyages aussi longs étaient non seulement fatigants, mais très dangereux. Frères Brown et Otudoh, par exemple, ont échappé de justesse à des voleurs armés de couteaux et de machettes sur la route qui va de Benin City à Agbor. Ils ont évité le barrage routier en faisant dévier la voiture sur le côté. Ils ont dû ensuite rouler très vite pour échapper aux bandits qui les poursuivaient.

UN INSTRUMENT EFFICACE POUR PRÊCHER LA BONNE NOUVELLE

En janvier 1936 sont apparus un nouvel équipement et une nouvelle technique: la voiture munie de haut-parleurs. Laissons frère Brown nous en parler:

“C’est vraiment formidable d’entrer dans un village pour la première fois avec une voiture munie de haut-parleurs. Tout le monde nous regarde avec étonnement. (...) Nous demandons toujours le centre du village, et c’est de là que nous opérons. Nous commençons par jouer un cantique entraînant. On voit alors les gens arriver de tous côtés et s’approcher de la voiture. Parfois, des paysans se trouvent à plus d’un kilomètre du village, en train de labourer leurs champs. Quand ils entendent la voix enregistrée (...), ils regardent autour d’eux et même en l’air pour savoir d’où vient la voix de Dieu. Comme ils ne voient personne, ils accourent vers le village (...). Après le discours, nous présentons les livres et les brochures, et c’est alors la ruée (...). Certains jours nous distribuons plus de 1 400 brochures à 1 penny.”

Il y avait alors 250 proclamateurs en Afrique occidentale, dont 38 pionniers et 28 auxiliaires.

DES MÉTHODES DE PRÉDICATION ORIGINALES

On utilisait tous les moyens disponibles pour répandre le message du Royaume: les affiches suspendues à des poteaux, le phonographe, la voiture à haut-parleurs et les porte-voix. Ces porte-voix, qui étaient parfois de vieux haut-parleurs de gramophone, ont fait leur apparition dans tout le pays dès que les frères ont constaté les bons résultats que l’on obtenait avec la voiture à haut-parleurs. Bien sûr, les réactions étaient variées. Ne l’étaient pas moins les méthodes utilisées par ceux qui se servaient de ces porte-voix et les endroits stratégiques où ils choisissaient de s’installer.

Dans le département d’Opobo, au sud-est du Nigeria, Peter Udosen Mkpong grimpait à un arbre dès 4 heures du matin et se mettait à faire retentir son porte-voix en commençant par un cantique suivi d’une allocution biblique. Il a obtenu de bons résultats. Par contre, quand Daniel Uwaekwe et ses compagnons ont essayé d’utiliser le porte-voix à Isiekenesi, les gens les ont attaqués avec des bâtons, des machettes et d’autres armes.

LA FIDÉLITÉ EST MISE À L’ÉPREUVE

Pendant ce temps, la filiale d’Afrique de l’Ouest profitait de certaines améliorations sur le plan de l’organisation, améliorations qui ont été mises en application dès 1938. Les compagnies (congrégations) ont été peu à peu réorganisées afin d’être conformes au modèle théocratique fourni par les Écritures, et la Société a commencé à nommer directement tous les serviteurs. Cela exigeait de chacun une plus grande soumission aux instructions de l’organisation et une fidélité totale envers les dispositions théocratiques. Or la fidélité des frères nigérians a précisément été mise à l’épreuve d’une autre façon, à peu près à la même époque.

En 1939, S. Adediji, qui travaillait au bureau de la filiale, a reçu un article qui tendait à démontrer que le Seigneur Jésus Christ n’était pas présent. Une lettre d’accompagnement prétendait que cet article venait du siège de la Société et demandait qu’il soit lu dans toutes les congrégations à un moment donné. Frère Brown était momentanément absent. Frère Adediji savait que l’article venait d’un apostat canadien nommé Salter. Il savait aussi que La Tour de Garde du 1er juin 1937 (édition anglaise) déclarait que Salter avait été exclu et qu’il fallait “détruire, sans la lire, toute publication de ce genre reçue par la poste ou par tout autre moyen”. Cependant, il a pris des dispositions pour que des copies de cet article soient lues dans chaque congrégation du Nigeria et fassent l’objet de discussions. Cela a causé de grands ravages au sein de plusieurs congrégations. Plus tard, la tendance qu’Adediji avait manifestée à cette occasion l’a incité à se retirer de l’organisation et il est redevenu un membre du clergé anglican.

Par contre, certains frères qui avaient reçu cette lettre ont refusé de la lire à la congrégation, reconnaissant qu’il s’agissait d’une imposture. Leur vigilance et leur fidélité ont contribué à sauvegarder le troupeau.

En 1940, “le petit” est devenu un millier au Nigeria: 1 051 serviteurs de Jéhovah actifs (És. 60:22). Mais de graves pressions allaient encore se faire sentir.

LA SECONDE GUERRE MONDIALE: UNE PÉRIODE DE RESTRICTIONS

Dans de nombreux pays, le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale a valu aux Témoins de Jéhovah de sévères persécutions. Le 10 mai 1940, une ordonnance prise en Conseil privé a interdit l’importation au Nigeria des publications de la Société Watch Tower, sous prétexte que leur contenu était séditieux et indésirable. Mais pour qui étaient-​elles ‘indésirables’? Pas pour le commun peuple, mais pour le clergé, car ces publications dénonçaient les impostures religieuses des Églises. Les membres du clergé ont donc eu recours à la vieille tactique qui consiste à utiliser l’État pour contrecarrer et entraver le message du Royaume.

Bien que l’interdiction gouvernementale ait été prononcée le 10 mai, elle “avait un effet rétroactif à compter du 13 mars”. Pourquoi cela? Parce que 15 450 exemplaires du livre Ennemis en yorouba étaient arrivés de New York le 14 mars. Or le clergé redoutait particulièrement ce livre.

Quand frère Brown a interrogé le gouverneur à ce propos, celui-ci a déclaré que la façon dont la hiérarchie catholique était présentée dans ce livre lui déplaisait. Pour lui, l’Église avait fait du bien au Nigeria. Une discussion s’ensuivit. Frère Brown raconte:

“Je lui ai dit que les gens qui lisaient ces publications étaient de meilleurs chrétiens, plus respectueux des lois que les autres, et je lui ai fait remarquer que dans tout le pays les fonctionnaires avaient témoigné de leur bonne conduite. Il m’a regardé droit dans les yeux en fronçant les sourcils, puis il m’a dit avec un sourire: ‘Vous savez, monsieur Brown, nous sommes à la veille d’un conflit; si les gens lisent vos livres, ils deviendront chrétiens et refuseront de se battre. Après la guerre, vos livres seront à nouveau autorisés.’”

ARRESTATIONS ET PÉTITIONS

Déjà en 1940, certains officiers régionaux et policiers de campagne avaient commencé à arrêter des frères parce qu’ils distribuaient des publications. Des frères ont été arrêtés à Ilesha, mais ils ont été acquittés par le tribunal d’Ile Ife. Le plaignant a même été réprimandé pour son excès de zèle. Quand frère Owenpa a été arrêté à Sapele et que tous ses livres lui ont été confisqués, il a conseillé aux frères de continuer à prêcher en se servant uniquement de leur Bible.

À Lagos, des policiers ont aussi arrêté des proclamateurs qui prêchaient de maison en maison. Le 31 juillet 1941, ils ont confisqué sept camions de livres et 700 disques au bureau de la Société. Bien qu’il ait été convenu que tout cela serait rendu aux frères après les hostilités, plus de 250 000 publications ont officiellement été brûlées en 1943, à la grande stupéfaction du public. The Daily Service, un journal de Lagos, a dit sans ambages que “la destruction de ces livres était tout à fait injustifiable”.

Les frères ont continué à présenter des pétitions au gouvernement, demandant que l’interdiction soit levée; mais la seule concession que les autorités ont faites a été de permettre aux frères de garder leurs bibliothèques personnelles. La Bible était donc le seul livre que les Témoins de Jéhovah pouvaient utiliser dans leur ministère, et ils en ont fait plein usage. D’autre part, ils ont tiré profit des journaux locaux pour faire connaître la théocratie. Dans le West African Pilot, il y avait une rubrique intitulée “Opinion publique” dans laquelle frère Brown faisait régulièrement paraître des articles. Les frères ont également réussi à imprimer des milliers de prospectus (tracts) en anglais et en yorouba sur le plan local, et ils les ont largement distribués. Toutefois, ce sont les discours publics et les études bibliques à domicile qui ont surtout porté du fruit. Les frères ont fait des centaines de nouveaux disciples. Nous allons vous en présenter quelques-uns qui ont accepté la vérité pendant la guerre et ont par la suite servi à la filiale ou comme surveillants itinérants.

BAPTISÉS PENDANT LA GUERRE

Asuquo Akpabio avait 19 ans en 1943, quand il a vu pour la première fois les Témoins de Jéhovah donner des discours en plein air à Itu, près de Calabar. Avec ses amis, il essayait de perturber les réunions des Témoins. Mais cela n’a pas duré longtemps. Ses amis se sont d’abord intéressés à ce qui était dit lors de ces discours et ils ont commencé à étudier avec les Témoins. Puis, n’ayant plus leur soutien, Asuquo a cessé de lancer des remarques désobligeantes quand il a entendu quelqu’un crier dans l’assistance, lors d’un discours: ‘Pourquoi continues-​tu à ruer contre les aiguillons?’ Asuquo est alors parti, mais les Témoins lui ont rendu visite le lendemain et il a accepté d’étudier la Bible avec eux. Ses amis et lui ont été baptisés dans l’année. Se remémorant ces événements, il dit: “Nous sommes devenus des prédicateurs et nous avons affronté la même opposition que nous avions manifestée. Nous étions constamment battus par les prêtres et des membres éminents des Églises.”

Samuel Opara a pris le baptême en 1943, à l’âge de 13 ans. Il avait reçu une éducation religieuse du demi-frère de sa mère, qui était instituteur et pasteur de l’Église africaine locale alors qu’il avait deux femmes. Ayant eu connaissance des livres de frère Rutherford, ce pasteur a reconnu le son de la vérité et il est devenu Témoin de Jéhovah. Samuel a donc aussi connu la vérité et il a fait du service sa carrière, ce qui lui a valu une grande opposition de la part des membres de sa famille et des habitants de sa ville.

Il y avait également Albert Olugbebi, qui a été baptisé en 1945. C’est son père qui lui avait enseigné la vérité. Quand celui-ci a été exclu de la congrégation pour polygamie, Albert est demeuré ferme et, malgré la violente opposition de son père, il a plus tard abandonné une carrière d’avenir dans la fonction publique pour devenir pionnier.

En 1946, la guerre était terminée, et les Témoins du Nigeria se réjouissaient de constater à quel point Jéhovah avait béni son peuple. Ils venaient de traverser six dures années, et pourtant leur nombre avait augmenté. De 636 en 1939, ils étaient passés à 3 542 en 1946. Le temps était maintenant venu de faire de vigoureux efforts, afin que l’interdiction qui pesait sur les publications de la Société soit levée.

UNE PÉTITION EFFICACE

L’Annuaire 1947 (angl.) décrit ainsi la situation: “Au début de l’année, nous avons été informés par le siège [de la Société] que, dans certaines régions des Caraïbes, les frères avaient eu gain de cause grâce à la pétition signée par le public en faveur des Témoins de Jéhovah. Nous avons décidé d’en faire autant [et d’obtenir] de quelques (...) membres du Conseil législatif qu’ils abordent la question lors d’une réunion prévue le 18 mars 1946. (...) Nous avions à peine quinze jours pour nous occuper de l’affaire, mais les frères ont travaillé dur et ont réussi à obtenir plus de 10 000 signatures de gens instruits. (...) Les autorités étaient stupéfaites de voir les noms de presque tous les citoyens les plus éminents (...). [Deux mois plus tard] l’interdiction fut levée, à la grande joie des frères et des gens du territoire qui nous acclamaient où que nous allions. Le gouvernement a fait paraître la nouvelle le 18 mars 1946, et le lendemain matin elle faisait la une de tous les journaux locaux.”

Les frères ont immédiatement écrit aux autorités, afin de récupérer les publications qui avaient été saisies. On leur a rendu ce qui n’avait pas été brûlé par la police. Puis, en décembre, les frères ont eu la joie de recevoir les nouveaux livres “Que Dieu soit reconnu pour vrai!” et “Équipé pour toute bonne œuvre” lors des assemblées “Les nations joyeuses”, auxquelles plus de 5 000 personnes ont assisté.

LES PREMIERS DIPLÔMÉS DE GALAAD ARRIVENT

Un nouveau chapitre de l’histoire des Témoins de Jéhovah en Afrique occidentale a commencé en juin 1947 avec l’arrivée des premiers diplômés de l’École de Galaad en Sierra Leone, en Côte-de-l’Or (aujourd’hui le Ghana) et au Nigeria. Quand frère Brown et tous les membres de la famille du Béthel de Lagos ont accueilli Ernest Moreton et Harold Masinick, originaires du Canada, ainsi qu’Anthony Attwood, originaire d’Angleterre, ce fut vraiment un moment joyeux. Depuis lors, 51 missionnaires étrangers ont servi au Nigeria au fil des années.

Avec l’aide de ces missionnaires qui avaient reçu une formation, le bureau de la filiale et le Béthel ont été réorganisés de façon à ce qu’ils suivent les mêmes directives que le siège de l’œuvre à Brooklyn (New York). Les 201 congrégations ont été organisées en 11 circonscriptions, chacune d’elles étant visitée par un serviteur des frères (surveillant itinérant). Ces surveillants comptaient notamment Samuel Ladesuyi, Asuquo Akpabio, Joshua Owenpa et Amos Wosu. On a commencé à tenir des assemblées de circonscription semestrielles, lesquelles étaient dirigées par un surveillant de district qui, à l’époque, était l’un des missionnaires diplômés de Galaad.

La réunion de service et l’École du ministère théocratique dans chaque congrégation ont également commencé à former les frères plus efficacement, afin qu’ils deviennent des enseignants de la Bible productifs. Au lieu des anciennes méthodes de proclamation au moyen des voitures à haut-parleurs et des messages enregistrés, on accordait désormais plus d’importance à l’activité de prédication et d’enseignement de chaque ministre sur le plan individuel.

LES FRÈRES FONT LA CONNAISSANCE DES MISSIONNAIRES

Les frères étaient impatients de faire la connaissance des nouveaux missionnaires, les premiers frères blancs au Nigeria. Ils ont eu rapidement l’occasion de connaître frère Attwood, car il a accompagné frère Brown à quatre assemblées de circonscription. Les gens qui n’étaient pas Témoins étaient aussi intrigués par ces nouveaux arrivants.

John Charuk, un missionnaire qui est arrivé plus tard, nous raconte un fait qui illustre bien la réaction des villageois: “Tandis que nous nous rendions vers mon logement [à Umutu] (...), la moitié des villageois nous suivaient et, finalement, tout le village s’était réuni pour voir l’homme blanc et son logement, une modeste maison africaine (...).

“Le samedi matin, une cinquantaine d’hommes, de femmes et d’enfants me suivaient pour voir de leurs propres yeux cette chose incroyable: un homme blanc en train de prêcher la bonne nouvelle chez eux avec le concours d’un interprète. (...) Le dimanche, malgré la pluie, 21 personnes ont été baptisées par immersion et 794 assistants ont écouté avec attention le discours public. Deux semaines plus tard, on m’a rapporté que six villageois avaient brûlé et ‘noyé’ leurs jujus [ils les avaient jetés dans la rivière] et étaient maintenant des proclamateurs du Royaume.”

Il y a eu aussi des réactions à Lagos et dans d’autres grandes villes. “Nous étions les premiers Témoins de Jéhovah blancs qui soient jamais venus au Nigeria, raconte frère Attwood. (...) Il est donc facile de s’imaginer que les autres Blancs du pays (...), en particulier les fonctionnaires du gouvernement, étaient (...) un peu inquiets de nos activités. Frère Brown leur avait causé bien des soucis. Ils n’avaient pas tellement apprécié sa prédication hardie dans tout le pays (...); et maintenant, voilà qu’un Anglais (...) effectuait le même genre d’activité; cela avait de quoi les contrarier.”

VISITE DE FRÈRE KNORR

À la fin de la même année, quelques mois après l’arrivée des premiers missionnaires, le président de la Société, N. Knorr, et son secrétaire, M. Henschel, ont effectué leur première visite au Nigeria. Ce fut réellement l’un des moments les plus marquants de l’année. Frère Knorr a donné un discours public à Lagos, puis frère Henschel et lui-​même ont assisté à l’une des deux assemblées organisées à l’occasion de leur visite. En tout, 10 000 personnes à Ibadan et à Lagos ont écouté le discours de frère Knorr, intitulé “Le gouverneur permanent de toutes les nations”. Quelques contretemps lors du voyage les ont empêchés d’assister à l’autre assemblée, en pays ibo. Mais frères Attwood et Moreton ont réussi à traverser le Niger en canoë, et après avoir voyagé en camion pendant la nuit ils sont arrivés à Enugu à temps pour l’assemblée.

À l’assemblée d’Ibadan, on a annoncé que frère Attwood était nommé surveillant de filiale. Frère Brown avait fidèlement occupé cette fonction pendant 25 ans, mais en raison du travail accru à la filiale ainsi que de son âge et de sa mauvaise santé, il était donc préférable qu’une telle charge repose désormais sur des épaules plus jeunes. Frères Moreton et Masinick, qui effectuaient leur ministère à Lagos, sont également venus travailler au bureau de la filiale.

LES PROBLÈMES POSÉS PAR LA POLYGAMIE

Dès 1934, certains critiquaient l’exigence de la monogamie chez les Témoins de Jéhovah, et la polygamie a continué d’être un problème chez les frères. De nombreux hommes qui fréquentaient l’organisation de Jéhovah avaient toujours plusieurs femmes. Il y avait même parmi eux des frères très connus. Ils faisaient une mauvaise application du texte de I Corinthiens 7:20, qui déclare: “Que chacun demeure dans l’état où il était quand il a été appelé.”

Toutefois, quelque temps avant la visite de frère Knorr, La Tour de Garde du 15 janvier 1947 (édition anglaise) a expliqué qu’il fallait se conformer au modèle fourni par les Écritures, savoir une seule femme pour un mari, et cela dans le monde entier. Puis on a envoyé aux congrégations une lettre selon laquelle on accordait six mois aux polygames pour régler leurs affaires conjugales, faute de quoi ils perdraient leurs privilèges. La majorité des frères ont été très heureux que la Société prenne cette position ferme en conformité avec les principes bibliques.

Mais des centaines de Témoins étaient confrontés à un choix: Allaient-​ils abandonner une institution si ancienne et acceptée de tous, pour des principes chrétiens qu’ils ne connaissaient, pour certains, que depuis quelques années, voire quelques mois? Pourraient-​ils prendre position face aux moqueries de leurs amis et à l’opposition acharnée de leur famille? Certains ont reconnu ouvertement qu’ils doutaient de voir les Témoins de Jéhovah réussir là où les Églises avaient échoué. De nombreuses personnes ont prédit que si les Témoins de Jéhovah essayaient d’abolir la polygamie de leurs rangs, ils disparaîtraient tout simplement.

Frère Moreton a rapporté ce qui s’est passé à Ibadan et à Lagos cette année-​là, lorsque frère Knorr a parlé des instructions de la Société à propos de la polygamie: “Johnson Adejuyigbe, d’Akure, avait trois femmes et dix enfants. Dès que tout le monde eut quitté sa maison, il a rassemblé ses femmes et leur a expliqué ce qui devait être fait; il a réglé aussitôt l’affaire.”

Richard Idodia raconte quelle a été sa réaction après avoir écouté le discours de frère Attwood à une assemblée de district un peu plus tôt cette année-​là: “Je n’ai pas attendu la fin des six mois pour renvoyer mes femmes, et je n’en ai gardé qu’une seule.”

Toutefois, certains n’ont pas bien compris que ces instructions émanaient de la Parole de Dieu. Asuquo Akpabio, par exemple, raconte que le frère chez qui il logeait l’a réveillé à minuit et lui a demandé de modifier la communication qui devait être faite à propos de la polygamie. Comme il a refusé d’écouter son hôte, celui-ci l’a mis à la porte sous la pluie battante en pleine nuit. La polygamie a néanmoins été bientôt éliminée des congrégations, et très peu ont quitté la vérité.

PROGRAMME D’ALPHABÉTISATION

Depuis longtemps l’analphabétisme est un énorme problème. En 1946, frère Brown a estimé que sur les 23 millions d’habitants que comptait le Nigeria, à peine un million savaient lire et écrire, et que deux pour cent seulement des habitants du nord étaient de ce nombre.

Bien que chez les Témoins de Jéhovah la proportion de gens qui savaient lire fût plus importante, beaucoup étaient analphabètes. Ils avaient appris la vérité de la Parole de Dieu uniquement en écoutant. Pour participer au ministère d’une façon plus efficace, il était nécessaire qu’ils apprennent à lire. En octobre 1949, on organisa dans les congrégations des cours de lecture et on se servait de manuels préparés par la Société sur le plan local. La campagne d’alphabétisation est toujours en cours aujourd’hui.

CONSTRUCTION ET DESTRUCTION

Au fil des années il devenait de plus en plus difficile de trouver des salles pour les assemblées de district, en raison du nombre toujours croissant d’assistants. Les frères se sont donc mis à construire des immenses abris en bambou, en feuilles de palmiers et en nattes de roseaux tissées sur place, souvent dans des clairières entourées d’une abondante végétation tropicale. Le nombre d’assistants aux discours publics atteignait parfois des chiffres très élevés parce qu’une ville entière était venue écouter le discours. Lors d’une assemblée à Obiaruku, par exemple, dans le centre-ouest du Nigeria, il n’y avait que 300 frères, mais 4 626 personnes sont venues à l’assemblée.

À Okpara Waterside, en février 1949, des gens qui s’intéressaient depuis peu à la vérité et qui étaient venus à l’assemblée de circonscription ont demandé aux frères de se rendre chez eux pour les débarrasser de leurs idoles. L’assemblée a pour ainsi dire mis un terme à l’escroquerie religieuse des prêtres jujus de cette ville. Dans une autre ville, un roi indigène qui avait l’habitude de persécuter les frères a été destitué de ses fonctions et a été chassé de la ville par la population en colère, excédée par la corruption de son règne. Quand les frères se sont réunis pour l’assemblée de circonscription, les chefs de la ville ont mis à leur disposition le palais royal désormais vide. Ils ont pu y tenir l’assemblée et y loger bon nombre de visiteurs.

AU REVOIR, BROWN “LA BIBLE”

Après 27 ans de service en Afrique occidentale, frère Brown et sa famille ont quitté le Nigeria le 4 avril 1950 pour se rendre aux Antilles. La nouvelle était assez importante pour qu’un membre du Conseil législatif qui était également rédacteur au Daily Times publie un article intitulé “BROWN ‘LA BIBLE’ NOUS DIT AU REVOIR, MAIS PAS ADIEU”. On pouvait y lire: “Aujourd’hui, Brown ‘la Bible’ est devenu une institution et c’est l’ami de tous, jeunes et vieux, Européens, Africains, Libanais, et même de ceux qui ne sont pas d’accord avec lui et qui détestent sa propagande religieuse. (...) La silhouette familière de Brown ‘la Bible’ manquera à Lagos, et tous ses amis veulent lui souhaiter, ainsi qu’à Mme Brown, bonne chance dans leur nouveau lieu de résidence, les Antilles.” Dix ans plus tard, à l’occasion de la célébration de l’indépendance du Nigeria, le gouverneur général, qui se souvenait du bon travail effectué par Brown ‘la Bible’ a invité ce dernier et sa femme à revenir au Nigeria comme hôtes du gouvernement.

Dans la lettre d’adieu que les frères ont adressée à frère Brown en 1950, ils ont dit que “l’expression ‘un homme est devenu des milliers’ n’était pas une parole en l’air”. En effet, le nombre des proclamateurs du Royaume au Nigeria avait atteint le chiffre de 8 370. Jéhovah bénissait manifestement son œuvre dans ce pays.

DANS LES TERRITOIRES ÉLOIGNÉS

Des missionnaires ont remplacé frère Brown et ils ont vécu des moments merveilleux en visitant des assemblées en tant que surveillants de district. Ils se sont déplacés en avion, en voiture, en camion, en canoë, à vélo et bien souvent à pied, comme Jésus. Leurs affectations les ont emmenés loin des sentiers battus, dans des villages perdus au cœur de la forêt profonde, la brousse, où le temps semblait s’être arrêté depuis des siècles et où le culte païen des jujus tenait les gens sous son emprise, avec ses sociétés secrètes au pouvoir presque illimité.

John Charuk et son frère Michael, originaires du Canada, étaient venus au Nigeria après avoir suivi les cours de l’École de Galaad en 1949. John raconte sa visite à Aka Ézé pour une assemblée de circonscription:

“J’ai trouvé [les habitants de] Aka Ézé (...) heureux de vivre encore dans des conditions primitives. Toutes les maisons étaient des huttes de terre rondes avec des toits pointus en feuillage. Il n’y a pas de puits et la seule eau potable vient d’un petit cours d’eau peu profond où tout le monde se baigne. (...) Mais les frères ont construit leur propre groupe de maisons dans un enclos à l’orée du village et le maintiennent très propre. Ils ont une belle Salle du Royaume autour de laquelle ils ont planté des fleurs et des arbustes. (...) Après le discours public, auquel 990 personnes ont assisté, plusieurs ont fait cette remarque: ‘Nous aussi nous devons devenir Témoins de Jéhovah.’”

DES DIEUX IMPUISSANTS

À mesure que la vérité pénétrait dans les régions éloignées, de plus en plus de gens se libéraient de la fausse religion et de l’idolâtrie. Cela déplaisait aux sociétés secrètes et aux adorateurs d’idoles qui se sont alors opposés aux frères. Mais d’une façon ou d’une autre les frères trouvaient généralement un moyen de vaincre cette opposition. Par exemple, à Itu, où les sociétés secrètes se sont beaucoup opposées à l’œuvre, l’administrateur, un Canadien, a conseillé à tous les chefs de son district de ne pas lutter contre les Témoins de Jéhovah. Il leur a dit: “Ils ne sont pas nombreux, mais ils sont puissants. Ils ont changé les lois du Canada. Nul ne peut lutter contre eux et vaincre.” Cette déclaration a effrayé les chefs et beaucoup ont assisté au discours public lors de l’assemblée de district à laquelle ils s’étaient opposés, emmenant leurs adeptes avec eux.

Lors d’une assemblée de district dans une autre région du pays, un homme qui était imprégné de démonisme a exprimé son désir d’être libéré de cet esclavage. Comme il craignait de détruire ses idoles, il est venu voir les Témoins tard dans la soirée et leur a demandé de le faire à sa place. Quand une centaine de frères sont arrivés chez cet homme, la nuit était déjà bien avancée. La maison juju a été brûlée, et d’innombrables idoles et amulettes ont été jetées dans les flammes crépitantes. Au moyen d’oracles inspirés par les démons et par l’intermédiaire de prêtres, ces jujus avaient imposé aux gens des règles de vie et des restrictions inutiles. Cet homme avait dépensé tout son argent pour tenter de satisfaire ces idoles. Il était enfin libre!

DE NOUVEAUX DIPLÔMÉS DE GALAAD

En 1951, il fut décidé qu’un plus grand travail devait être effectué à Ibadan. Avec une population de 320 000 habitants, c’était la plus grande ville du Nigeria. (Lagos comptait à l’époque un peu moins de 200 000 habitants.) Une maison de missionnaires fut donc ouverte à Ibadan en avril pour aider les proclamateurs locaux. Le groupe des missionnaires comprenait les frères Charuk et frère Charlie Young, qui était arrivé d’Angleterre avec Wilfred Gooch.

À partir du 1er septembre 1951, frère Gooch a servi comme surveillant de filiale à Lagos. Puis, en décembre, frère Young a commencé à servir comme surveillant de district avec les frères Charuk, et plus tard, quand ses compagnons n’ont pas pu obtenir de nouveaux visas et ont été affectés au Liberia, il est devenu le seul surveillant de district du Nigeria. À partir de ce moment-​là et pendant plus de dix ans, frère Young a parcouru tout le pays, logeant chez des proclamateurs dans les villes et les villages et desservant des assemblées. Tout cela lui a permis d’entretenir des relations très étroites avec les gens et d’avoir peut-être une influence plus grande sur les frères que n’importe quel autre missionnaire étranger qui ait jamais prêché dans le pays. Ce fut une grande perte pour les frères quand il est rentré en Angleterre avec sa femme Anne, en 1965.

Toutefois, les frères se sont réjouis de voir trois Nigérians (Asuquo Akpabio, Matthew Prighen et Reuben Udoh) suivre les cours de l’École de Galaad avec la 18classe et revenir dans leur pays en tant que surveillants de circonscription. Ces trois frères ont été les premiers des 17 Nigérians qui ont assisté aux cours de l’École biblique de Galaad.

RÉACTIONS DIVERSES CHEZ LES POLYGAMES

Les périodiques de la Société continuaient de produire de bons résultats dans la vie des personnes au cœur honnête. Parmi elles, il y avait un chef qui était abonné à La Tour de Garde. Il a reconnu que ce qu’il lisait était la vérité, mais il ne savait pas quelle était l’étape suivante à franchir. Quelque temps plus tard, le surveillant de circonscription lui a rendu visite et ils ont étudié ensemble La Tour de Garde en yorouba. Ayant décidé de devenir Témoin de Jéhovah, il n’a gardé qu’une femme sur les 14 qu’il avait et a pris le baptême.

Par contre, on a découvert qu’il y avait, dans une congrégation établie depuis longtemps et qui avait peu progressé, plusieurs cas de polygamie cachés. Les coupables ont été exclus, conformément aux instructions parues dans La Tour de Garde du 1er mars 1952 (édition anglaise), et la bénédiction de Jéhovah devint de nouveau manifeste dans la congrégation. En l’espace de quelques mois, le nombre des proclamateurs est passé de 130 à plus de 200.

Un an plus tard, dans la congrégation d’Ébute Metta, à Lagos, les frères ont aussi reçu des bénédictions inattendues. Certains frères qui, plusieurs années auparavant, avaient suivi un apostat qui défendait la polygamie ont recouvré une bonne vue spirituelle. Albert Olih, membre de la famille du Béthel, s’est occupé de cette affaire, car il était alors surveillant-président de la congrégation d’Ébute Metta. Voici ce qui s’est passé:

“Un jour, des membres de ‘l’organisation des Témoins de Jéhovah’ [un groupe d’apostats qui s’étaient donné ce nom-​là] sont venus me voir. Ils désiraient savoir comment revenir dans l’organisation théocratique. Ils m’ont dit qu’ils n’étaient plus d’accord avec les autres membres de leur groupe sur la question de la polygamie. On leur a conseillé de quitter ce groupe s’ils étaient convaincus que Jéhovah n’utilisait qu’une seule organisation visible sur la terre. Un dimanche, 100 membres de ce groupe sont arrivés à la Salle du Royaume et ont déclaré qu’ils prenaient position pour Jéhovah. C’était comme si une congrégation était née en un jour. Ils ont ensuite apporté les changements nécessaires dans leur vie.”

LES RÉUNIONS PUBLIQUES À LA MODE NIGÉRIANE

L’œuvre du Royaume continuait à avancer rapidement, et les discours publics dans les villages produisaient de bons résultats. La façon dont ces réunions étaient organisées illustre bien l’atmosphère qui règne dans cette région du monde. Voici la description qu’en fait un surveillant de district, à partir du moment où les proclamateurs arrivent dans le village:

“Le groupe se sépare (...) et tous vont de maison en maison, sauf un proclamateur qui marche au milieu de la rue, annonçant [au moyen d’un grand porte-voix métallique] le discours public. (...) [Plus tard] les Témoins (...) se dirigent vers une grande place au centre du village, sous un énorme manguier. On apporte une table d’une maison voisine (...) ainsi qu’une [lampe à pétrole]. (...) Les Témoins se mettent en demi-cercle devant l’orateur et bientôt trois à quatre cents villageois affluent et se rassemblent derrière les frères. (...) L’obscurité est maintenant tombée et tout est calme (...), tandis que, Bible en main, l’orateur développe son sujet.”

Ces réunions publiques ont pris une nouvelle dimension lorsqu’on a commencé à utiliser les films de la Société. Des villages entiers venaient assister à la projection, et le nombre d’assistants pour une congrégation de quelques proclamateurs pouvait dépasser 500 personnes. Les gens s’asseyaient sur l’herbe, à l’africaine, devant un grand écran surélevé. Quant aux assemblées de circonscription, elles attiraient souvent jusqu’à 8 000 personnes.

DANS LES TERRITOIRES NON ATTRIBUÉS

En 1954, les sorties de prédication dans les territoires non attribués au cours des mois de mai, de juin et de juillet étaient devenues un événement annuel pour les frères. Bien que ce fût alors la saison des pluies, c’était une époque où les frères, dont la plupart étaient fermiers, pouvaient consacrer beaucoup de temps à l’activité de prédication. C’était aussi une période de l’année où l’on trouvait de nombreuses personnes chez elles.

Pendant ces campagnes il était fréquent de trouver quelques “brebis perdues”, mais un groupe de frères a eu l’occasion, plutôt inhabituelle, de trouver toute une congrégation perdue de “brebis”. Cela s’est passé dans une région très isolée, dans les marécages du delta du Niger, où ces proclamateurs n’avaient jamais prêché auparavant. Ils ont rencontré un groupe d’une douzaine de personnes qui étudiaient régulièrement les publications de la Société et qui prêchaient. Ce groupe d’étude était venu à l’existence lorsqu’un proclamateur s’était installé à cet endroit pour son travail profane. Quand il était reparti, les membres de ce groupe avaient continué à étudier et ils prêchaient, bien que personne au bureau de la Société n’ait jamais eu connaissance de l’existence de ce groupe avant qu’il ne soit “découvert” au cours d’une sortie de prédication en territoire non attribué.

On a trouvé un autre groupe de ce genre dans le nord du Nigeria. Les frères avaient vaguement entendu parler de personnes qui s’intéressaient à la Bible dans un village où tous les autres habitants pratiquaient leurs cultes ancestraux. Le proclamateur le plus proche était un pionnier spécial qui se trouvait à 64 kilomètres de là. Accompagné du surveillant de circonscription, il s’y est rendu spécialement à vélo pour rencontrer ces personnes. Après s’être perdus, les deux frères sont finalement arrivés à destination, épuisés. Mais leurs efforts ont été récompensés, car ils ont trouvé plus de 30 personnes qui étaient en train d’étudier autour d’une Bible. Le seul et unique contact qu’elles avaient eu auparavant avec la vérité du Royaume avait été un message verbal.

RESPECT OU ADORATION?

Depuis plusieurs années, les frères qui habitaient près de Warri rencontraient de graves difficultés à cause du miguo, coutume répandue dans la région du delta, et qui consiste à s’agenouiller devant les hommes d’âge. Certains frères âgés de la région avaient décidé qu’il était mal de s’agenouiller devant des hommes, pour quelque raison que ce soit. Le bureau de la filiale avait dit que chacun devait agir selon sa conscience. Mais quelques frères d’un certain âge continuaient d’interdire aux plus jeunes de s’agenouiller et excluaient même pour “idolâtrie” ceux qui le faisaient. Par contre, ceux qui ne voulaient pas observer le miguo étaient persécutés par les gens de l’endroit parce qu’ils refusaient de respecter la coutume, et cela gênait beaucoup de personnes intéressées à la vérité pour lesquelles il ne s’agissait que d’une simple marque de respect.

C’est alors que La Tour de Garde du 15 mai 1954 (édition anglaise) a répondu à cette question: “Devrions-​nous adorer Jésus?” Le problème a été réglé. L’article expliquait clairement la différence entre le fait de s’incliner par respect ou pour saluer quelqu’un et le fait de s’incliner en signe d’adoration ou d’obéissance. La grande majorité des frères ont été satisfaits de ces explications. Mais une petite minorité d’entre eux, qui s’étaient entêtés depuis longtemps, étaient maintenant trop fiers pour revenir sur leur position et ils ont quitté l’organisation.

UNE MEILLEURE ORGANISATION

Comme le gouvernement lui avait refusé son visa en 1952, ce n’est qu’en novembre 1955 que frère Henschel a pu revenir au Nigeria. La présence de frère Henschel à Aba et à Ilesha a donné un caractère spécial aux assemblées du “Royaume triomphant”, qui ont rassemblé quelque 34 000 personnes.

Après sa visite, on a procédé à diverses mises au point dans les congrégations et les circonscriptions. En effet, les individus devaient recevoir une plus grande aide personnelle afin de progresser vers la maturité. Dans de nombreuses circonscriptions, près de 25 pour cent des proclamateurs n’étaient pas baptisés. Un programme d’enseignement a donc été mis sur pied, afin d’aider ces proclamateurs à progresser jusqu’à l’offrande de leur personne à Jéhovah et jusqu’au baptême. Les congrégations ont été réorganisées et fortifiées; pour cela on a réuni des petits groupes de proclamateurs à d’autres groupes plus forts qui se trouvaient à proximité. On a également diminué la taille des circonscriptions, ce qui permettait au surveillant de circonscription de visiter les congrégations trois fois par an au lieu de deux et d’apporter aux proclamateurs une aide plus assidue.

À peu près à la même époque, on s’est rendu compte que de nombreuses congrégations faisaient de la célébration du Mémorial une affaire publique qui se déroulait sur la place du marché. On comptait même les passants dans l’assistance. Le nombre des assistants était donc surévalué et il y avait parfois des incidents et des disputes provoqués par des opposants. Des instructions ont été publiées dans l’Informateur (aujourd’hui Notre ministère du Royaume) pour mettre un terme à cela. Le nombre d’assistants a diminué (24 330 en 1956 contre 33 027 en 1955), mais le Mémorial a été célébré avec beaucoup plus de dignité.

L’attention fut également portée sur la distribution des périodiques. Les frères commençaient à en apprécier toute la valeur pour la prédication de la bonne nouvelle. En janvier 1957 La Tour de Garde en yorouba et en ibo a été éditée en couleurs, avec une nouvelle présentation. Les frères étaient enthousiasmés. Dans une congrégation de Lagos, la moyenne des placements de périodiques est passée de 0,7 par proclamateur en septembre à 7 en janvier. Lors d’une “journée des périodiques”, un frère en a placé 73 en deux heures sur une place de marché. “Les gens nous couraient après dans la rue pour avoir des périodiques”, a raconté un autre proclamateur.

Étant donné que ‘les gens venaient littéralement à nous’, il a fallu nous montrer vigilants envers les candidats au baptême. À partir du 1er janvier 1956, on a confié aux surveillants de congrégation la responsabilité de faire passer un examen aux candidats et de signer un papier que ceux-ci devaient présenter à l’assemblée pour pouvoir être baptisés. Les candidats devaient avoir étudié tout le livre “Que Dieu soit reconnu pour vrai!”, étudié la Bible depuis au moins six mois et ils devaient remplir les conditions de base requises par le christianisme.

DES MARIAGES HONORABLES

En septembre et en octobre 1956, plusieurs articles de La Tour de Garde qui traitaient de la question du mariage se sont révélés très utiles. Ils abordaient des problèmes comme le prix de l’épouse, qui atteignait parfois des sommes exorbitantes, les mariages à l’essai, les relations sexuelles pendant les fiançailles et les mariages non enregistrés légalement. Les mariages qui avaient été célébrés selon les coutumes ancestrales devaient désormais être enregistrés légalement. Un formulaire intitulé “Déclaration de mariage” a été créé, mais son usage était strictement réservé à ceux dont le conjoint incroyant refusait de faire régulariser son mariage. Toutefois, la Société a mis l’accent sur les nombreux avantages qu’il y avait à faire enregistrer son mariage selon les dispositions de la loi du Nigeria et non selon les anciennes coutumes ancestrales. Par conséquent, de nombreux couples ont régularisé leur situation dans plusieurs régions du pays.

Citons le cas remarquable d’un frère de 99 ans et de sa femme, âgée de 55 ans. Bien qu’ils aient déjà été mariés selon les coutumes locales, on a pu lire dans un journal: “Depuis trente-quatre ans, un homme et une femme vivaient ensemble. Ils ont eu sept enfants. Hier, (...) ils ont été déclarés mari et femme au Bureau d’enregistrement des mariages de Lagos. M. Edo (...) est un membre de la secte des Témoins de Jéhovah, et sa femme et lui prêchent l’évangile.”

Depuis lors, le gouvernement a autorisé la célébration de mariages dans nombre de Salles du Royaume du pays. Les anciens nommés dans les congrégations sont autorisés par le gouvernement à procéder à l’enregistrement légal des mariages dans ces salles.

DES RASSEMBLEMENTS HISTORIQUES

Au début de l’année 1958, nous avons tenu une assemblée vraiment historique à Benin City. Pour la première fois, les frères qui parlaient différentes langues se réunissaient dans des huttes séparées sur le même terrain d’assemblée. Neuf langues étaient représentées, et il y a eu un total de 19 731 assistants et 740 baptêmes. Parmi les personnes présentes au discours public il y avait l’Oba (le roi traditionnel) du royaume du Bénin, Akenzua II, qui a exprimé son appréciation devant tous les assistants.

À la fin de l’année de service, le Nigeria était représenté à l’assemblée internationale “La volonté divine” à New York par 12 délégués. Parmi eux se trouvaient notamment deux étudiants de l’École de Galaad qui ont reçu leur diplôme le premier jour de l’assemblée.

Puis, au début de l’année 1959, un appel fut lancé à tous les Témoins du Nigeria: “Venez à Ilesha du 12 au 15 mars!” Pourquoi? Pour assister à l’assemblée nationale “La volonté divine”, à laquelle frère Knorr serait présent. Le gouvernement lui avait refusé l’entrée au Nigeria en 1952. Le dimanche, 27 926 personnes, appartenant à 11 groupes linguistiques différents, ont écouté très attentivement frère Knorr prononcer le discours “Un paradis terrestre grâce au Royaume de Dieu”. Les assistants ont également été heureux de recevoir le nouveau livre Du paradis perdu au paradis reconquis, livre qui convenait particulièrement à l’Afrique, étant donné les problèmes de l’analphabétisme.

DES COURS QUI RÉPONDENT À NOS BESOINS

L’École du ministère du Royaume, réservée aux surveillants, débuta à Lagos en septembre 1961. Ce cours avait pour but d’aider les anciens à mieux s’acquitter de leurs responsabilités. Les cours d’alphabétisation produisaient aussi de bons résultats. Le programme avait été amélioré et de meilleurs manuels étaient disponibles. Les frères étaient aussi encouragés à coopérer avec les programmes d’alphabétisation du gouvernement, et beaucoup ont appris à lire grâce à cette disposition.

En 1952, un frère avait si bien appris à lire qu’il a été nommé instructeur du cours de lecture de la congrégation, alors qu’il était illettré quatre ans plus tôt. Ézékiel Ovbiagele était analphabète quand il a pris le baptême en 1940. Il a suivi les cours d’alphabétisation et a donc appris à lire et à écrire. Il est devenu pionnier et, en 1953, il était assez qualifié pour être nommé surveillant itinérant.

Beaucoup de ceux qui ont appris à lire étaient déjà plus âgés et pensaient avoir perdu leurs facultés d’assimilation mentale. Mais leur désir de lire personnellement les Écritures et de les enseigner à autrui a stimulé leur envie de s’instruire. Une sœur qui avait plus de 60 ans et qui était malade depuis une vingtaine d’années faisait 8 kilomètres en canoë chaque semaine pour assister à son cours de lecture. Elle a démontré ses progrès lors d’une assemblée de circonscription en 1952 quand elle s’est levée et a pu lire couramment dans les Écritures. Quelle joie de constater de tels progrès!

En 1962, plusieurs milliers d’adultes avaient appris à lire grâce à ces cours. À ce propos, frère Gooch a déclaré: “Les Salles du Royaume sont utilisées pour les cours de lecture auxquels tout le monde est invité.” Pour illustrer ses propos, il a parlé de la congrégation d’Umuochita. De nombreux villageois assistaient aux réunions de la congrégation parce que la Salle du Royaume était devenue leur “école”. Les chiffres démontrent qu’entre 1962 et 1984 19 238 adultes ont encore appris à lire et à écrire grâce aux cours organisés dans les congrégations.

LE DÉPART DE FRÈRE GOOCH

En 1963, après avoir suivi un cours spécial de dix mois à l’École de Galaad à Brooklyn, Wilfred Gooch a été nommé surveillant de filiale des îles Britanniques où sa femme, Gwen, l’a rejoint. Il avait servi au Nigeria pendant douze ans et avait beaucoup contribué à stabiliser l’organisation de la filiale et des congrégations.

Woodworth Mills, qui servait au Nigeria depuis 1956, l’a remplacé en tant que surveillant de filiale. Frère Mills, originaire de la Trinité, et sa femme Oris avaient été pionniers à Aruba avant d’être invités à l’École de Galaad et envoyés au Nigeria.

UNE FOI SOLIDE AU MILIEU DES TROUBLES POLITIQUES

À la suite de la déclaration de l’indépendance, le pays a traversé une crise politique et la situation économique se détériorait de jour en jour. En mai et en juin 1964, il y a eu de graves troubles chez les ouvriers, notamment des émeutes et des grèves des employés des postes et des dockers. Mais ce n’était qu’un avant-goût de ce qui était à venir. Les Témoins de Jéhovah sont restés en dehors de tout cela. Ils ont poursuivi activement l’œuvre de témoignage.

Des conditions aussi instables ont eu des répercussions sur l’activité de prédication. Mais les 35 039 proclamateurs faisaient ce qu’ils pouvaient, et il y avait de belles perspectives d’accroissement. Parmi ceux qui servaient les intérêts du Royaume, il y avait de nombreux proclamateurs âgés qui manifestaient une foi solide. En mettant leur confiance en Jéhovah, ils ont prouvé qu’ils avaient une force supérieure à la normale. Par exemple, pour assister à l’assemblée “Les fruits de l’esprit”, qui s’est tenue à Oshogbo en 1964, un frère de 80 ans a parcouru 156 kilomètres à pied.

L’ÉCHEC DU JUJU

À cette époque-​là, 1919 proclamateurs étaient dans l’une des formes du service à plein temps. Ils prêchaient la vérité dans de nouveaux territoires et formaient des congrégations dans des villages éloignés. Ils devaient souvent affronter l’opposition des démons, comme cela s’est passé dans le village d’Ago-Sasa.

Parce qu’un pionnier n’avait pas tenu compte de l’ordre qu’on lui avait donné de quitter le village dans les sept jours, un prêtre du dieu tribal Sango l’a maudit. Le lendemain, alors que ce n’était pas la saison, un orage a éclaté près de la Salle du Royaume où le pionnier était en train d’étudier individuellement. La foudre a détruit un arbre à proximité de la salle et a momentanément immobilisé le frère. Quelques jours plus tard, un villageois lui a fait la remarque suivante: “Vous devez avoir des médecines très puissantes. Quand le prêtre de Sango vous a quitté, il a pris de la kola amère [la noix d’un arbre tropical] et une volaille, et il vous a jeté un sort devant Sango. Sango a frappé votre salle, mais vous avez survécu. Aujourd’hui, ce prêtre a été foudroyé chez lui et il est mort.”

Il n’y avait à l’époque qu’une étude de livre à Ago-Sasa. Mais les habitants du village qui avaient entendu le prêtre menacer le pionnier considéraient qu’il s’agissait d’une épreuve de force entre les dieux. Convaincus de la suprématie de Jéhovah, de nombreux villageois se sont intéressés à la vérité.

LES DIFFICULTÉS COMMENCENT

Les émeutes de 1964 se sont révélées n’être qu’un petit aperçu de ce qui était à venir. Les troubles politiques, les révoltes de l’armée, le mépris de la loi et la violence tribale n’ont cessé d’augmenter en 1965. Finalement, le 15 janvier 1966, il y a eu un coup d’État fomenté par les officiers de l’armée. Le pays s’est donc retrouvé sous la poigne d’un régime militaire.

Ces événements ont rendu l’activité de prédication très difficile. Pourtant, en avril 1966 on a atteint pour la première fois le chiffre d’un million d’heures dans la prédication, et la 800congrégation a été formée. Il est intéressant de noter que sur 42 000 proclamateurs qui ont participé au service du champ en 1965, 4 280 avaient entre 51 et 70 ans; 808 avaient plus de 70 ans, et bon nombre de ces derniers faisaient partie des 5 460 proclamateurs qui étaient dans la vérité depuis plus de 15 ans. Ils avaient déjà apporté la preuve que leur foi était solide.

Au milieu de l’année 1966, il y avait 1514 proclamateurs et 26 pionniers spéciaux dans les provinces du nord. Ce sont eux qui ont enduré les épreuves les plus sévères pendant cette période.

De violentes émeutes ont éclaté en mai et se sont poursuivies par intermittence jusqu’en octobre. L’assassinat de leurs chefs politiques et religieux pendant le coup d’État, la position politique des chefs ibos ainsi que la réussite des Ibos qui travaillaient dans le nord, tout cela avait soulevé la colère des tribus du nord. Elles se sont donc retournées contre les Ibos qui ont été les principales victimes des massacres. La plupart des frères étaient ibos et ils ont dû fuir de leurs villes natales vers le sud-est. Malgré cela, vingt d’entre eux, y compris des serviteurs et des pionniers, ont été tués. Beaucoup ont perdu tous leurs biens. Deux Salles du Royaume ont été incendiées et d’autres ont été gravement endommagées. Vers la mi-septembre, la prédication de la bonne nouvelle dans le nord avait pour ainsi dire cessé.

LA NEUTRALITÉ EST UNE PROTECTION

La Société a immédiatement organisé des secours en envoyant des vêtements et divers objets domestiques. Pendant cette période la position de neutralité des frères, ainsi que l’activité de prédication qu’ils avaient menée, a valu à beaucoup d’entre eux d’être protégés.

À Zaria, des émeutiers ont pénétré dans un groupe de maisons, et ils commençaient à détruire les bâtiments quand leur chef les a soudain arrêtés, en s’écriant: “Les gens qui vivent ici n’ont rien à voir avec nos problèmes politiques.” Il avait vu les frères et nos publications dans les maisons.

À Kano, un frère rentrait chez lui à pied avec un collègue de travail quand, soudain, ils ont été encerclés par une foule. Le frère a été jeté à terre. Tandis qu’un homme sortait un couteau pour le tuer, un autre s’est exclamé: “Arrête! Ne le touche pas! Il m’a prêché il y a deux jours.” Les autres hommes ont convenu que le frère ne faisait pas partie de ceux qu’ils cherchaient. Ils l’ont donc laissé, mais ils ont tué son compagnon qui n’était pas Témoin.

COMMENT AFFRONTER LA CRISE

Malgré la violence qui gagnait tout le pays, 67 376 personnes ont assisté aux trois assemblées de district “Fils de Dieu, fils de la liberté” en novembre 1966. Toutefois, la situation politique se détériorait rapidement. Les Ibos étaient harcelés dans le pays haoussa au nord et dans le pays yorouba à l’ouest. Même les membres de la famille du Béthel qui parlaient ibo étaient menacés par la montée du terrorisme. Le pays ibo à l’est était de plus en plus isolé.

Frères Mills, Akpabio et Olih, de la filiale, ont effectué une visite dans l’est du Nigeria en avril 1967. Ils ont apporté des encouragements et des conseils aux frères. Il était temps, car le mois suivant le pays était en guerre.

LA GUERRE CIVILE

Les États de l’est se sont séparés de la Fédération du Nigeria le 30 mai, et ils ont créé la république du Biafra. À cause de l’état d’urgence, la situation devenait critique. L’armée fédérale a été mobilisée. Un blocus économique total a été décidé contre l’est, et toutes communications par téléphone, télégraphe, courrier, air et terre ont été coupées. Toutes ces tensions ont conduit à l’explosion d’une violente guerre civile.

À la mi-juin, avant que les combats n’aient pris toute leur ampleur, frères Mills et Akpabio ont effectué une visite hasardeuse de 12 jours au Biafra. Ils ont organisé des réunions avec les frères et les ont aidés à comprendre l’importance de maintenir une stricte neutralité chrétienne et de rester proches de l’organisation de Jéhovah. On a organisé une distribution du courrier “de la main à la main” et des dispositions ont été prises pour envoyer les instructions de la filiale et les publications à Asaba, sur la rive ouest du Niger. On espérait qu’elles pourraient ensuite être transmises à l’est. Mais le 15 août la guerre avait atteint le centre-ouest, et la filiale s’est retrouvée coupée de deux autres districts et de 22 circonscriptions de cette région. Cela a causé de graves perturbations, car c’est par le centre-ouest que l’on communiquait avec les régions de l’est et que l’on y acheminait les publications. Cette voie était désormais fermée.

Heureusement, cette situation n’a pas duré. Même pendant cette période, l’esprit pionnier était très vivant chez les frères des régions touchées. Un frère qui était alors surveillant de circonscription dans cette région se rappelle: “Même quand nous avons été coupés de la filiale pendant la guerre en 1967, les proclamateurs avaient un tel désir d’être pionniers que nous avons dû former un comité spécial pour procéder à des nominations provisoires.”

L’INTÉGRITÉ ET L’ACCROISSEMENT PENDANT LA GUERRE

Comme le Biafra était déchiré par la guerre, les frères ibos n’ont pas pu se joindre aux 47 452 personnes qui ont assisté aux assemblées de district “Faites des disciples” en décembre 1967 et en janvier 1968. Mais ils étaient actifs dans la prédication. Grâce aux quelques nouvelles qui pouvaient passer, on a appris qu’ils avaient atteint un maximum de 11 812 proclamateurs en décembre, et qu’au mois de mars suivant 16 302 proclamateurs s’étaient réunis en 217 endroits différents pour le Mémorial. Dans une région, les frères ne disposaient que d’une seule bouteille de vin; aussi chaque congrégation en a-​t-​elle reçu à peu près deux cuillerées pour célébrer le Mémorial.

Ces chrétiens voués à Jéhovah ont maintenu une stricte neutralité durant le conflit. Dans l’ensemble, les autorités du Nigeria n’ont pris aucune mesure contre les frères. Par contre, les autorités biafraises rejetaient toute position de neutralité. Un officier divisionnaire a déclaré: “Ceux qui ne sont pas disposés à nous aider à gagner cette guerre pour la survie doivent être prêts à quitter la république.” Les journaux biafrais ont publié des commentaires hostiles à nos frères et il y a eu une vague de provocation qui a monté l’opinion publique contre eux. Le feu de la persécution était de plus en plus intense.

À mesure que les combats se rapprochaient d’eux, les frères s’enfuyaient par groupes dans la brousse. Se déplaçant continuellement, ils construisaient des huttes dans lesquelles ils tenaient quotidiennement des réunions bibliques. Les gens qui les observaient étaient très étonnés de voir qu’ils ne pillaient pas les propriétés abandonnées qu’ils trouvaient sur leur passage. Ils mouraient presque de faim, mais ils ne cueillaient même pas le manioc dans les fermes abandonnées. Quand la nourriture est devenue si rare que les gens affamés en ont été réduits à manger de la chair humaine, les frères ne les ont pas imités. Mettant leur confiance en Jéhovah, ils ont survécu en mangeant des lézards, des serpents, des sauterelles, tout ce qui contenait des protéines ou qui pouvait leur remplir l’estomac sans les empoisonner.

Pendant cette période, les frères étaient traqués comme des bêtes. Beaucoup ont été traînés de force devant les entrepôts de l’armée et ont été brutalement battus parce qu’ils refusaient de prendre les armes. Un pionnier a reçu 374 coups. Lorsqu’un autre pionnier, un jeune, a déclaré qu’il était déjà un soldat du Christ, on l’a frappé à la tête et on lui a dit: “Ton affectation comme soldat du Christ est caduque; à présent, tu es un soldat du Biafra.” Avec courage il a répondu: “Jéhovah ne m’a pas encore informé que ma nomination comme l’un de ses soldats est caduque, aussi je considère qu’elle est valable jusqu’à nouvel ordre de sa part.” Il a subi encore d’autres brutalités. Il a même été emmené de force sur le front, mais comme il n’avait pas de numéro matricule le commandant a déclaré: “Je ne peux pas utiliser un soldat non identifié.” Il a ordonné qu’on le renvoie au camp et qu’on lui attribue un numéro. En route, le soldat qui l’accompagnait lui a dit: “Si tu veux, tu peux t’en aller. Tu n’as pas de numéro et personne n’arrivera à te retrouver.” Le frère l’a remercié et il est parti.

Un autre frère a été détenu et torturé dans un bunker souterrain à Atani sur le bord du fleuve Niger. On avait désigné un frère infirme pour lui porter de la nourriture. Celui-ci a fait savoir que notre frère manquait d’oxygène et était couvert de sueur; malgré cela, notre frère ne cessait de chanter des louanges à Jéhovah. Il encourageait les autres frères à rester courageux et forts. Quelques jours plus tard, il mourait en chantant les louanges de Jéhovah.

UN DIEU AUX ACTES DE SALUT

De tels exemples ont appris aux frères que Jéhovah fortifie ses serviteurs afin qu’ils puissent endurer, même jusqu’à la mort. Mais beaucoup ont survécu. Certains se sont enfuis après avoir été enterrés vivants, mis en joue par des pelotons d’exécution, battus et laissés pour morts, liés et brûlés. Il n’est pas étonnant qu’ils aient ensuite parlé de Jéhovah comme d’un Dieu aux actes de salut. — Ps. 68:20.

Les sœurs également ont subi de sévères épreuves. Des soldats ont essayé d’en violer certaines. Lorsque cela lui est arrivé, une sœur a prié Jéhovah, puis elle a feint une crise d’épilepsie et s’est évanouie, de l’écume à la bouche; en voyant cela, les soldats ont pris leurs jambes à leur cou. Frère Ekong, d’Uyo Afaha Nkan, a été abattu parce qu’il refusait de laisser les soldats violer sa fille, et d’autres frères ont également été mis à mort pour s’être opposés à ce que leur femme ou leurs filles soient violées.

L’AIDE DES SURVEILLANTS ITINÉRANTS

Les surveillants de circonscription se sont montrés courageux et ont affermi les frères spirituellement, tel Benjamin Osueke, qui travaille maintenant à la filiale de Lagos avec sa femme. Voici quelques-uns de ses souvenirs:

“Les Témoins se sont révélés être les gardiens de leurs frères, au vrai sens du terme. Les frères qui venaient des régions les plus touchées étaient hébergés par ceux qui habitaient des régions plus calmes. Comme les femmes étaient relativement plus libres de leurs mouvements que les hommes, nos sœurs procuraient de la nourriture aux frères qui se cachaient pour échapper à la conscription. Avec l’aide d’une sœur qui était pionnier permanent, j’ai pu visiter plusieurs groupes de proclamateurs en pleine brousse. Les autres surveillants de circonscription étaient tout aussi vigilants, essayant de localiser les cachettes des frères dans la brousse pour leur rendre visite et leur apporter un encouragement spirituel. Les frères appréciaient ce que nous faisions pour eux et ils prenaient aussi des risques pour nous. Isaac Nwagwu, par exemple, m’a fait traversé dans un canoë le fleuve Otamiri, prenant ainsi de grands risques. Un groupe de proclamateurs étaient venus me voir, et l’un d’eux s’est exclamé: ‘C’est le plus beau jour de ma vie! Je n’aurais jamais pensé que je survivrais et que je pourrais voir à nouveau un surveillant de circonscription. Même si je meurs maintenant dans cette guerre, je suis satisfait.’”

Parmi ceux qui ont beaucoup fortifié et encouragé les frères figuraient six missionnaires diplômés de l’École de Galaad. Les trois surveillants de district ont constitué un comité qui organisait et dirigeait l’œuvre. Ils restaient en contact avec les proclamateurs, rassemblaient les rapports de service et préparaient des assemblées de circonscription. Mais étaient-​ils en mesure de communiquer avec l’extérieur?

JÉHOVAH POURVOIT

Au début de l’année 1968, les autorités biafraises ont nommé deux de leurs fonctionnaires à des postes importants et “délicats”, l’un en Europe et l’autre sur le terrain d’aviation du Biafra. Or il s’avérait que ces deux hommes étaient non seulement de bons amis, mais également des Témoins de Jéhovah. Tout surpris de se rencontrer à Port Harcourt pour la première fois en mars 1968, ils ont reconnu que leur affectation à ces postes permettait d’établir des communications entre les frères et la Société, et ils ont donc discuté de ce qu’ils pourraient faire.

C’était un rôle très délicat et très risqué, mais ces frères ont compris que la situation avait certainement été voulue par Jéhovah. Conscient de cela, l’un d’eux a déclaré que “cet arrangement dépassait tout ce que les hommes auraient pu manigancer”, et que cela n’aurait pas pu se produire “par un simple concours de circonstances”. Les bureaux de la Société à Lagos, à Londres et à Brooklyn ont été mis au courant de la situation, et les communications ont commencé à circuler régulièrement. Par cette même chaîne de communications on a pu faire parvenir aux frères en difficulté des secours matériels en provenance du Gabon et du Dahomey (aujourd’hui le Bénin).

UNE FORCE SPIRITUELLE REMARQUABLE

Les frères du monde entier ont bientôt eu connaissance des conditions physiques pénibles dans lesquelles nos frères du Biafra vivaient. Ils ont également entendu parler de leur intégrité, ce qui les a fortement encouragés (voir Philippiens 1:14). Des milliers de frères rassemblés au Yankee Stadium en 1969, pour l’assemblée internationale “Paix sur la terre”, ont été très émus en entendant ce fait:

“Un jeune frère, Christopher Utoh, comme d’autres jeunes, a été arrêté pour être enrôlé dans l’armée. Il a refusé de transiger avec sa conscience. Il a donc été battu, emprisonné, menacé de mort et privé de nourriture. Épuisé par un mois de tortures, il a été convoqué devant l’officier qui commandait la division. De nouvelles menaces n’ont pas réussi à briser sa détermination. Finalement, l’officier l’a relâché avec ce papier signé:

“‘Pour qui de droit: Le ministre religieux à plein temps, dont le nom figure ci-dessus, a été libéré ce jour du recrutement de la conscription. Sa libération est fondée sur des motifs religieux et tous ceux qui sont concernés sont priés de lui apporter toute l’assistance nécessaire et de l’aider à s’acquitter de ses responsabilités en tant que ministre ordonné de Jéhovah Dieu.’”

Les frères étaient pauvres matériellement, harcelés et dans la détresse sur le plan physique, mais ils étaient forts spirituellement et ils ont maintenu leur intégrité envers Jéhovah, leur attachement à son organisation visible et leur zèle dans le service divin. Les pionniers travaillaient particulièrement dur. Samuel Onyedire, qui était alors surveillant de circonscription, nous en parle:

“Les bombardements aériens massifs, la poursuite acharnée des jeunes garçons et des hommes valides, et les campagnes de recrutement ne constituaient guère des conditions favorables, mais les pionniers savaient que la bonne nouvelle doit être prêchée, que les conditions soient bonnes ou mauvaises. Beaucoup sont donc restés attachés à leur mission. D’autre part, ils étaient conscients que le service à plein temps leur permettait de garder un bon discernement et l’équilibre spirituel. Grâce à cette compréhension, ils avaient la force intérieure et l’endurance nécessaires pour persévérer. Enfin, ils prêchaient tôt le matin ou tard dans la soirée, car les bombardements aériens ne commençaient généralement pas avant dix heures du matin. Ils dirigeaient aussi des études bibliques à tout moment approprié de la journée. (...) Pendant les campagnes de recrutement, les pionniers saisissaient les occasions pour prêcher les villageois qui se cachaient dans la brousse. Ils pouvaient ainsi réconforter les gens déprimés, faire des nouvelles visites et même diriger des études bibliques dans leur ‘territoire mobile’. Les gens n’en revenaient pas. Ils ne comprenaient pas que quelqu’un puisse risquer sa vie uniquement pour faire connaître ses croyances. Mais les frères étaient des pionniers heureux.”

LES ASSEMBLÉES “PAIX SUR LA TERRE” RÉCONFORTENT LES FRÈRES

Les assemblées “Paix sur la terre” ont permis de soutenir le courage de ces frères assiégés mais persévérants. Aujourd’hui encore, en regardant en arrière, il semble miraculeux que deux des surveillants de district aient pu assister à l’assemblée de Londres en 1969. Toutefois, bien que le Biafra ait été coupé du monde et qu’il ait été pour ainsi dire impossible de quitter le pays, des dispositions ont été prises pour que ces deux frères puissent partir. Ils sont arrivés sur le terrain d’aviation d’Uli pendant la nuit et, en dépit des grands risques qu’ils couraient, ils ont pris l’un des avions qui avaient apporté du secours au Biafra. Ils se sont donc envolés pour Londres via São Tomé et Lisbonne. Là, ils ont rencontré frère Knorr et ils ont reçu de chaleureux encouragements et des conseils de la part de frère Franz. Des dispositions ont été prises pour que des secours soient envoyés aux frères qui étaient dans le besoin, notamment de la nourriture, des médicaments, des publications et des vêtements.

Au Nigeria, l’assemblée “Paix sur la terre” s’est tenue à Ilesha en décembre, en pleine guerre. Bien que ce fût une assemblée nationale, il n’y avait que quelques frères ibos d’Enugu parmi les 97 201 assistants. Mais ceux qui étaient là se sont certainement réjouis d’être parmi de si nombreux frères et d’accueillir les 3425 baptisés. Étant donné que la neutralité des frères était bien connue, l’armée fédérale a coopéré pleinement avec les délégués de l’assemblée. Non seulement ces derniers ont reçu des laissez-passer pour leurs véhicules, mais tous les soldats qui gardaient les barrages routiers ont reçu l’ordre écrit de “les traiter avec politesse et de les aider au besoin”.

DES SECOURS

Des secours ont été envoyés par les frères des îles Britanniques et d’Irlande, par l’intermédiaire de la Croix-Rouge internationale et d’autres organismes de charité qui faisaient parvenir par avion des secours aux victimes de guerre. Le siège de la Société à New York et la filiale de Londres ont fait des dons s’élevant à 24 000 dollars. Pendant toute la période de crise et après, la filiale de Lagos a envoyé aux frères à peu près 36 tonnes de nourriture, de vêtements et d’autres marchandises.

Après avoir effectué un voyage au cours duquel il avait apporté aux frères des secours et des encouragements spirituels, frère Mills, de retour à Lagos, a raconté ce qui s’est passé. À la suite de cela, de nombreux membres de la famille du Béthel se sont portés volontaires pour se rendre eux aussi dans les régions ravagées par la guerre civile et encourager les frères qui vivaient dans des camps de réfugiés. La Société a donc envoyé à Calabar frère Asuquo Akpabio avec des secours, dans un avion de la Croix-Rouge. Un autre avion a conduit Gerald Bogard à Port Harcourt. Puis il y a eu Wendell Jensen, un Américain; sa femme Loïs et lui-​même étaient venus au Nigeria en 1966 après être allés à Galaad. Wendell a réussi à atteindre Port Harcourt avec des denrées, des médicaments, des vêtements et des publications, mais il a été intercepté par des soldats et a subi un sévère interrogatoire. Finalement, il a réussi à faire parvenir les secours aux frères à Port Harcourt et à Aba.

Gösta Andersson, un missionnaire arrivé depuis peu au Nigeria, a apporté d’autres secours à Enugu sur un vol de la Croix-Rouge. Il a marché pendant des heures avant de trouver les frères. Il y avait des soldats armés de tous les côtés. Finalement, il est arrivé à destination avec sa marchandise. À un moment, il s’était arrêté sur le bord de la route pour manger un morceau. Un soldat s’est alors précipité dans sa direction, sa carabine braquée sur lui. Frère Andersson raconte: “Je lui ai expliqué qui j’étais et je lui ai montré le permis des autorités militaires. Il s’est retiré à contrecœur et me regardait avec méfiance tandis que je ramassais mes bagages et filais en toute hâte en essayant de dissimuler ma crainte.” Frère Andersson a encouragé les proclamateurs de la région et, empruntant un vélo, il s’est rendu dans un village où les frères avaient organisé une assemblée d’une journée.

LA FIN DU CAUCHEMAR

Soudain, le 15 janvier 1970, à la surprise des deux camps adverses, la guerre a pris fin. Les Témoins de Jéhovah sont sortis de leurs cachettes et ont recommencé à se réunir librement avec leurs frères. Ils ont fait part de ce qu’ils avaient vécu et des merveilleuses preuves qu’ils avaient eues de la protection des anges. Ils ont raconté comment ils avaient pu avoir la vie sauve en utilisant le nom de Jéhovah et en se confiant en lui (Prov. 18:10). Ils ont décrit toute l’horreur des bombardements aériens, de la famine et de la terrible maladie de Kwashiorkor qui, d’après les statistiques, aurait causé la mort d’un million de Biafrais. Ils ont aussi raconté comment, en tant que Témoins de Jéhovah, ils ont été poursuivis et cruellement persécutés à cause des campagnes de recrutement.

La grande majorité des Salles du Royaume dans les régions ravagées par la guerre avaient été mises à sac. Une cinquantaine avaient été détruites et cinquante autres sérieusement endommagées par les bombardements aériens et les combats au sol. Mais les frères s’en étaient sortis, leur intégrité intacte et leur foi fortifiée. Un surveillant de circonscription a fait cette remarque appropriée: “Ils ont prouvé (...) qu’ils étaient bâtis avec des matériaux à l’épreuve du feu.” Un autre, Samuel Onyedire, qui persévère dans le service à plein temps depuis 1954, a fait ce commentaire: “Il est réconfortant de voir comment Jéhovah a soutenu ses serviteurs pendant les jours troublés de la guerre. Il a fortifié notre foi et nous a insufflé du courage. Nous remercions nos frères du monde entier qui ont prié pour nous et dont les prières ont été exaucées si merveilleusement.”

LES CHEFS RELIGIEUX ET LA GUERRE

Par contre, le clergé de la chrétienté a présenté une image tout à fait différente. Le journaliste Akin Elegbe l’a très bien souligné dans le Morning Post du 10 mai 1971: “Au plein cœur de la crise, a-​t-​il écrit, l’Église, à la grande déception de tous, (...) a mis de l’huile sur le feu et ce feu a presque détruit (...) le Nigeria.”

Dans les deux camps, les membres du clergé ont appelé cette guerre “la guerre de Dieu”. Un chef militaire a été acclamé par un évêque protestant comme le “Messie de l’Afrique noire”, et un autre ministre religieux l’a encouragé à ‘travailler comme Moïse et Josué’. Un ecclésiastique a déclaré que “la Sainte Bible et le Coran soutenaient” la guerre contre les rebelles. Les chefs musulmans ont approuvé la guerre, en disant: “La guerre est nécessaire à la paix.” Dans le camp adverse, les évêques catholiques et protestants saluaient leur chef militaire comme “notre Moïse” et ont demandé à leurs ouailles d’aider ‘leurs soldats et leur milice sur le front, non seulement par leurs prières, mais aussi en leur accordant tout soutien moral et matériel’. Les Églises ont donné de l’argent pour acheter des armes et ont prié le même dieu de chaque côté, lui demandant de leur accorder la victoire. À l’étranger, des chefs religieux ont également pris position dans le conflit, ce qui a provoqué une grande confusion religieuse.

Il n’est pas étonnant qu’un gouverneur d’État nigérian ait déclaré que la “crise au Nigeria aurait pu être évitée si les Églises et les autres organisations chrétiennes avaient correctement joué leur rôle”. Des protestations officielles ont même été envoyées au Vatican contre l’Église, qui, selon un auteur, “a tout fait pour essayer de diviser le Nigeria”.

Certains membres du clergé eux-​mêmes ont condamné cette attitude. Par exemple, décrivant le rôle des Églises dans la guerre, le pasteur K. Balogun, de l’Assemblée chrétienne d’Ibadan, a dit ceci: “Ceux qui se disaient messagers de Dieu ont échoué. (...) Nous qui nous prétendions ministres de Dieu, nous sommes devenus les ministres de Satan.”

On comprend pourquoi de nombreuses personnes des deux camps adverses ont perdu toute confiance dans le clergé. D’autre part, les conséquences de la guerre, les souffrances et les tribulations inimaginables que les gens avaient subies en ont amené beaucoup à reconsidérer leur attitude envers les Témoins de Jéhovah. Dans une époque si troublée et si obscure, seuls les Témoins de Jéhovah les avaient réconfortés en leur faisant connaître un véritable espoir. Ils étaient les seuls à être restés courageusement neutres. Il n’est donc pas étonnant que vers la fin de la guerre un grand nombre de personnes au cœur droit aient commencé à embrasser le vrai culte. “Même les soldats, ont raconté plus tard les frères, nous faisaient signe de venir chez eux et de les prêcher. Le message du Royaume de Dieu les rafraîchissait.”

DES PERSÉCUTEURS DEVIENNENT DES FRÈRES

Un officier de l’armée avait essayé par tous les moyens d’obliger les frères à prendre les armes, mais sans succès, bien qu’il n’eût aucune difficulté avec les hommes des autres religions. Après la guerre, il a rendu visite à des frères et a exprimé le désir de devenir Témoin de Jéhovah. L’intégrité et la neutralité des frères l’avaient convaincu. “J’ai trouvé la vraie religion”, a-​t-​il dit. Ce n’est là qu’un des nombreux militaires qui ont ainsi reçu des bienfaits pour avoir remarqué la fidélité des serviteurs de Jéhovah.

Dans un camp de recrutement au Biafra, un jeune frère refusa de recevoir une formation militaire, en dépit des nombreux coups qu’on lui assenait. Il a été attaché à un poteau devant un peloton d’exécution, puis on lui a dit qu’on allait compter jusqu’à quatre et le fusiller. L’officier comptait et faisait une pause entre chaque chiffre pour permettre au frère de changer d’avis. Mais le frère est resté imperturbable. À quatre, il a été exécuté. Parmi ceux qui ont assisté à cette scène, il y avait un jeune soldat qui a été très ému par un tel exemple de foi et d’intégrité. Cela l’a poussé à examiner sa propre position. Il avait été élevé dans la foi presbytérienne et il pensait que tout le monde adorait le même Dieu. Mais maintenant, il savait que les Témoins de Jéhovah étaient différents. Dès la fin de la guerre il s’est mis à assister aux réunions de la congrégation locale et il est devenu Témoin de Jéhovah.

Beaucoup de ces hommes sont aujourd’hui pionniers. Certains sont même devenus surveillants de circonscription ou ont servi au Béthel. Ces années d’épreuves n’ont donc pas empêché les Témoins de Jéhovah d’augmenter en nombre. Au contraire, il y a eu un accroissement phénoménal et la moyenne du nombre des proclamateurs est passée de 37 392 en 1965 à 62 641 en 1970. Pendant ces quatre années, 24 486 nouveaux disciples ont été baptisés, alors qu’il n’y en avait eu que 12 230 au cours des cinq années précédentes. Oui, Jéhovah avait assurément béni l’endurance et la fidélité de ses Témoins.

RÉORGANISATION APRÈS LA GUERRE

Dès la fin de la guerre, la filiale a fait le nécessaire pour reprendre la production des publications en ibo et en efik, qui avait été suspendue. Les surveillants de circonscription et de district ont assisté à un cours spécial à Lagos, après quoi ceux qui étaient venus du pays ibo y sont retournés afin d’aider les 304 congrégations et groupes isolés qui avaient été réorganisés.

Pendant ce temps, des dispositions ont été prises pour encourager les frères dans les régions qui avaient été ravagées par la guerre et pour les aider à reprendre une activité normale. Le 8 mars, le surveillant de filiale et d’autres frères du Béthel ont entrepris un voyage de neuf jours dans l’est du pays, emportant avec eux des publications bibliques dont les frères avaient tant besoin, de la nourriture et des vêtements, au total 11 tonnes. Cette visite a beaucoup encouragé les frères.

LA PREMIÈRE ASSEMBLÉE INTERNATIONALE

Maintenant que l’on pouvait se déplacer sans problème dans tout le pays, le temps était venu de réunir les frères pour une grande assemblée. L’occasion s’est présentée lors de l’assemblée internationale “Les hommes de bonne volonté” qui s’est tenue à Lagos en décembre 1970. Cette assemblée s’est révélée être l’un des événements les plus importants de l’histoire des Témoins de Jéhovah au Nigeria.

Il a été très difficile de trouver des chambres pour les quelque 100 000 Témoins qui venaient de toutes les régions du Nigeria. Mais les frères ont passé la capitale et sa banlieue au peigne fin, et ils ont demandé aux gens s’ils acceptaient d’héberger des visiteurs pendant l’assemblée. Les Salles du Royaume ont été transformées en dortoirs. Immeubles vides, usines, écoles, garages, tout cela a été utilisé. Quand la foule a envahi la ville, tous ont pu dormir à l’abri.

Il y avait des délégués de 15 pays, notamment N. Knorr, F. Franz, M. Henschel, ainsi que Wilfred et Gwen Gooch. Pour accueillir les visiteurs étrangers, il a fallu louer presque toutes les chambres d’hôtel de la ville. Par exemple, quand un agent d’une compagnie internationale d’aviation a été informé que sa société envoyait des représentants à Lagos, il a vite répondu en ces termes: “Il n’y a pas de logement, toutes les chambres d’hôtel sont occupées par les Témoins de Jéhovah.” “Ne pouvez-​vous pas loger quelques représentants chez vous?” lui a-​t-​on demandé. “J’héberge déjà six Témoins de Jéhovah chez moi!” a-​t-​il répliqué.

Les différentes installations indispensables pour l’assemblée ont nécessité la construction d’une véritable ville de bambou: 17 lieux de rassemblement comportant chacun des sièges et une estrade ainsi que des dortoirs, des cafétérias, et d’autres services. Le programme a été présenté simultanément en 17 langues. Au discours public il y a eu 121 128 assistants. C’était vraiment extraordinaire! Le baptême par lui-​même était un événement, puisque 3 775 nouveaux Témoins ont été baptisés par immersion, au rythme de 20 par minute.

Les frères et les sœurs ibos ont été chaleureusement accueillis. On s’embrassait et on pleurait de joie. Beaucoup avaient pu venir à l’assemblée grâce aux contributions des frères de tout le Nigeria et d’outre-mer. Les assistants versaient des larmes de joie, heureux de pouvoir savourer les eaux rafraîchissantes de la vérité et fréquenter leurs frères, bonheur qui leur avait été interdit pendant plus de deux ans. Après l’assemblée certains délégués étrangers ont pris l’autocar pour se rendre en pays ibo et visiter la région qui avait été le plus touchée par la guerre. C’était très émouvant de voir, dans une ville après l’autre, les frères locaux accueillir et embrasser les visiteurs. Les gens accouraient dans les rues pour voir ce qui se passait. Une telle démonstration d’amour et d’unité entre Noirs et Blancs était une chose qu’ils n’avaient jamais vue auparavant.

UNE GRANDE FOULE DE PROCLAMATEURS DU ROYAUME

Depuis le jour où Claude Brown a commencé à prêcher la bonne nouvelle au Nigeria en 1921, la vérité a vraiment trouvé de nombreuses oreilles attentives dans ce pays. Vingt-cinq ans après, en 1946, 3 542 personnes participaient au ministère du Royaume. En 1971, ce nombre était passé à 75 372. En 1976, une moyenne de 107 924 personnes prenaient part à cette activité. Mais il y a eu ensuite une période de récession, et la moyenne est descendue à 91 217, car diverses épreuves avaient miné la foi de ceux qui n’avaient pas été bâtis avec des ‘matériaux à l’épreuve du feu’. (I Cor. 3:11-13.) Après la guerre certains se sont laissé entraîner par des objectifs matérialistes qu’offrait la vie citadine. D’autres sont tombés dans l’immoralité. Mais la grande majorité des frères ont gardé une foi solide. D’ailleurs, en avril 1985, un nouveau maximum de 121 729 proclamateurs a été atteint.

Le Nigeria compte notamment un groupe toujours plus grand de pionniers. Le nombre des pionniers permanents et spéciaux est passé de 2 956 en 1980 à 4 556 en avril 1985. Pendant ces mêmes années, le chiffre maximum des pionniers auxiliaires est passé de 2 411 à 15 096.

Certains des serviteurs à plein temps servent Jéhovah depuis la fin des années 1930. D’autres sont dans le service à plein temps depuis plus de 30 ans. James Namikpoh, le premier Nigérian qui ait jamais prêché la bonne nouvelle, a été actif dans le service de Jéhovah pendant plus de 52 ans. Il a été pionnier pendant 46 ans, jusqu’à sa mort à l’âge de 84 ans. M. Orode, bien qu’amputé d’une jambe, a pris part au service de pionnier pendant plus de 32 ans, avant de mourir en 1983. De nombreux autres frères fidèles servent toujours dans le territoire ou à la filiale.

Au cours des décennies qui ont vu ce merveilleux accroissement au Nigeria, la filiale de Lagos s’est également occupée des intérêts du Royaume dans les pays voisins. La place nous manquerait si nous voulions vous donner des détails sur ce sujet, mais nous pouvons dire que chacun de ces pays pourrait faire l’objet d’un récit tout aussi réjouissant. Tous ces pays ont connu de modestes débuts; les frères sont restés fidèles malgré la persécution et les proclamateurs, pleins d’abnégation, ont fait des efforts sincères pour faire connaître la bonne nouvelle à autrui. La Sierra Leone et le Ghana ont maintenant leur propre filiale. Dans d’autres pays proches les frères poursuivent leur activité en dépit des restrictions gouvernementales, qui leur valent parfois des peines d’emprisonnement et des mauvais traitements. Mais les serviteurs fidèles de Jéhovah continuent de démontrer que l’accomplissement de la volonté divine est ce qui compte le plus dans leur vie, et leur nombre ne cesse de croître.

DES ASSEMBLÉES POUR FAIRE FACE À L’ACCROISSEMENT

Au lieu de continuer à n’organiser qu’une seule grande assemblée, comme en 1970, il semblait préférable que plusieurs assemblées soient tenues dans différentes villes bien situées dans le pays. Le nombre de ces assemblées varie d’année en année, et en 1984 il y en a eu 45; des discours ont été donnés en 22 langues et on a dénombré une assistance totale de 287 894 personnes!

Pour prendre soin de ces foules toujours plus nombreuses, les frères ont construit des installations permanentes pour les assemblées en de nombreux endroits. Certaines de ces installations comprennent un grand espace couvert pour abriter les sièges, mais ouvert sur les côtés pour permettre une bonne aération. Quelques-unes ont grosso modo la forme d’un amphithéâtre. On y trouve aussi parfois un bassin pour les baptêmes ainsi que de grands dortoirs pour loger les assistants. Les frères ont tout construit eux-​mêmes, et les installations conviennent bien aux besoins locaux et au climat tropical.

EXTENSION DES BÂTIMENTS DE LA FILIALE

En 1972, de nouvelles dispositions théocratiques ont été prises, et la direction de l’œuvre à la filiale a commencé à faire l’objet de quelques modifications. En 1976, le Collège central a nommé un comité de frères mûrs qui serait responsable de l’œuvre du Royaume, comme cela se faisait dans les autres pays du monde. Plusieurs frères ont été surveillants de la filiale depuis que celle-ci a été établie au Nigeria. Tous ont fait un bon travail et ont été appréciés par les frères. Don Ward, qui avait servi au Dahomey (aujourd’hui le Bénin) a reçu une nouvelle affectation au Nigeria pour s’occuper de la construction des nouveaux bâtiments, et il a été nommé surveillant de filiale en 1972. Il fut le premier coordinateur du Comité de la filiale, mais il a dû retourner aux États-Unis pour des raisons de santé. Il est mort en 1983 après 41 ans de service fidèle. Aujourd’hui, le Comité de la filiale est composé de Malcolm Vigo et des frères Andersson, Olih, Olugbebi, Prosser et Trost.

Les logements, les bureaux et l’imprimerie du Béthel ont également dû être agrandis au fil des années. Dès 1948, les publications étaient imprimées sur une petite presse plate au rez-de-chaussée de la maison de sœur Green, Campbell Street, à Lagos. Le bureau de la filiale et l’entrepôt des publications étaient situés à des endroits différents, et la famille du Béthel était logée dans trois autres endroits. Depuis lors nous avons eu de belles installations pour la filiale, mais elles ont toutes fini par être trop petites.

Au moment où nous rédigeons ce récit, un complexe de bâtiments entièrement nouveau est en construction à Igieduma, sur 55,5 hectares de terrain. En 1984, nous avons construit un campement temporaire pour les frères qui travaillent à la construction. Le Collège central a décidé que le bâtiment de l’imprimerie serait préfabriqué, et les matériaux nécessaires ont été importés des États-Unis. Quand il sera terminé, ce bâtiment mesurera 80 mètres de large sur 120 mètres de long. Un grand bâtiment réservé aux bureaux, quatre bâtiments abritant les logements et reliés entre eux, ainsi que d’autres installations nécessaires seront également construits. L’obtention des permis d’importation a vraiment été un acte de foi. Tous les matériaux sont bien arrivés sur les lieux. Cela a démontré que Jéhovah bénissait ce projet. Des Témoins qualifiés sont venus de l’étranger se joindre aux frères locaux et tous travaillent ensemble pour mener à bien ce projet.

L’œuvre du Royaume a parcouru un long chemin dans ce pays. La foi des chrétiens a été mise à l’épreuve par de grandes difficultés. Nos frères ont été façonnés et ils forment une organisation théocratique forte. Il y a quelque 60 ans de cela, il n’y avait qu’un seul proclamateur de la bonne nouvelle au Nigeria. Ce “petit” est devenu non seulement un millier, mais plus de 120 000. Ces 120 000 prédicateurs se réjouissent de faire partie d’une organisation mondiale unie qui est en train de vivre aujourd’hui l’accomplissement de cette merveilleuse promesse de Jéhovah: “Le petit deviendra un millier, et celui qui est infime une nation puissante. Moi, Jéhovah, j’accélérerai cela en son temps.” — És. 60:22.

[Carte, page 191]

(Voir la publication)

NIGERIA

KANO

ZARIA

KADUNA

Niger

Bénoué

Okpara

LAGOS

OYO

ILESHA

IBADAN

BENIN CITY

IGIEDUMA

ENUGU

ASABA

SAPELE

WARRI

ABA

FORCADOS

CALABAR

PORT HARCOURT

NIGER

BÉNIN

GOLFE DE GUINÉE

CAMEROUN

TCHAD

Lac Tchad

[Carte, page 234]

(Voir la publication)

On parle plus de 250 langues au Nigeria. La carte indique les régions où l’on parle quelques-unes des principales langues.

NIGERIA

Yorouba

Ibo

Efik

[Illustration, page 193]

James Namikpoh, le premier Témoin nigérian. Il fut pionnier jusqu’à sa mort, à l’âge de 84 ans.

[Illustration, page 199]

Brown “la Bible” et sa femme ont servi 27 ans en Afrique occidentale.

[Illustration, page 200]

Parmi les instruments utilisés pour répandre le message du Royaume, il y avait des casques portant divers slogans et des porte-voix.

[Illustration, page 209]

Ernest Moreton (qui aimait les vêtements nigérians) et Anthony Attwood, deux des premiers missionnaires envoyés au Nigeria.

[Illustration, page 216]

Asuquo Akpabio, l’un des premiers Nigérians diplômés de l’École de Galaad, avec sa femme Christiane.

[Illustrations, page 223]

Scènes de la vie quotidienne au Nigeria.

[Illustration, page 231]

Woodworth et Oris Mills, diplômés de Galaad, qui ont servi pendant près de trente ans au Nigeria.

[Illustrations, page 247]

Les assemblées à la mode nigériane.

[Illustration, page 249]

L’une des installations permanentes pour les assemblées, construite par les Témoins nigérians.

[Illustration, page 250]

Le Comité de la filiale actuel. Au premier rang (de gauche à droite): Albert Olugbebi, Malcolm Vigo, Albert Olih. Au deuxième rang: Carlos Prosser, Gösta Andersson, Donald Trost.

[Illustration, page 252]

Les bâtiments actuels de la filiale sont devenus trop petits, et de nouveaux sont en construction à Igieduma.