Le SIDA en Afrique: l’ampleur du désastre
Le SIDA en Afrique: l’ampleur du désastre
De notre correspondant en Afrique
VOUS rappelez-
Puis le silence. Les médias étaient saturés, et le public finissait par se lasser de ces prédictions apocalyptiques. Cela allait-
Selon le sidologue André Spier, “personne ne peut avancer de chiffres pour l’avenir”. Reste qu’il n’est guère optimiste: “Ils seront extrêmement élevés, et ce sera une véritable hécatombe dans toute la société.” Déjà en 1988, lors d’une conférence internationale sur le SIDA tenue à Stockholm, le médecin suédois Lars Kallings prédisait “un bilan effrayant (...) dans seulement deux ou trois ans”.
Plus de trois ans ont passé. Aujourd’hui, on découvre avec effroi que nombre de ces prédictions n’étaient pas exagérées. Aux chiffres commencent à se substituer les avis nécrologiques. Et le pire est encore à venir.
Mort et agonie
Le SIDA sème la mort et la destruction dans nombre de pays subsahariens. Un récent article de la revue scientifique Nature révèle que “dans certains centres urbains, le SIDA est désormais la première cause de mortalité chez les adultes et l’une des premières chez les enfants”. Dans une ville, le SIDA fait tellement de victimes que les prêtres ont du mal à assurer les offices funèbres.
En octobre 1991, les chefs de gouvernement des pays du Commonwealth réunis à Harare, au Zimbabwe, ont pris connaissance d’un rapport bien inquiétant sur le SIDA en Afrique. On y apprenait que dans certains pays les sidéens occupaient 50 à 80 % des lits d’hôpitaux. À propos de l’Ouganda, pays particulièrement touché, le sidologue Stan Houston a révélé que le SIDA y a déjà fait plus de victimes que les 15 dernières années de guerre civile.
Tout aussi inquiétantes sont les découvertes faites à Abidjan (Côte d’Ivoire). Des médecins et des scientifiques ont passé plusieurs mois à examiner les cadavres des deux plus grandes morgues de la ville. À quelle conclusion sont-
Même l’OMS (Organisation mondiale de la santé), qui contrôle la progression de la maladie dans le monde, estime qu’il s’agit seulement de la partie visible de l’iceberg. Selon New Scientist, elle “est convaincue que de nombreux pays d’Afrique orientale et d’Afrique centrale n’ont signalé qu’environ 10 % des cas de SIDA (...). Les rapports sont incomplets et inexacts parce que la surveillance est sommaire”.
Infection latente
Un aspect terrifiant du SIDA est la longue période de latence qui précède l’apparition des signes de la maladie par eux-
Les tests de dépistage révèlent à présent toute l’étendue du fléau en Afrique. Par exemple, selon la revue African Affairs, “la région très peuplée qui borde le lac Victoria (...) signale une forte prévalence de [VIH] (...), qui est de l’ordre de 10 à 18 % pour les adultes présentant un risque d’infection faible ou moyen, et de 67 % pour ceux qui changent souvent de partenaires sexuels”. De même, la revue Nature estime que, “depuis 1984, l’infection s’est propagée progressivement au sein de la population adulte, atteignant une proportion de 20 à 30 % dans les centres urbains les plus touchés”. Rendez-
Naguère peu disposés à révéler l’étendue de la maladie, les gouvernements et autres autorités prennent aujourd’hui conscience de l’ampleur du désastre. L’ancien président d’un pays d’Afrique a accepté d’engager son pays dans la lutte contre le SIDA après que son propre fils a succombé à la maladie. Un autre homme d’État a récemment annoncé que son pays compte 500 000 séropositifs. Ignorants de leur état, la plupart d’entre eux contribuaient à répandre le fléau par leurs mœurs légères.
“Dites-
Le pourcentage des séropositifs augmentant régulièrement, le nombre de ceux qui tomberont gravement malades et mourront va monter en flèche. Ces disparitions provoqueront des chagrins et des douleurs indescriptibles. Témoin ce qui est arrivé à Khamlua, un Africain de 59 ans qui vit à la frontière ougando-tanzanienne, une région où le SIDA fait des ravages. Depuis 1987, il a enterré 11 de ses enfants et petits-enfants, tous morts du SIDA. “Allez raconter partout ce qui m’arrive, gémit-
Compte tenu des voies de transmission du SIDA, le drame qui a frappé Khamlua l’Africain peut se reproduire en de nombreux endroits du monde. ‘Mais, vous demandez-
[Entrefilet, page 3]
Dans certains pays en développement, “en 1993 le SIDA sera la première cause de mortalité”. —The World Today, Angleterre.